L’encensement de ces « accords de Wagram » (il s’est tenu au siège du patronat) par les médias ne durera pas. Le temps de les lire et on est effaré.
Parce que ce sont des accords régressifs, signés par une minorité de syndicalistes et ils ne feront pas un seul chômeur en moins. Du point de vue de l’inversion de la courbe du chômage en 2013, ils sont hors sujet.
Il n’y a pas une seule avancée… sauf pour le patronat. C’est un « accord AXA ». 4 milliards pour les assurances… en 2016. Et même pour les contrats courts, le patronat se met un différentiel de 45 millions dans la poche.
Le plus grave c’est que la loi Warsmann, article 40 présentée par Sarkozy le 31 janvier, publiée J0 le 22 mars, ce sont en quelque sorte ses décrets d’application : les « accords dits de compétitivité » seront autant de ruptures de l’ordre public social.
Appelons les directions de la CFDT, CGC, CFTC totalement minoritaires sur ce coup (combien représentent-elles ? autour de 25 % des salariés ?) à ne pas faire bande à part, à ne pas les ratifier et à revenir dans le cadre de l’unité syndicale !
Le Parlement doit jouer tout son rôle : appelons les députés à ne pas s’engager dans la voie de ratification d’un pareil accord !
Mobilisons car rien de tout ça n’aboutira avant mai 2013 (le temps des ratifications, le temps du conseil d’état, celui du conseil des ministres, et celui des assemblées et des recours).
Donc on a le temps d’expliquer, de combattre et de gagner !
Examinons ci dessous les 13 points (adoptés) 13 qui… portent malheur
1°) Les contrats « courts »
Note : Les contrats temporaires ou contrats courts sont définis ici comme l’ensemble des contrats à durée limitée du secteur privé regroupant les contrats à durée déterminée (CDD), y compris les contrats saisonniers, et l’intérim. L’apprentissage, les stages et les contrats aidés (contrats d’avenir (CA), contrat initiative emploi (CIE), contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE)…) sont en revanche exclus.
Le CDD doit rester un contrat d’exception et ne peut être utilisé pour pallier un emploi permanent au sein d’une entreprise. – Normalement un CDD perçoit 10 % de prime de précarité, sauf les CDD d’usage. Un CDD doit être écrit sinon il est réputé CDI. – Tout CDD doit être motivé sinon il est réputé un CDI. L’enchaînement de CDD est une infraction. Un tiers de la durée d’un premier CCD doit séparer la fin de celui-ci du celui-ci du début du second CDD = délai de carence.)
En 2004, 1 700 000 salariés sont en contrat temporaire : 1 200 000 en contrat à durée déterminée (CDD) et 500 000 en intérim selon l’enquête Emploi en continu de l’Insee . Depuis l’apparition du travail intérimaire en 1972 et l’instauration des CDD en 1979, la part des salariés en contrat temporaire a fortement augmenté jusqu’en 2000 pour se stabiliser ensuite. Les emplois en contrat court représentent aujourd’hui 10 % des salariés du secteur privé hors contrats aidés, soit deux fois plus qu’il y a vingt ans. Actuellement, deux salariés sur trois sont embauchés en CDD.
Les salariés en CDD sont plus souvent des femmes, alors que les intérimaires sont majoritairement des hommes, 76 % de ces derniers sont des ouvriers. Les salariés en contrat court exercent deux fois moins souvent des professions intermédiaires et de cadres que les salariés en CDI : respectivement 24 % et 14 % pour les personnes en CDD et en intérim, contre 39 % pour les salariés en CDI. Ils sont aussi plus jeunes : la moitié des salariés en CDD ou en intérim a moins de trente ans, contre 40 ans pour les salariés en CDI. La présence des salariés étrangers est également plus forte, en particulier celle des ressortissants de pays n’appartenant pas à l’Union européenne.
Ce n’est ni le chômage, ni les salaires, ni la durée du travail, ni le droit du licenciement, ni la médecine du travail, qui ont focalisé la négociation de Wagram.
