L’ex-Tchécoslovaquie s’est scindée. L’ex-Yougoslavie s’est scindée en de nombreux nouveaux États. De nouvelles demandes de balkanisation sont de nouveau faites au sein de ces nouveaux États. Est-ce mieux aujourd’hui ? L’Ukraine est aujourd’hui divisée, même si ce n’est pas acté par les autres pays. La Grande-Bretagne, l’Italie, la France, l’Espagne, la Belgique sont soumises à des « désirs d’indépendance ». Qu’en penser ?
D’abord, notons que le processus d’autodétermination des peuples a d’abord été conçu dans des cas de colonialisme ou de refus d’application des principes universels des dominants. Aujourd’hui, ce sont des régions plus riches qui ne veulent plus « payer pour les plus « pauvres » », comme la Catalogne, l’Italie du Nord, la Flandre par exemple. Doit-on accepter cela sans en débattre ? Ou des régions dirigées par une classe politique corrompue qui souhaitent ne plus être contrôlées par un pouvoir central tout aussi corrompu que lui ? Ou un choc entre deux nationalismes ? Doit-on accepter cela comme un exotisme sympathique ? Et comment ne pas s’apercevoir que les indépendantistes de tout poil tentent de dire à l’Union européenne qu’ils seront plus dociles que leurs États-nations actuels! Les directions des régions qui demandent l’indépendance sont celles qui sont néolibérales XXL !
Pour l’oligarchie capitaliste, exit la question sociale, vive l’affrontement entre les nationalismes
Idem pour les questions laïque et écologique ! En avant pour le développement des extrêmes droites (l’Ukraine en est un bon exemple avec la mise en orbite d’organisations néo-nazies dans les sphères du pouvoir sous couvert de « société civile ») et bientôt de l’islamisme politique en ex-Yougoslavie. Mais cela sera pour autre chronique !
Et est-ce que l’Europe des régions tant prônée par les ordolibéraux européens (L’ordolibéralisme est la cage de fer du néolibéralisme dans l’Union européenne) n’est pas en elle-même un point de passage qu’ils jugent indispensable pour supprimer les résistances des États-nations à la domination sans partage d’une oligarchie européenne ne rêvant que de « concurrence libre et non faussée » entre différentes oligarchies mondiales, chacune à la tête d’un impérialisme ? Est-ce que les travailleurs ont à gagner dans ce projet ? Tout montre que la ligne de plus grande pente reste l’augmentation des inégalités sociales de toutes natures en Europe avec des directives européennes visant à faire baisser les salaires pour augmenter les taux de profits réels.
Tout montre que c’est l’oligarchie capitaliste ordolibérale européenne qui est aujourd’hui le fer de lance de la fédéralisation européenne avec la destruction des quelques procédures démocratiques existant encore dans les États-nations. Ainsi se prépare dans le dos des peuples le futur traité européen ainsi que les traités internationaux qui seront encore plus surplombants aux lois françaises dans la hiérarchie juridique ; comme par exemple l’Accord économique et commercial global (AECG) – que des militants de la gauche française appellent Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) car ils ont sans doute décidé que notre langue nationale était devenu l’anglais – est aujourd’hui supérieur aux lois françaises alors que ce texte n’a même pas été ratifié par le Parlement français ! Est aussi en discussion le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI) – que des militants de la gauche française appellent plutôt Transatlantic Free Trade Agreement (TAFTA) sans doute aussi parce qu’ils se sentent plus modernes en voulant que l’anglais devienne la langue nationale française – qui déroge au droit positif français dans l’abaissement des normes et dans le remplacement des tribunaux publics par des arbitrages privés avec des juges formés par les firmes multinationales.
Oui à l’apprentissage public des langues régionales et minoritaires, non à la ratification de la charte du même nom !
Est-ce qu’une langue ou une culture doit obligatoirement être organisée dans un État-nation pour prospérer ? Si l’on partage la thèse de Jaurès, les langues régionales et minoritaires doivent pouvoir prospérer dans un État-nation, être enseignées à l’école comme les langues étrangères par exemple sans que pour cela, elles puissent avoir le même statut que la langue nationale. Donc refuser de ce point de vue la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires est une position juste.
Oui à l’auto-organisation populaire, non au choc des nationalismes
Est-ce que le buzz médiatique sur le caractère néomoderniste du démembrement des États-nations en régions ne permettrait-il pas de cacher la diminution de l’emploi industriel (sauf en Allemagne bien sûr !) et le bradage des entreprises françaises de pointe, alors qu’il ne peut y avoir de lutte contre le chômage sur la durée sans réindustrialisation de la France avec transition énergétique ?
