Malgré l’indignation générale à la suite de l’assassinat de Samuel Paty, le fanatique qui l’a perpétré a tout de même fait des admirateurs. D’après le ministère de l’Éducation nationale, à la date du 6 novembre, 400 incidents de violation de la minute de silence organisée le 2 novembre avaient été relevés.
Faut-il s’en prendre à internet et aux réseaux sociaux ? certes, une régulation est nécessaire, mais on en voit les limites. La première des régulations, ce serait de leur imposer de pas favoriser la vulnérabilité des esprits en les abrutissant de publicités et de dispersion intellectuelle, abrutissement qui offre un terrain de choix à toutes les jobardises et, en fin de compte, à tous les fanatismes.
Car l’effet de contagion, qu’à un niveau bien plus anodin on appelle effet de mode, est inhérent au capitalisme marchand : il est indispensable pour entretenir la consommation, elle-même indispensable au profit, pour induire les particuliers à acheter des produits dont ils n’ont pas besoin, à changer leurs équipements sans raison valable, à jeter au lieu de réparer. Devant les images, à un niveau bien plus atroce, le même mécanisme fonctionne, allié à d’autres causes et décuplant leurs effets : l’assassinat devient aussi un objet d’imitation ou du moins d’admiration.
C’est donc la société marchande qui favorise, voire génère le terrorisme. Cette conjonction de causes, toutes émanant d’elle, ont été analysées en détail dans un article déjà publié dans ReSPUBLICA[1]. Retenons-en seulement deux points :
- Les causes sociales qui chez les jeunes favorisent la révolte, chômage, discrimination, pauvreté, précarité, mais aussi instabilité familiale, violences au sein de la famille, etc. Et, pour ceux qui sont « favorisés », n’oublions par la médiocrité de l’avenir qui est promis à ces jeunes, sommés de choisir, dans une société financiarisée, des emplois éloignés de leurs aspirations, sous peine de n’en trouver aucun.
- Quels moyens de régir à cette contagion des comportements et ce conditionnement des esprits ? La formation de l’esprit critique. L’éducation aux médias et à internet proprement dite ne peut l’assurer que très partiellement, si on omet l’essentiel : les savoirs émancipateurs dont la diffusion, la transmission, est la mission de l’école. Or, nous l’avons assez vu, l’école républicaine, à mesure que l’enseignement se massifiait, a été méthodiquement démontée et rendue exsangue de ses contenus (ce qui n’empêche pas chez les enfants et les familles le stress de l’échec et l’impression de surcharge, entre autres précisément parce qu’on leur a refusé la formation de base pour réussir) : la dernière réforme de la formation des maîtres[2] témoigne encore de cette réduction des ambitions. À la place, on prétend inculquer à la jeunesse des « valeurs républicaines », expression qui proclame suicidairement qu’elles ne sont que relatives et subjectives, et dont le caractère indéfini ouvre la porte à toutes les censures[3]. C’est offrir un boulevard aux endoctrineurs de tout genre comme aux publicitaires de tout poil.
Faut-il le redire ? le combat contre le fanatisme et le combat laïque en général, comme le combat pour la république (la vraie), est étroitement solidaire du combat social.
[1] http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/le-liberalisme-porte-en-lui-le-terrorisme-comme-la-nuee-dormante-porte-lorage/7398305
[2] http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/lobscurantisme-programme-par-la-reforme-blanquer-de-la-formation-des-enseignants/7417609
[3] http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article8809