Le dirigeant de la CFDT Yannick Pierron, a choisi de tout polariser sur les « contrats courts» : « Il n’y aura pas d’accord sans accord sur les contrats courts » (ITV dans le Nouvel Observateur 9 janvier) Il crie donc ensuite victoire (contrats courts : objectif atteint) à l’unisson avec le chef de file du Medef Patrick Bernasconi (en lui lâchant les « accords de compétitivité » sans coup férir)
Examinons les résultats affichés :
Il y aurait une « sur-cotisation » appliquée aux contrats courts, (CDD de moins d’un mois) est estimée d’un coût s’élevant à 110 millions : ces sommes n’iront pas aux salariés mais à la cotisation chômage. Elle ne commencerait qu’en juillet 2013, passerait de 4 % à 5,5 % (ce qui est très faible) pour les CDD de moins d’un mois. Elle serait de 7 % en cas de CDD d’un à trois mois : si elle s’ajoute aux 10 % de primes de précarité existantes, l’employeur aura intérêt à plusieurs CDD de moins d’un mois ou a des CDD de plus de trois mois.
Or cette taxe ne concerne que les catégories de CDD ayant pour motif un « surcroit exceptionnel de travail », les plus courtes et les plus fréquentes.
Elles ne concernent pas celles ayant trait au « remplacement de salariés absents » les plus longues.
Ni les « contrats dits d’usage » (1)Les CDD d’usage sont conclus dans des secteurs d’activité limités. Ces contrats servent à pourvoir un emploi pour lequel il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de cet emploi. » qui sont sans limites et sans primes de précarité (sur ces derniers la sur-cotisation ne passera que de 4 à 4,5 %).
En « échange » si l’on ose dire, l’embauche de jeunes de moins de 26 ans en CDI sera exonérée de cotisations sociales pendant trois mois, ce qui rapportera 155 millions directement aux patrons.
Il y a 3 premières conséquences :
1) La différence globale est de 45 millions entre cette prétendue taxation censée décourager les contrats courts et les exonérations accordées : ces 45 millions sont à l’avantage du patronat. Il y gagne. Il a désormais tout intérêt aux contrats en CDI… courts. Une sorte de CPE court, période d’essai gratuite en cotisation sociale…
2) Le patronat des entreprises d’intérim va en profiter et remplacer les CDD de moins d’un mois (l’intérim coûte 15 %, les contrats couteront 10 % + 5,5 %) et encore plus de un à trois mois (l’intérim coute 15 % ils couteront 10 % + 7 %) . Le problème n’est que sciemment déplacé : d’ailleurs les contractants le savent puisqu’ils ont prévu de signer un autre accord (2)« Un accord devra être signé dans l’intérim pour créer la possibilité d’embaucher en CDI les intérimaires qui enchaînent mission sur mission » (sic).
3) les jeunes en CDI vont se faire débaucher avant trois mois, avant la fin de l’effet d’aubaine de l’exonération de cotisations sociales atteint.
Rappelons que les CDD de moins d’un mois, dans le passé, étaient interdits.
Rappelons qu’on pouvait espérer qu’ils le redeviennent.
Rappelons que les syndicats demandaient qu’il y ait des quotas, et qu’une entreprise de plus de 20 salariés ne puisse utiliser plus de 20 % de précaires sans autorisation préalable de l’inspection du travail. Ca ne peut pas être accepté comme un mode de gestion du personnel.
Rappelons que les syndicats contestent les « contrats dits d’usage » dont la liste n’a cessé d’être injustement et arbitrairement allongée.
2°) La « complémentaire santé pour tous » ? Le jackpot pour les assurances.
« L’argus de l’assurance » se réjouit, il y a de quoi. D’après le Medef cela couterait 4 milliards, mais il n’est pas regardant à si peu, puisqu’il ne s’agit pas d’abonder la Sécu mais bel et bien les assurances privées.
