Macron : une casse méthodique du droit du travail
S’il fallait encore s’en convaincre, le simulacre de négociations que certains osent appeler « dialogue social » vient de montrer ses limites : le gouvernement, en ayant reçu toutes les organisations syndicales, a seulement souhaité faire quelques concessions d’affichage pour éviter une mobilisation générale, mais sans revenir sur le fond du projet. En présentant le projet de contre-réforme du code du travail en Conseil des ministres le 28 juin, le gouvernement et le président ont souhaité envoyer un message fort : « nous ne reculerons pas » et l’utilisation des ordonnances que tout le monde craignait devient réalité. Au final, la future loi travail sera bien pire que celle combattue par des millions de Français dans la rue l’année dernière. Et pour cause, cinq exemples :
-la fusion des instances représentatives du personnel (IRP) va enlever des moyens aux délégués et syndicats dans l’entreprise pour faire respecter le code du travail, être informés et consultés sur les décisions et orientations de la « marche générale de l’entreprise » et tout simplement conduire à dévaloriser l’engagement combatif. Prochaine étape : faire en sorte que le monopole de négociation ne soit plus confié aux syndicats ;
– l’inversion accrue de la hiérarchie des normes, en permettant que l’accord d’entreprise puisse déroger à l’accord de branche… dans un sens… plus défavorable ! Un véritable dumping social organisé au niveau des secteurs, cassant encore davantage les conventions collectives ;
– flexibilité du CDI, en permettant la conclusion dite de « contrat de chantier » – des sortes de CDD à moyen terme – dans de nouveaux secteurs, ce qui remettra progressivement en cause de fait l’utilisation du CDI et conduira à davantage de précarité et de concurrence entre les travailleurs ;
– Facilitation du licenciement économique en élargissant la définition des difficultés notamment concernant le périmètre géographique : une entreprise pouvait déjà licencier pour motifs économiques tout en faisant des bénéfices ou simplement en anticipant de possibles difficultés, le projet prévoit encore plus de possibilités pour qu’une entreprise se sépare des salariés ;
– Casse des prud’hommes, qui bien qu’imparfaits, permettent de tendre vers une justice sociale notamment lors des licenciements abusifs : en plafonnant les indemnités, le projet risque de faciliter les licenciements sans cause réelle et sérieuse en abaissant leurs coûts prévisionnels pour l’entreprise. Une véritable aubaine pour se séparer de quelqu’un à moindres frais, sans respecter le code du travail. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le gouvernement parle aussi d’alléger la lettre de licenciement… toujours dans le sens défavorable au salarié !
Des stratégies diverses et connues
Chaque salarié le sait : le syndicalisme est la base comme contre-pouvoir dans une entreprise. Il n’est pas parfait, à l’image de celles et ceux qui s’engagent, mais les outils qu’il a à sa disposition permettent de faire vivre un minimum de démocratie sociale. La modernité serait-elle, sous couvert d’un hyper-centrisme, la fin, non pas des conflits dans les relations de travail – qui sont le propre et l’expression de la lutte des classes – mais la casse de tous les outils permettant la défense des salariés ? Et pour s’y coller, le gouvernement a choisi d’encourager un type de syndicalisme, d’accompagnement, pour co-gérer. Quand certains continuent de proclamer, à juste raison, qu’il ne faut pas gérer la misère mais la combattre et qu’on ne négocie pas le poids des chaînes, le capitalisme trouvera toujours des idiots utiles pour le défendre. Stratagème bien connu, mais qui permet à certains exploités d’avoir l’impression d’entrer dans le camps des vainqueurs en prenant leur défense. Nous assistons donc au spectacle habituel, aux gesticulations déconnectées de la réalité des salariés. La CGT, qui vient d’appeler à une journée de mobilisation le 12 septembre réussira-t-elle à ne pas retomber dans le piège de mener seule ses propres dates, en journées saute-mouton ? Des équipes syndicales de la CFDT finiront-elles par ne plus accepter ce qui n’est plus acceptable en l’état ? FO jouera-t-elle le rôle d’équilibriste pour se faire une place au soleil ou ira-t-elle clairement à l’affrontement ? Solidaires réussira-t-elle à travailler à la grève générale dans les consciences ?
Puisse le mouvement syndical revendicatif avoir comme objectif de faire de cette riposte sociale indispensable un mouvement de masse sans lequel le barrage au mouvement réformateur néolibéral macroniste n’aura pas lieu. Pour cela, marchons sur nos deux jambes: développer la lutte sociale en rassemblant autour du mouvement syndical revendicatif le plus largement possible contre cette politique macroniste et organiser la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle par une campagne massive d’éducation populaire refondée.