Olivier Nobile est l’auteur du livre
Pour en finir avec le trou de la Sécu, repenser la protection sociale au XXIe siècle écrit en collaboration avec Bernard Teper. On peut se le procurer auprès de la
librairie du site.
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 a été présenté le 5 octobre 2016 en Conseil des ministres et suit actuellement son cheminement législatif pour une adoption début décembre 2016. Rien ne sert d’attendre de la LFSS 2017 des transformations en profondeur ou des réformes considérables, à quelques mois de l’élection présidentielle et un an avant la renégociation des Conventions d’Objectifs et de Gestion (COG) entre l’État et les Caisses nationales de Sécurité sociale. La LFSS 2017 a donc vocation à être un texte législatif de stabilisation des mesures antérieures, étant entendu que les principales « réformes » (ou coups de rabot, c’est selon) du quinquennat Hollande dans le domaine social ont d’ores et déjà été mises en œuvre : allongement de l’âge effectif de départ en retraite, réduction des prestations familiales et modulations des allocations familiales, réduction historique de la cotisation sociale (pacte de responsabilité), économies drastiques sur les dépenses de santé à l’hôpital, réduction douloureuse des coûts de gestion des organismes de Sécurité sociale ….
En réalité, la communication gouvernementale sur le PLFSS est avant tout un exercice d’autosatisfaction, lui permettant de se targuer d’avoir ramené les comptes sociaux à l’équilibre, chose inédite depuis 2001. Le rétablissement des comptes sociaux engagé depuis 2012 devrait permettre en 2016 de ramener le déficit du régime général de sécurité sociale à un niveau de – 3,4 milliards d’euros, nettement inférieur à celui prévu par la loi de financement de la sécurité sociale initiale, soit une réduction de moitié en un an. Les prévisions de recettes et de dépenses pour l’année prochaine et la mise en œuvre des mesures prévues par le Gouvernement permettront d’atteindre un quasi-équilibre financier puisque le déficit du régime général devrait être de moins de 400 millions d’euros. Aussi, comment ne pas être admiratif devant la compétence d’un gouvernement qui est en passe de mettre fin au trou de la Sécu, que l’on croyait pourtant inscrit dans l’ordre des choses depuis toujours et pour l’éternité.
La réalité est tout autre. Les comptes de la Sécurité sociale profitent d’un double mouvement : d’une part une stagnation historique des dépenses sociales et d’autre part un accroissement de recettes du fait d’une progression dynamique de la masse salariale. Certes il faut accueillir favorablement le retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale, ne serait-ce que cela est susceptible d’inverser le rapport de force idéologique à l’endroit de la politique sociale et démontrer l’ineptie du mythe du trou de la Sécu et de l’incapacité de l’institution à équilibrer ses comptes. Toutefois, cet équilibre s’inscrit dans un contexte d’aggravation de la couverture sociale de millions de français et ce, malgré la mise en œuvre de mesures très ciblées à l’endroit des plus pauvres (relèvement du seuil CMU-C et augmentation de quelques euros de certaines prestations familiales sous conditions de ressources).
Les mesures financières
Tandis que les dépenses sociales ont été freinées de manière brutale, dans le même temps, les recettes de la Sécurité sociale ont été affaiblies considérablement : le produit des cotisations sociales progresse 2 fois moins vite (+ 0,6 %) vite que la masse salariale du fait de l’accentuation des dispositifs d’exonération consentis dans le cadre du pacte de responsabilité qui portent uniquement sur la part patronale de cotisations sociales. Les recettes de la branche famille ont été sacrifiées par la baisse des cotisations familiales consenties doublement par la diminution du taux et la progressivité de la cotisation jusqu’à 3,5 SMIC. Ces deux mesures expliquent à elles-seules le déficit de cette branche. En revanche les cotisations salariales progressent de 3,5 %, de même que la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement, ce qui prouve bien qu’a été orchestré un transfert de financement massif du patronat vers les travailleurs et vers l’impôt car, outre la CSG, les recettes fiscales affectées progressent dans le même temps de 3,1 % : il s’agit donc d’une double peine pour les travailleurs. (suite…)