Si nous ne voulons pas réinventer l’eau chaude tous les matins, il est utile de connaître les apports de l’histoire aux objectifs que l’on s’assigne. Pour une synthèse jaurésienne entre Laïcité et République sociale, et si nous comprenons l’importance du primat de la question sociale pour fédérer le peuple (contrairement à l’archipélisation actuelle), alors il est possible de construire ce qu’il nous manque cruellement aujourd’hui, un bloc historique populaire incluant la grande majorité de la classe populaire ouvrière et employée et les jeunes de moins de 35 ans. Sans cela, on pourra faire du bruit et de la fureur mais sans aucune efficacité sociale autre que celle de fortifier un camp largement minoritaire (rappelons que la Nupes fait au premier tour des législatives de 2022, 11,2 % des personnes en âge de voter (une fois défalqués l’abstention, les votes blancs et nuls et les non-inscrits).
Notre Réseau est un réseau de Révolution au sens jaurésien
Avec nos trois outils (ReSPUBLICA, Réseau Education Populaire et Combat laïque-Combat social, fédérer le peuple, notre Réseau se place en effet dans le sillage des lignes qui suivent, écrites par le grand Jaurès, qui sont de nature à ouvrir une réflexion tout en étant d’une radicalité sans commune mesure avec les discours stratégiques actuels de la gauche actuelle :
« Il ne se propose pas seulement d’atténuer, de réformer les pires abus de la société actuelle ; il veut réformer en son fond cette société même, transformer toute la propriété capitaliste en propriété sociale gérée par la communauté des producteurs organisés. Il met au-dessus de toutes les institutions le droit souverain du travail exploité, et il appelle tous les salariés, ceux des usines, des comptoirs et des champs, à dresser contre le privilège de la classe possédante la revendication de la classe dépouillée… tous les faits concluent à la nécessité d’une organisation nouvelle fondée sur la propriété sociale, sur la libre coopération des producteurs affranchis et des nations réconciliées…».(1)On pourrait continuer avec d’autres extraits : Notre Réseau est un réseau de Révolution, « précisément parce qu’il n’est pas arrêté, dans sa revendication incessante, par le droit prétendu de la propriété capitaliste bourgeoise… le prolétariat… entrera dans la force économique et la réalité sociale sans risquer de devenir un rouage de l’État bureaucratique ou une pièce du mécanisme capitaliste… La grève générale, ou la menace sérieuse et réfléchie de grève générale, sera pour le prolétariat un moyen puissant de revendication et d’action quand elle sera ménagée pour de grands objets d’une importance essentielle pour l’ensemble du prolétariat… quand elle sera appliquée à défendre contre les violences systématiques et prolongées du pouvoir la liberté de pensée et d’organisation de la classe ouvrière, ou encore à conquérir de larges garanties nouvelles et de vastes réformes sociales longtemps réclamées en vain d’un patronat égoïste ou d’un Parlement indifférent, hostile ou incohérent… Alors et dans ces conditions, la grève générale rappellera à tous, efficacement, que la force vitale est dans le travail et qu’il est imprudent de violenter son droit ou de l’éluder… Comme toutes les classes opprimées au long de l’histoire, le prolétariat maintient et affirme son droit de suprême recours à la force insurrectionnelle, selon la formule même de la démocratie révolutionnaire bourgeoise, qui, dans sa constitution de 1793, a proclamé le droit et le devoir d’insurrection, quand un seul membre du corps social était opprimé… C’est par un large recrutement syndical aboutissant à l’unité d’action ouvrière et à la libre discipline dans les grèves que le prolétariat évitera ces abominables divisions entre ouvriers qui font le jeu du patronat et du pouvoir, et qui ouvrent accès aux violences gouvernementales… »
Ces citations, librement choisies par nous-mêmes, ont été écrites par Jean Jaurès en tant que motion du Tarn pour le congrès du Parti socialiste en 1908. Ce texte est devenu la motion votée par le congrès national lui-même. On peut en mesurer la radicalité en regard de ce qui est produit aujourd’hui par ce que les médias dominants appellent la « gauche radicale » ou l’ « extrême gauche ». Il n’y a pas photo ! Tous les ingrédients y sont : la lutte des classes, l’importance du travail et des rapports de production, la nécessité de la grande réforme du droit de propriété, le tout avec comme moyen central la démocratie partout dans la politique, dans le social, dans le travail et donc dans les entreprises.
Bien sûr, à cette époque, il y avait les trois vecteurs indispensables de la bataille culturelle, économique, sociale et politique : le parti, les syndicats et les organisations d’éducation populaire (sociétés de secours mutuels, bourse du travail, associations d’éducation populaire, etc.). Aujourd’hui, les trois champs sont dissociés. Les organisations syndicales et politiques de gauche et les organisations naguère d’éducation populaire ont abandonné le champ de l’éducation populaire.
Notre Réseau s’est investi dans le champ de l’éducation populaire tout simplement pour combler ce manque pour engager la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle ! L’importance du triptyque (partis, syndicats, secteur de l’éducation populaire refondée) pour la transformation sociale et politique nous impose de développer en toute autonomie ce secteur de l’éducation populaire refondée qui a pour nous la définition suivante : l’éducation populaire est une activité culturelle qui vise à la transformation sociale et politique aux fins que chaque citoyen, chaque travailleur soit auteur et acteur de sa propre vie. Elle a pour but l’émancipation humaine, la conscientisation et l’augmentation de la puissance d’agir.
Elle comporte donc diverses méthodes de construction des initiatives et démarches d’éducation populaire. Aujourd’hui, comme la démocratie et l’autonomie des êtres humains sont en profond recul, et que le relativisme culturel de ces dernières décennies rend confus tous les mots de l’émancipation, il est nécessaire de les refonder.