Cela a été de longue date la position de la direction CFDT : mettre « en concurrence » la Sécurité sociale.
Sauf que cette concurrence comme toutes les autres sera faussée : ce sera l’employeur qui décidera du choix de l’assureur.
Ensuite il ne s’agit pas de soins universels mais d’un « socle de soins » qui restera à définir. Par exemple ce sera100 euros de forfait remboursés pour une paire de lunettes et seulement 25 % de remboursement en plus de.. ce qui est déjà remboursé en prothèses, c’est à dire peanuts !
La couverture de tous les salariés qui ne bénéficient pas encore d’un régime frais de soins collectif – environ 4 millions de personnes – doit se faire en trois étapes.
1/Les branches professionnelles devront ouvrir d’ici au 1er avril 2013 des négociations sur la complémentaire santé. En cas d’accord, les partenaires sociaux de la branche laisseront aux entreprises :
- « la liberté de retenir le ou les organismes assureurs de leur choix ». Mais ils auront la possibilité d’effectuer une recommandation en faveur d’un ou plusieurs organismes assureurs, en respectant toutefois « une procédure transparente de mise en concurrence », dont les modalités seront définies par un groupe de travail paritaire.
- L’accord de branche pourra également « définir […] les contributions dédiées au financement de l’objectif de solidarité, notamment pour l’action sociale et la constitution de droits non contributifs ». – Une dernière phrase rajoutée in extremis qui ouvrirait selon l’UPA, la porte à la mutualisation et aux désignations.
Il y aura un délai de 18 mois pour appliquer ce nouveau régime conventionnel ;
Ce système est un mirifique cadeau pour Axa, Médéric-Malakoff et autres grandes compagnies. Elles vont se disposer avec le patronat pour récolter ce que la Sécu ne récoltera pas.
2/ Les entreprises prendront le relais dans les branches qui ne seront pas parvenues à un accord d’ici au 1er juillet 2014, et cela dans le cadre de l’obligation annuelle de négocier sur la prévoyance.
3/ En cas d’échec de la négociation dans l’entreprise, cette dernière aura l’obligation d’instaurer au plus tard le 1er janvier 2016 un régime santé, non familial, cofinancée à 50-50 par l’employeur et les salariés, et prenant en charge au minimum le panier de soins prévu par l’accord.
Amélioration de la portabilité des couvertures santé et prévoyance. Le dispositif créé par les partenaires sociaux en 2009 afin de préserver la couverture complémentaire des demandeurs d’emploi évolue suivant deux directions :
- La durée de maintien possible (sic) des garanties prévoyance et santé pour les salariés qui quittent l’entreprise et s’inscrivent à Pôle emploi est portée de 9 à 12 mois.
- Les partenaires sociaux affichent l’objectif (sic) de généraliser la mutualisation du financement de la portabilité, au niveau de la branche et des entreprises, et laissent à ces dernières un délai d’un an pour mettre en place un tel dispositif concernant la santé et une période de deux ans en matière de prévoyance.
Lisez tout cela comme vos contrats d’assurance, c’est ce qui est écrit en petit et de façon indéchiffrable qui compte : le Medef a gagné !
Ce sera coûteux pour le salarié qui paiera 50 % l’employeur payant 50 %. Pour un « panier de soins » (sic) comprenant le remboursement des soins, actes techniques et pharmacie en ville et à l’hôpital, le forfait hospitalier certains disent déjà à 100 % – Non , c’est à 100 % de la base Sécu ! Ils disent 125 % de la base de remboursement des prothèses dentaires : comme elles sont basses, ca veut dire 25 % en plus de qui était faiblement remboursé ! Et un forfait optique annuel de seulement 100 € : cela reste à comparer avec certaines mutuelles font actuellement nettement mieux. Et surtout la question est celle du « socle de soins » car la négociation de celui ci donnera le vrai contenu – variable – de cette future « complémentaire ».
4 milliards ? Mais pourquoi tout cela n’a-t-il pas été une augmentation de la cotisation maladie de la sécurité sociale ?
