Quand le sage montre la lune, beaucoup regarde le doigt ! Quand on est mécontent de Sarkozy, on choisit Hollande, puis mécontent de Hollande on vote Macron. Bientôt Macron deviendra impopulaire. Est-ce que la solution sera de voter pour un autre représentant de l’oligarchie capitaliste ? La question devient la suivante : « Est-ce que les citoyens, les travailleurs ont intérêt à se bouger uniquement pour changer de gérant du capital ? »La société du spectacle souchée sur le dispositif médiatique du mouvement réformateur néolibéral tente toujours de nous pousser à changer de gérant du capital dès que celui qui est au pouvoir n’a plus assez de soutiens populaires. Et pour l’instant, il réussit à nous diviser.
D’abord, en attaquant le principe de laïcité. Jean Jaurès disait que sans la laïcité, il y aurait une division entre ouvriers catholiques et ceux qui ne le seraient pas. Et qu’avec la laïcité et la loi de séparation, la religion était reléguée dans la sphère privée des citoyens et que cela unifiaient le prolétariat en vue de satisfaire les revendications ouvrières (repos du dimanche-1906, retraites ouvrières et paysannes-1910, impôt sur le revenu-1914). En développant le relativisme culturel inhérent au mouvement réformateur néolibéral, le dispositif Macron réussit, pour l’instant, de diviser le camp progressiste sur ce thème mais en même temps, il développe le communautarisme religieux pour lui faire jouer certaines missions de service public qui lui sont transférées suite au processus de privatisation des services publics.
Mais aussi, en réussissant ici et là, à diviser le salariat en faisant rentrer dans les têtes que le malheur des chômeurs et des salariés sans statuts spéciaux sont dus à ceux qui ont des statuts spéciaux (salariés de l’énergie, de la SNCF, des trois fonctions publiques, etc.). Alors que le but du mouvement réformateur néolibéral est en fait de baisser le ratio de tous les salaires par rapport à la somme des richesses produites. Tout simplement parce qu’il a besoin de plus de dividendes pour alimenter la spéculation immobilière, seule possibilité d’avoir pour l’oligarchie des taux de profits élevés (but du capitalisme) depuis que les taux de profits dans l’économie réelle sont très bas (période néolibérale).
Aucune innovation technologique n’a réussi à faire remonter les taux de profits de l’ensemble de l’économie capitaliste contrairement aux innovations précédentes (électricité, machine à vapeur, automobile, train, avions, etc.). La guerre, moyen d’augmenter les taux de profits grâce à la destruction du capital ne peut avoir lieu qu’en dehors du monde développé vu les capacités de destruction massive des grands pays impérialistes en concurrence entre eux. L’intensification et la déshumanisation du travail a entraîné des nouvelles maladies professionnelles (surmenage, stress, troubles musculo-squelettiques, etc.) voire une augmentation du nombre de suicides sur les lieux du travail y compris dans la fonction publique. Il ne reste donc, pour les dirigeants du système, que la baisse des salaires directs et socialisés. D’où l’attaque contre le salariat et pour l’auto-entreprenariat, contre le Code du travail, l’attaque contre les statuts, contre la Sécurité sociale, l’école et les services publics. Et qu’il faut un autre modèle politique basé sur un nouveau mode de production pour retrouver le chemin de l’émancipation par l’augmentation du niveau de vie du plus grand nombre avec le développement de la sécurité sociale, de l’école et des services publics.
Comprenons également que pour faire baisser les salaires socialisés, il faut faire baisser toutes les retraites. Pour ce faire, le projet est de mettre tous les salariés et indépendants dans une caisse unique fonctionnant par points ou en comptes notionnels. Mais cela demande de casser préalablement les statuts spéciaux (type SNCF par exemple) et remplacer des fonctionnaires par des contractuels de droit privé.
Voilà pourquoi la résistance de tous les travailleurs à l’attaque contre les cheminots, contre la privatisation des services publics, contre les fonctions publiques est nécessaire. Si nous perdons cette bataille, ce sera encore plus dur pour tous après.