Vers une gauche de gauche
Cette première rubrique après la trêve estivale part des analyses que nous avons déjà développées dans notre journal ReSPUBLICA lors de nos colloques des 19 février au Sénat et du 25 juin dans la grande salle Croizat de la Bourse du travail de Paris.
Mais il y a des éléments nouveaux qui confortent notre positionnement critique. D’abord une intensification des conflits inter-impérialistes qui va transformer le libre-échange mondial déjà très inégalitaire de la séquence précédente en un affrontement global politique et donc économique, idéologique et militaire entre des groupes régionaux de nations, chacune soumise à un impérialisme dominant possédant l’arme nucléaire, principalement entre les USA et leurs alliés, et la Chine et ses alliés. Puis, la poursuite du développement mondial de la poussée idéologique de l’identitarisme bourgeois jusqu’au sein de toutes les organisations syndicales et politiques des gauches françaises actuelles. Enfin, un accroissement sans précédent des phénomènes d’exploitation, de domination et d’expropriation subis par les travailleurs débouchant sur une sécession des gens ordinaires dans les urnes et dans le travail dont l’analyse la plus convaincante est celle d’Alain Supiot : https://groupedhistoiresociale.com/2022/07/26/alain-supiot-des-urnes-au-travail-nous-assistons-a-la-secession-des-gens-ordinaires/ .
Ce qu’il faut comprendre, c’est que ces trois caractéristiques de la séquence actuelle du capitalisme sont non seulement intrinsèquement liées mais sont une nécessité obligatoire pour le maintien du capitalisme. Lutter contre ces trois caractéristiques, c’est pratiquer « la double besogne » en articulant les nécessaires réformes sociales immédiates avec la préfiguration d’un ordre économique et social ultérieur et donc anticapitaliste. On mesure par là le chemin à parcourir des directions de toutes les organisations politiques et syndicales françaises pour s’autonomiser par rapport aux impérialismes, pour promouvoir le primat de la lutte des classes sur toutes les autres formes de domination, associée aux principes de la République sociale, aux ruptures nécessaires, aux exigences indispensables et à la stratégie de l’évolution révolutionnaire(2)Voir le livre sur la République sociale dans la rubrique du site intitulée Librairie militante..
Bien sûr, il faut lier la lutte contre l’exploitation, contre les dominations, contre l’expropriation. Concernant la lutte nécessaire contre les dominations, il convient donc de promouvoir le féminisme universel concret contre le néo-féminisme identitaire bourgeois et contre l’universel abstrait bourgeois, de promouvoir un antiracisme universel concret contre d’une part le néo-antiracisme identitaire bourgeois et d’autre part l’antiracisme universel abstrait bourgeois.
Nous renvoyons aux présentations du colloque du 25 juin, précité, en particulier quant aux enseignements majeurs des élections du premier semestre 2022 : au premier tour des législatives, 70 % des jeunes de moins de 35 ans et de la classe populaire ouvrière et employée ne se sont pas exprimés dans les urnes ; la Nupes est faible ou recule souvent en zones rurales ou périphériques, ce qui a permis l’extension territoriale du RN.
L’après-midi de ce même colloque, nous vous avons proposé un nouvel outil, le « cercle militant » de « Combat laïque, combat social, fédérer le peuple » (Clcs-flp) pour combattre les trois caractéristiques de la séquence actuelle du capitalisme. Vous pouvez retrouver la présentation du « cercle militant » sur le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=dArKvSjGUh4&feature=emb_title
Alors, lisez ReSPUBLICA et réagissez ! Créer partout où cela est possible un cercle militant « Combat laïque-Combat social, fédérer le peuple) avec ou sans l’aide des livrets du Réseau Éducation Populaire ! Invitez les intervenants du Réseau Éducation Populaire (Rep) ! Militez dans les organisations politiques, syndicales, associatives de gauche et défendez une ligne gauche de gauche !
Notes de bas de page
↑1 | On pourrait continuer avec d’autres extraits : Notre Réseau est un réseau de Révolution, « précisément parce qu’il n’est pas arrêté, dans sa revendication incessante, par le droit prétendu de la propriété capitaliste bourgeoise… le prolétariat… entrera dans la force économique et la réalité sociale sans risquer de devenir un rouage de l’État bureaucratique ou une pièce du mécanisme capitaliste… La grève générale, ou la menace sérieuse et réfléchie de grève générale, sera pour le prolétariat un moyen puissant de revendication et d’action quand elle sera ménagée pour de grands objets d’une importance essentielle pour l’ensemble du prolétariat… quand elle sera appliquée à défendre contre les violences systématiques et prolongées du pouvoir la liberté de pensée et d’organisation de la classe ouvrière, ou encore à conquérir de larges garanties nouvelles et de vastes réformes sociales longtemps réclamées en vain d’un patronat égoïste ou d’un Parlement indifférent, hostile ou incohérent… Alors et dans ces conditions, la grève générale rappellera à tous, efficacement, que la force vitale est dans le travail et qu’il est imprudent de violenter son droit ou de l’éluder… Comme toutes les classes opprimées au long de l’histoire, le prolétariat maintient et affirme son droit de suprême recours à la force insurrectionnelle, selon la formule même de la démocratie révolutionnaire bourgeoise, qui, dans sa constitution de 1793, a proclamé le droit et le devoir d’insurrection, quand un seul membre du corps social était opprimé… C’est par un large recrutement syndical aboutissant à l’unité d’action ouvrière et à la libre discipline dans les grèves que le prolétariat évitera ces abominables divisions entre ouvriers qui font le jeu du patronat et du pouvoir, et qui ouvrent accès aux violences gouvernementales… » |
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↑2 | Voir le livre sur la République sociale dans la rubrique du site intitulée Librairie militante. |