3°) Les temps partiels ? Chou blanc. Report de l’essentiel.
Mais mauvaise nouvelle : ils seront lissés ! « Sauf cas particulier et avec un lissage sur l’année, un contrat à temps partiel devra prévoir une durée d’au moins 24 heures par semaine.
24 h au lieu de 20 h : mais attention ce sera pour les salariés qui seront employées un an après la signature de l’accord ! Ils auront droit à une durée d’activité minimale de 24 heures par semaine, sauf s’ils demandent une durée inférieure. Les personnes déjà employées actuellement pourront demander un « complément d’heures choisies » s’ils souhaitent augmenter leur temps de travail hebdomadaire.
Le lissage sur l’année, c’est le pire, car cela signifie des périodes hautes et basses qui ne tiennent compte que de l’intérêt de l’entreprise pas du salarié. Des modulations qui vont se terminer en pratique sans délai de prévenance : de quoi gâcher la vie personnelle de la majorité des femmes qui sont concernées !
Toutes les questions importantes : Pour les branches professionnelles dont au moins un tiers des salariés est occupé à temps partiel, l’article 10 prévoit une négociation sur la période d’interruption dans la même journée, la répartition de la durée de travail dans la semaine, la rémunération des heures supplémentaires. Tout cela est reporté à…. une autre négociation.
Mais il est prévu (encore) une simplification de l’accès au chômage partiel : le contraire de la réduction du temps de travail : travailler moins pour gagner moins !
4°) Un « droit de recharge » de l’assurance chômage ? Rien n’a été conclu. Peanuts
Le troisième article des accords prévoyait la création de « droits rechargeables » : un chômeur qui reprend un emploi ne perd pas ses droits, et peut les faire valoir en cas de retour au chômage.
En fait cette éventuelle mesure annoncée à tort par les médias sera inscrite… dans la future renégociation en 2013 de la convention Unedic.
5°) Un compte individuel de formation prévu tout au long de la vie ?
De grandes annonces dans les médias qui veulent bien se laisser abuser : genre « il y aurait un compte de formation « universel », « individuel » et « intégralement transférable » c’est-à-dire qu’il ne disparaît pas lorsque le salarié quitte une entreprise ».
La vérité, à lire « dans les petites lignes » c’est que ce compte, utilisable aussi par des chômeurs, serait transférable, et alimenté… à raison de 20 heures par an dans la limite de 120 heures. Ils se moquent du monde !
Minute d’étonnement : la seule « nouveauté » serait une « mobilité volontaire sécurisée » : sic. Quesaco ? C’est inouï, en effet ! Dans les entreprises de plus de 300 personnes, les salariés ayant plus de 2 ans d’ancienneté pourront aller « découvrir un emploi dans une autre entreprise » (sic) tout en ayant l’assurance ( !) de pouvoir retrouver leur emploi… après.
On vous le dit tout de suite : ce sera quand même à vos risques et périls ! Vous imaginez faire cela … que ce soit accepté… et que vous serez bien accueilli au retour ? (sauf à ramener des secrets de fabrication malgré les règles de concurrence ! )
6°) On entend claironner qu’il y a aurait présence de représentants de salariés dans les conseils d’administration ? Un à deux salariés ( ? sic) obtiendraient une voix délibérative dans les organes de décision des grands groupes (5.000 salariés en France ou 10.000 dans le monde).
Oui. Dans 200 entreprises seulement ! Faites-leur confiance pour « bien » préparer les réunions où il y aura un représentant des salariés. Et surtout ce seront les employeurs qui décideront de ce qui devra rester ou non soumis à clause de confidentialité !
7°) Accords dits de « maintien de l’emploi » ou de « compétitivité »
Ce sera à bas prix et à bas salaires : c’est une généralisation d’accords qui avaient été signé, et célèbre à l’époque dans des entreprises comme Bosch, et Continental, ce qui ne les avait pas empêché de fermer après avoir essoré leurs salariés !