Tout est bon pour diviser le monde du travail, pour substituer à la lutte des classes, la lutte religieuse, la lutte des ethnies, la lutte des nationalismes. Sans doute l’écroulement des partis socialistes et communistes, les nouvelles stratégies populistes de gauche et l’émiettement syndical sont des moments propices pour détourner les travailleurs et leurs familles des revendications démocratiques, laïques, sociales, féministes et écologiques, à un moment où le modèle politique alternatif n’est pas clair dans toutes les têtes !
Tout est bon pour supprimer les États-nations qui sont encore un frein à l’expansion d’un néolibéralisme transnational. Là encore, il y a un lien fort entre le néolibéralisme qui ne veut face à lui que des entités sans force et le « small is beautiful » de la gauche communautariste européenne.
Tout est bon pour faire en sorte qu’en Flandre, en Catalogne, en Italie du Nord, ce soit la droite néolibérale et le patronat qui soient aux affaires en sommant la gauche de se diviser pour ne plus être une alternative crédible.
Toute augmentation du pouvoir des régions ne sera jamais suffisante. Le but de l’Europe des régions est bien celui d’en faire une Europe du capital sans opposition conséquente.
On ne peut pas dire d’un côté qu’il faille sortir du carcan de l’Union européenne et de l’autre côté, soutenir ceux qui en sont les plus fervents (les néolibéraux de la Flandre, de la Catalogne et de l’Italie du Nord avec un pouvoir fort dans ces régions en alliance avec le patronat).
L’avenir du monde ne se fera pas avec une entité supranationale aux mains de l’oligarchie capitaliste avec des infranationalismes provinciaux et exotiques pour le tourisme. Le soutien aux oligarchies capitalistes par des mouvements d’extrême gauche plus ou moins communautaristes est la pire des solutions. Leur abandon de l’internationalisme et leur fuite en avant dans le soutien au « small is beautiful » communautariste sans solidarité est affligeant. Nous n’avons pas d’autre voie que celle de Jaurès qui refusait de soutenir un impérialisme contre un autre. Nous dirions aujourd’hui un néolibéralisme contre un autre.
Voyons les causes de cette séquence
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Pour quatre raisons. La première est, comme nous l’avons déjà dit ci-dessus, le fait que l’oligarchie capitaliste cherche à nous diviser et nous appelle à soutenir un néolibéralisme plus petit mais plus néolibéral contre un autre pour nous détourner de nos objectifs laïques, démocratiques, sociaux et écologiques. Nous ne devons pas tomber dans le panneau.
La deuxième est que les directions néolibérales des États ne sont pas capables de proposer un avenir autre que l’individualisme forcené du combat de chacun contre tous. Et pour cela, elles ont besoin de tuer la citoyenneté et la solidarité pour promouvoir le fait que le lien entre les individus isolés soit principalement effectué par une recomposition autour de liens essentialisés ethniques ou religieux.
La troisième est que les directions néolibérales sont incapables de proposer un destin désirable commun aux citoyens. Raison de plus de ne pas les soutenir.
La quatrième est le déni de démocratie dans les États-nations à direction néolibérale. Au contraire, nous devons combattre ce déni et non accepter seulement du collectif sans démocratie !
Face à la balkanisation néolibérale, pratiquons le double front contre les nationalismes en conflit et proposons une nouvelle hégémonie culturelle globale
Le prolétariat, les travailleurs doivent refuser d’entrer dans cette guerre des nationalismes et renforcer leurs bases d’appui, mener la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle en vue de former un bloc historique majoritaire au service des travailleurs et de leurs familles et non au service d’un néolibéralisme contre un autre : s’occuper de créer une sphère de constitution des libertés digne de ce nom (école, services publics, protection sociale refondée), développer une industrialisation sous transition énergétique et écologique, une laïcité, pierre angulaire de la République sociale, et ne pas sombrer devant les différentes facettes du néolibéralisme et de son allié le communautarisme. Il faut que nous soyons capable de produire une guerre de positions et de mouvement. Nous devons favoriser l’auto-organisation populaire, générer une dialectique entre le mouvement d’en bas et le mouvement d’en haut et non choisir entre des élites liées au néolibéralisme de près ou de loin. Gardons en tête ces paroles de l’Internationale :
« …Il n’est pas de sauveurs suprêmes
Ni Dieu, ni César, ni Tribun,
Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes
Décrétons le salut commun… »