Avec ce que nous venons de dire, on comprend pourquoi le nouveau gérant du capital, Emmanuel Macron, soutenu par les dirigeants de la finance internationale, de l’Union européenne, du grand patronat, de la haute technocratie administrative, de la quasi-totalité des médias, des intellectuels organiques du capital, et des artistes également organiques du capital, veut aller vite. Car il doit faire cela avant la mi-mandat.
Voilà pourquoi le dispositif macronien s’est sorti du bourbier de Notre-Dame-des-Landes pour se concentrer sur l’attaque contre les cheminots et pour développer la privatisation massive des services publics et la suppression de 120.000 postes de fonctionnaires (50.000 dans la fonction publique d’Etat et 70.000 dans la fonction publique territoriale) via le Comité Action Publique 2022 (CAP 22). Le premier ministre a annoncé le 13 octobre dernier que le but était d’organiser « des transferts au secteur privé, voire des abandons de missions ». Il devrait annoncer en mai 2018 les mesures précises. Outre les suppressions de postes de fonctionnaires et la déstructuration des missions de service public, on aura des embauches de contractuels de droit privé, la totale dématérialisation électronique d’ici 2022, la rémunération à la rentabilité, le renforcement du pouvoir des directeurs technocrates et la généralisation du « nouveau management public » (avec son lot de harcèlement, de stress, de maladies professionnelles nouvelles, de suicides sur les lieux de travail, etc.). Et là cela va impacter la vie quotidienne vu que tous les services publics y compris les services de proximité seront impactés.
Et nos tâches dans tout cela ?
Pour l’instant, suite aux manifestations du 22 mars, nous avons le conflit des cheminots qui perdure avec un début de solidarité financière par collecte électronique, la journée interprofessionnelle de la CGT le 19 avril et la montée parisienne pour une marche le 5 mai 2018 lancée par Ruffin et Lordon avec une partie des forces syndicales le 4 avril dernier à la Bourse du travail de Paris, marche soutenue par la France insoumise. Notre première tâche est de faire converger l’ensemble de ces forces syndicales et politiques car sans convergence pas de victoire possible.
Notre deuxième tâche consiste à mener dans un moment de luttes sociales la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle pour combattre la division populaire comme notée en début d’article. Refusons la division du peuple et ciblons nos vrais adversaires qui participent de l’oligarchie capitaliste et de leurs alliés. Rassemblons le salariat et refusons le recul des conquis sociaux. Développons le lien entre le combat laïque et le combat social pour rassembler et promouvoir la souveraineté populaire. Le tout en utilisant toutes les méthodes d’éducation populaire refondée (réunions publiques, conférences populaires sans conférenciers, cinés-débats, débat théâtral, ateliers de lecture, etc.)
Notre troisième tâche est de prendre le temps de la formation politique pour ne pas déléguer le processus décisionnaire à des élites même populaires.
Si le combat social est une priorité immédiate pour lutter contre la politique mortifère et destructrice d’Emmanuel Macron, deux enjeux demeurent que nous aurions tort de mettre en seconde priorité. La crise écologique (climat, biodiversité, pollutions) demeure n’en déplaise au silence de Nicolas Hulot et la planification écologique est une exigence par rapport à l’appétit sans limite des tenant du néo-libéralisme. Raison de plus pour soutenir également le versant écologique de la lutte des cheminots dans la période car un politique écologique appelle le transfert programmé de la route vers le train tant pour les voyageurs que pour le fret. C’est-à-dire tout le contraire de la politique du gouvernement et de la direction de la SNCF. Cette dernière a développé des filiales privées de transport par route pour concurrencer le rail !
Le second enjeu est la crise migratoire que l’on peut résumer par ces deux chiffres, 25 millions de réfugiés climatiques en 1998, 250 millions à l’horizon 2050. Le bouleversement attendu de nos sociétés ne sera pas réglé par la loi Asile et Immigration telle qu’elle est présentée par Gérard Collomb, le sinistre d’Etat, au nom du gouvernement actuel.
Il y a encore loin de la coupe aux lèvres mais l’espoir demeure. Hauts les cœurs et échangeons entre nous.