Une façon de faire plier l’échine aux salariés en prévoyant que lorsque l’entreprise est mise en difficulté, ils sont contraints de renoncer à leurs contrats de travail. Ils ne peuvent plus invoquer le code du travail ni leur contrat synallagmatique !
Si le patron trouve, en exerçant chantage, des syndicats qui signent, tout pourra varier pour une durée limitée de 2 ans : le temps de travail / le salaire / l’emploi, au bénéfice de la sauvegarde de l’entreprise.. de son patron et de ses actionnaires !
C’est finalement l’application du projet de loi annoncé par Sarkozy le 31 janvier et publié au J0 sous le nom de loi Warsmann art 40 le 22 mars 2012 :
Article 40 de la loi Warsmann : « Modulation du nombre d’heures travaillées sur courte période sans requalification du contrat de travail : la mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail. »
C’est pire : c’est 2 ans. Et les salaires aussi !
C’était déjà possible de signer des accords dérogatoires au Code ou à la convention collective par la loi Fillon du 4 mai 2004. Ca inversait la hiérarchie des sources de droit. Mais avec Fillon, le salarié pouvait refuser et il gardait ses droits en cas de licenciement. C’est donc pire que la loi Fillon du 4 mai 2004 : ce dernier n’avait pas osé à l’époque imposer la loi à un salarié qui refusait individuellement la baisse de son salaire. Celui ci restait dans ses droits ! Là, ce n’est plus le cas, il sera licencié..
à ses torts !
Sur ce point-là c’est un recul historique d’une ampleur encore inappréciable ! car ça bouleverse un point fondamental du rapport entre la loi, la convention et le contrat de travail !
8°) Il a été concédé la création d’un « CDI intermittent » dans TROIS secteurs chocolaterie, formation et articles de sport !
Pourtant le négociateur de la CFDT avait pourtant dit fermement « non » : « Nous sommes formellement opposés à la création de CDI de projet et de CDI intermittents. Nous savons bien que ces contrats deviendraient la norme, et signeraient donc une nouvelle précarisation des salariés. » Yannick Pierron (Nouvel Observateur, 9 janvier)
La presse manipulatrice (ou ignorante) a annoncé que le Medef renonçait aux « contrats de projets ». Pas que la direction de la CFDT acceptait les « contrats intermittents ».
Eh bien l’accord prévoit : « Une expérimentation d’alternance entre périodes travaillées et chômées serait lancée dans trois secteurs pour les entreprises de mois de 50 salariés ».
Mais il a cédé ! Yannick Pierron a mangé son chapeau. Or comme il le disait, c’est LA brèche gravissime dans le CDI (des CDD… sans prime de précarité) : ça servira ensuite partout, hôtellerie, jouets, agro alimentaires, etc..
9°) Une entreprise qui supprime des postes mais « reclasse » les salariés en signant un accord majoritaire » sera dispensée de « plan social ».
Là, on est dans un autre univers. Ca franchit des années lumière de remise en cause du droit du travail. A se demander comment c’est possible de signer ça ?
En cas de refus d’un poste le salarié pourra être licencié.
Les entreprises auront ainsi la possibilité de restructurer sans plan social en imposant aux salariés la « mobilité ». D’une société d’un groupe à l’autre ? D’un pays à l’autre ? On ne mesure pas encore l’ampleur de cet énorme recul. Mais une quantité exceptionnelle de situations de menace de « mobilité » forcée, de changement de contrat de travail, vont s’engouffrer là dedans.
10°) Les plans sociaux pourront donc faire l’objet d’accords dérogatoires à la loi d’ordre public social s’il y a accord majoritaire… avec les syndicats de l’entreprise.
Vous lisez bien : le droit du licenciement collectif recule.
On ne contrôle pas les licenciements boursiers, on les permet.. s’il y a accord… syndical !
Ca fait logiquement suite aux « accords de compétitivité ».
