Il n’y a plus guère de doutes qu’il est nécessaire de commencer dès aujourd’hui à organiser une mobilisation civique et sociale importante pour exiger des comptes sur la façon dont nos sociétés ont été rendues particulièrement vulnérables à l’épidémie de Covid-19 par la destruction des institutions sociales, la poursuite exclusive des intérêts du capital et la transformation du monde en terrain expérimental de la concurrence libre et non-faussée. La situation illustre dramatiquement l’importance d’institutions d’intérêt général travaillant dans le temps long et en bonne intelligence avec le corps civique, comme l’hôpital et la recherche publics ; l’importance aussi de mécanismes de protection sociale garantissant un maillage contre les conséquences économiques et psychologiques du confinement ; l’importance enfin d’un aménagement du territoire et d’une politique agricole par bassins, résiliente face aux chocs comme celui que nous vivons. Les appels à « préparer l’après » en ce sens se multiplient, pour ne pas laisser le champ libre à un gouvernement dont on sait qu’on ne peut rien attendre de lui si ce n’est un nouveau tour de vis ordolibéral.
Mais dans la temporalité particulière du confinement, de nombreux citoyens et militants éprouvent une difficulté à se projeter vers un avenir précis, aussi faute de savoir quand et comment nous sortirons du confinement.
C’est dans ce contexte de 4600 scientifiques réunis à partir du 20 mars par le collectif RogueESR ont proposé de prendre date à deux niveaux : « dès la fin du confinement » à l’échelon local et sectoriel, comme le proposent 18 syndicats et ONG dans un appel paru le 27 mars. Mais aussi, à moyen terme, le 20 septembre, pour une journée nationale de refondation dans laquelle les professionnels et les usagers secteurs d’intérêt social, c’est-à-dire en réalité l’ensemble des citoyens, seraient appelés à poser les jalons revendicatifs et programmatiques d’une reprise en main de notre destin commun, autour du combat social, démocratique et écologique. En réalité l’appel s’adresse à toutes et tous, au-delà des professionnels et usagers des services publics traditionnels, car les exceptions au confinement montrent bien que la médecine de ville, l’agriculture, la distribution des produits de première nécessité sont autant de secteurs vitaux qui doivent être placés sous la protection de la société entière. C’est en ce sens que tous les secteurs de la vie sociale sont invités à s’organiser, à produire leurs manifestes de refondation et, dans la mesure du possible, à se mobiliser le dimanche 20 septembre.
Cette proposition de « journée de la refondation » le 20 septembre n’est pas livrée clés en main car ses initiateurs ne s’arrogent pas de légitimité pour imposer un agenda au mouvement social. Mais puisque la recherche est, avec l’hôpital, une des institutions sur qui reposent les espoirs de succès dans la lutte contre le virus, il s’agit pour ces scientifiques, en responsabilité, d’aider à sortir collectivement de la temporalité du confinement, et de contribuer à construire cette échéance précise qui fait tant besoin. Le débat est ouvert : le 20 septembre, jour anniversaire de la bataille de Valmy, peut-il être le jour où le peuple se fédérera à nouveau contre une oligarchie en faillite et pour reprendre en main son destin ?
L’appel à retrouver prise peut être lu et signé ici : http://rogueesr.fr/retrouver-prise/
On en redonnera ici les dernières phrases :
Face à la gravité de la situation qui affecte nos vies, l’heure n’est pas aux mises en cause individuelles. Mais nous n’oublierons pas ce qui a permis que l’on en arrive là. Les morts de cette crise nous obligent. Et nous ne laisserons pas celles et ceux qui n’ont pas su la prévenir ou en réduire la portée, la résoudre par des mesures liberticides, ou mettre en place un énième plan d’austérité justifié par une dette que des politiques aveugles ont contribué à fabriquer. Le métier de scientifique ne consiste pas à aménager la crise ou climatiser l’enfer, ni à bâillonner la démocratie au nom du savoir expert.
Conscients des crises qui frappent notre société, nous appelons chacun et chacune à se mobiliser pour engager la refondation de notre monde abîmé. Ce printemps, dès la fin du confinement, nous nous engageons à repenser collectivement l’ensemble de nos institutions sociales, politiques et économiques et à poser les jalons d’une société conforme à nos aspirations et à nos besoins. Après l’été, nous convions l’ensemble des citoyens à des Assises de la Refondation, le 20 septembre 2020, pour définir un programme visant à rompre de manière effective avec les politiques actuelles et à juguler les crises environnementale, sociale et démocratique qui menacent notre monde et nos vies. Nous devons à la jeunesse un horizon élargi, un avenir à nouveau ouvert.
Nous appelons tous les autres secteurs de la société à se joindre à notre démarche, et à écrire leur propre texte de refondation en adaptant ce paragraphe de conclusion.