Note publiée par la Fondation Jean-Jaurès, 10 janvier 2013
Synthèse
Plus qu’aucune autre, la campagne présidentielle de 2012 s’est placée sous le signe de la reconquête du vote ouvrier. Après la campagne de 2007 où les stratèges de Nicolas Sarkozy avaient réussi à préempter le vote ouvrier, l’élection de 2012 constituait une sorte de revanche pour les candidats de gauche. Pourtant, les ouvriers ont voté majoritairement Marine Le Pen. Comment comprendre ce vote au regard des mutations sociales et politiques touchant le monde ouvrier ?
Le vote ouvrier en 2012
Tous les instituts de sondages ont cette année placé en tête au premier tour chez les ouvriers Marine Le Pen (28 à 35 %), devant successivement François Hollande (21 à 27 %) et Nicolas Sarkozy (15 à 22%).
Le candidat du Front de Gauche ne réalise pas la percée escomptée dans le segment particulièrement symbolique pour lui du vote ouvrier. Le premier parti du vote ouvrier reste l’abstentionnisme.
Dynamique historique du vote ouvrier
La conquête du vote ouvrier est le coeur vital des gauches marxistes françaises. Après la Seconde Guerre mondiale, l’alignement du vote ouvrier sur les partis de gauche se réalise progressivement. Le désalignement vient de l’exercice du pouvoir par le Parti socialiste et ses alliés notamment après les élections législatives de 1993.
Les raisons de ce désalignement
Le déclin de l’industrie a entraîné la baisse du nombre d’ouvriers. De plus, avec le développement des ouvriers de service, la classe ouvrière a perdu de sa visibilité sociale. Fin des collectifs au travail, productivité à outrance, contrôle des entreprises par des grands groupes internationaux insérés dans une économie mondialisée, tout a vraiment changé dans l’environnement économique des ouvriers et rien ne favorise plus les solidarités ouvrières.
Vote Front national et dextrisme
Le glissement progressif vers la droite et l’extrême-droite du vote ouvrier est d’abord un fait. Loin du vote protestataire longtemps incarné par Jean-Marie Le Pen, le vote FN devient de plus en plus un vote « pour ». Loin du transfert de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, le vote ouvrier s’est radicalisé à droite.
Droitisation des valeurs ouvrières ?
La droitisation du vote « ouvrier » n’est pas corrélée à une supposée droitisation des valeurs des ouvriers. Au contraire, puisque ceux-ci semblent rattraper l’opinion moyenne sur les questions sociétales, voire aller plus à gauche sur la situation sociale. En réalité, la montée du vote FN chez les ouvriers traduit une demande de protection non prise en compte dans l’offre politique des autres partis politiques. Il n’est pas étonnant que, se situant sur ce créneau électoral, Marine Le Pen prospère.
Géographie du vote ouvrier
Comme le craint Laurent Davezies, il est probable que « la crise qui vient » accentue les différences entre France dynamique et France en difficulté, entre la France des villes-centres et la France périphérique (périurbaine et rurale). C’est justement dans cette France périphérique que se concentrent les ouvriers.