NDLR : Nous reproduisons ce texte en parallèle à celui du Planning Familial car leur juxtaposition illustre bien le clivage qui, depuis longtemps, traverse l’opinion et le mouvement féministe plus particulièrement. Le point central étant bien sûr la façon de considérer le client de la prostitution et son éventuelle pénalisation. Or ce débat existe aussi au sein de la rédaction de ReSPUBLICA, une majorité d’entre nous privilégiant cependant la position du Planning. Nous tenions à le dire à nos lecteurs en leur livrant les moyens de forger leurs propres choix.
Communiqué de presse du collectif Abolition 2012
Nous serions-nous fait mal comprendre ? Nous sommes d’accord avec l’essentiel de l’analyse posée par le Planning Familial sur la prostitution : symbole de la domination masculine, question sociale et économique dont les femmes les plus précaires paient le prix fort. Il ne s’agit évidemment pas de décréter du jour au lendemain la fin de la prostitution ! Mais, en tout réalisme, d’engager une politique à même de faire reculer cet archaïsme indigne de nos démocraties. Et cette politique comporte de multiples entrées. D’où vient que les médias, et maintenant le Planning, aient une seule obsession, la pénalisation du client ? Le client est-il vraiment celui qu’il faut prioritairement protéger ? Ce que nous demandons, comme le Planning, avec le même sentiment d’urgence, c’est d’abord la fin de la répression qui pèse sur les personnes prostituées et pour elles un véritable Plan Marshall à même de les aider à accéder à tous les droits humains – notamment à la santé – et à sortir d’une voie sans issue. Ce que nous demandons, c’est un vrai travail de prévention, une éducation solide à l’égalité entre les femmes et les hommes, à une sexualité respectueuse de l’autre. Pour nous, cet édifice ne peut se construire en continuant de fermer les yeux sur le comportement sexiste du client prostitueur qui fait son marché parmi une catégorie de personnes – des femmes en immense majorité – reléguées dans la prostitution, non seulement en raison de leur précarité économique ou du coup de pouce des trafiquants, mais surtout du fait de parcours souvent fracassés, marqués par toutes sortes de violences, physiques, psychiques et sexuelles. Ce qu’ils achètent – et c’est ce que nous refusons -, c’est l’impossibilité qu’ont ces personnes d’exercer la liberté de leur dire non.
Si la prostitution, comme l’affirme le Planning, s’inscrit dans le continuum des violences faites aux femmes, pourquoi le client prostitueur, premier agresseur des personnes prostituées (comme le montrent toutes les enquêtes), n’aurait-il pas à en répondre ? Pour éviter une clandestinité accrue ? Mais la clandestinité est déjà là et elle est le fait d’Internet ! Pièce maîtresse du système, le « client » ne peut plus faire semblant d’ignorer qu’il est le moteur d’une traite des femmes en pleine expansion. Tous les textes internationaux sur la traite posent désormais pour première exigence de « décourager la demande ». Ce n’est pas avec quelques incantations qu’on y parviendra. Mais hélas avec des mesures fortes. Seuls, les radars, douloureux et controversés, ont été capables d’éviter des milliers de morts sur les routes.
Non, le débat entre abolitionnisme et réglementarisme n’est pas « sclérosant ». Il relève d’un choix politique capital pour le statut – symbolique et réel – des femmes dans nos sociétés.