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Pour gagner, la gauche doit se préparer à changer de ligne stratégique

vue de l'hémicycle du Palais-Bourdon vide

À la suite du dernier numéro de ReSPUBLICA du 8 juillet 2024, les médias dominants et les ténors de la politique, tout comme aussi les boucles militantes malheureusement, ont rivalisé de bons mots typiques de la génération X (ex-Twitter), mais avec des mots très employés qui n’ont aucun sens. Ainsi, le concept de majorité relative n’a aucun sens(1)Lire à ce sujet l’article du Monde : « La classe politique et les médias vont devoir apprendre ce qu’est un véritable régime parlementaire ».. Pour les juristes Denis Baranger, Olivier Beaud, Bruno Daugeron et Jean-Marie Denquin « aucun parti n’a gagné les élections, car aucun n’a eu la majorité absolue des sièges… De nouvelles pratiques constitutionnelles vont devoir se mettre en place : si une coalition fondée sur un accord de gouvernement se dégage, le président devra lui confier Matignon. »

Bien sûr, le président Macron a fait fonctionner le gouvernement sans majorité absolue, mais avec un groupe de plus de 250 députés, ce qui lui permettait de faire des alliances ici et là pour obtenir la majorité absolue. Là, le groupe le plus nombreux, le Nouveau Front Populaire, n’a que 182 élus. On est bien loin du compte. Il pourrait gouverner, pour certains points, par décret et utiliser le 49-3 à répétition sur le projet de loi de finances et pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, mais aurait du mal à résister aux motions de censure. Et sur tous les autres projets de loi, le gouvernement n’a droit qu’à un 49-3 par session.

Par exemple, pour annuler la loi sur les retraites d’Emmanuel Macron, il faudrait l’alliance conjoncturelle du RN ! Difficile alors de faire croire à la possibilité d’appliquer son programme. Sans compter le manque d’unité interne quand on ne compte pas moins de huit candidats déclarés prêts à être Premier ministre, ce qui est un record historique dans la même alliance ! Et attendons la constitution des groupes de l’Assemblée nationale qui pourrait encore changer la donne. Par ailleurs, les médias ont parlé des entretiens entre Édouard Philippe et LR maintenu d’une part et avec Marine Le Pen d’autre part, mais aussi des entretiens pour tenter une alliance « arc-en-ciel » sans le RN et sans LFI. On est revenu aux délices de la IVe République. Mais si le sauvetage d’une déroute encore plus grande de l’extrême centre macroniste réalisé grâce aux voix de gauche aboutit à aller plus loin vers l’union de toutes les droites, RN compris, il y aura un argument de plus pour le changement de ligne stratégique de la gauche tel que noté dans un article cité ci-dessous dans le paragraphe « Que faire ? ».

Nous venons par ailleurs d’apprendre que dès son élection, le député LFI Rodrigo Arenas a demandé l’autorisation de l’abaya dans les écoles publiques, dont l’interdiction découle de la loi du 15 mars 2004. Sans doute pour préparer, s’il obtenait satisfaction, la demande de suppression de la loi du 15 mars 2004 ! La mobilisation laïque doit donc repartir pour défendre la laïcité scolaire. Nous continuerons à lier le combat laïque au combat social.

Une situation économique et sociale difficile

Selon une étude du Crédoc, en 2016, 9 % de personnes ne mangeaient pas à leur faim. Ils sont aujourd’hui plus de 16 %. Il est donc très important d’agir à très court terme contre ce fléau. C’est une priorité importante. Et agir également sur la qualité des produits pour faire face à la malnutrition inadmissible dans notre pays, 7e puissance du monde. Et enfin, la question du pouvoir d’achat devient préoccupante, car beaucoup n’ont pas retrouvé leur pouvoir d’achat d’avant la syndémie du Coronavirus.

Cela dit, la situation économique n’est pas brillante. Face à une progression du produit intérieur brut (PIB) rapporté au nombre d’emplois de 6 % aux États-Unis depuis 2019, la zone euro a baissé de 0,4 % et la France de 3,5 %. Entre 2010 et 2023, Béatrice Madeline, journaliste au journal Le Monde, constate que « le taux de croissance cumulé du PIB a atteint 34 % outre-Atlantique, contre seulement 21 % dans l’Union européenne et 18 % dans la zone euro. Selon le FMI, le PIB par habitant en France est de 58 650 dollars contre 81 630 dollars aux États-Unis ».

Voilà la base qui permet de comprendre l’une des causes importantes du carburant du RN, le sentiment de déclassement d’une partie de la population. Par exemple, le coût du travail au salaire minimum est plus faible en France d’au moins 20 % par rapport aux grandes économies existantes autour de l’hexagone. Le 16 septembre 2024, l’UE ouvrira probablement une procédure contre la France pour déficit excessif. Le programme budgétaire structurel du pays doit être fourni le 20 septembre à l’UE. Puis vient le vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale avec son explosion de 49-3 s’il n’y a pas un compromis entre forces politiques. Et gare aux motions de censure qui vont fleurir.

Que faire ?

Nous avons déjà publié un article listant un certain nombre de propositions reprenant de nombreux anciens articles de ReSPUBLICA pour fixer des propositions à débattre(2)« Après la dissolution, dix solutions pour une gauche de gauche majoritaire ».. Une réflexion approfondie après le deuxième tour des élections législatives nous amène à rajouter deux propositions aux 10 pistes énoncées dans cet article :

Il va sans dire que ces 12 propositions de pistes (10 + 2) font partie de notre double pratique. D’abord, mener les combats de façon holistique (démocratique, laïque, social, écologique, antiraciste, etc.), mais avec le primat de la question sociale pour répondre à la lutte des classes engagée par le grand patronat et les néolibéraux de droite et de gauche mais aussi parce que l’histoire nous a enseigné que c’est le primat de la question sociale qui peut nous faire obtenir la majorité absolue ; ensuite, la double besogne (revendications immédiates et projet à moyen terme, mais à commencer dès que possible) ; et pour les revendications immédiates, elles concernent principalement les réponses sociales indispensables.

Nous réitérons notre appel à augmenter le nombre de correspondants de notre journal et à promouvoir des cercles dans toute la France pour en discuter et pour en débattre avec les membres du comité de rédaction. Tous ensemble, débattons de la politique suivie dans notre pays. Ne laissons pas les seuls professionnels de la politique choisir à notre place. Nous reviendrons ultérieurement sur la différence entre le gouvernement représentatif que nous connaissons aujourd’hui dans notre pays et la démocratie délibérative à conquérir.

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