Une fois que l’employeur vous aura essoré pendant deux ans, sur la durée du travail, sur le salaire sans que vous puissiez dire « non », il pourra mettre la clef sous la porte sans trop de risques administratifs ou judicaires, sans avoir e compte à rendre, il lui suffira de dire au « juge » (lequel n’aura plus le droit – cf. ci dessous – de juger la procédure) qu’il a eu la signature de « son » syndicat pour baisser les droits, mais qu’il n’a pas pu réussir, malgré ça a maintenir des profits suffisants.
Avec ça, les employeurs et actionnaires ne seront plus « risquophiles » mais « risquophobes » !
11°) Les plans sociaux patronaux pourront être « sécurisés » CONTRE les juges par une « homologation administrative » :
Si vous avez du mal à comprendre : en résumé, il ne s’agira pas d’un contrôle des licenciements mais.. d’un contrôle des dérogations aux licenciements.
Il s’agit de « dé judiciariser » les plans sociaux. Et d’en revenir paradoxalement à la décision politique : le Medef croirait-il, de cette façon, hâter le retour de la droite ?
Le Medef avait peur de l’inspection du travail. Maintenant il a peur des juges. En fait il a peur de tout contrôle social. C’est bien Laurence Parisot qui affirme que « la liberté de penser commence là où commence le code du travail ». Ca la travaille !
12°) L’accord ne ménage pas les procédures qui peuvent faire plaisir à tous les patrons jusque dans les détails qui coûtent cher : les accords de Wagram, s’ils étaient, par malheur, entérinés prévoient la réduction des délais de contestation d’un plan social.
Vous lisez bien : des délais ! histoire que la fiance ne perde pas trop d’argent quand elle fiche des centaines ou des milliers de salariés dehors. Il s’agit de diminuer le cout des licenciements ! vous avez bien lu ?
Et détails des détails, le Medef a fait passer que « le fond doit l’emporter sur la procédure… » en matière de décision des juges sur les plans sociaux. Pour ceux qui croyaient que « la procédure est sœur jumelle de la liberté », c’est fini…
Même les juges sont visés : après le fond, dérogatoire, rendus possible, ils ne sont muselés en droit formel du licenciement ..
13°) « L’accord de Wagram » introduit une nouveauté : un plafonnement des dommages et intérêt aux prud’hommes selon l’ancienneté.
Pour ceux qui ne savent pas, c’est la deuxième mort de la célèbre lingère de Chamonix : de mémoire, cette femme avait travaillé de l’âge de 16 ans à l’âge de 65 ans comme lingère dans le plus grand hôtel de Chamonix. Seule et simple, elle avait travaillé 7 jours sur 7, et 12 h par jour sans savoir qu’elle pouvait se plaindre. Elle a travaillé pour le patron grand père, puis pour le fils, puis pour le petit-fils. Elle logeait même dans une chambre de bonne sous les combles de l’hôtel. Lorsqu’elle a eu 65 ans, le petit fils l’a viré ! De sa chambre de bonne aussi ! Un syndicaliste l’a prise en pitié : il a conduit le procès aux prud’hommes. Normalement on peut réclamer les heures supplémentaires cinq ans en arrière. Evidemment le Medef veut diminuer la durée de cette prescription. En s’appuyant sur de nombreux témoignages, il a pu invoquer une « prescription trentenaire » pour le « dol » exceptionnel que cette femme avait subi ! Elle aurait reçu 360 000 euros d’indemnités.
Mme Parisot affirme que « ça insécurise les employeurs ». On peut croire au contraire que l’employeur de Chamonix aurait du payer dix fois plus. Comme inspecteur du travail, il m’est arrivé d’être « obligé » de donner l’autorisation à un délégué CGC d’une banque parisienne pour une « rupture conventionnelle », lequel avait négocié son départ pour la même somme à 360 000 euros, le double, mais pour…2 ans et demi d’ancienneté.
Impossible de dire que cet accord est le plus important depuis trente ans.
Notes de bas de page
↑1 | Les CDD d’usage sont conclus dans des secteurs d’activité limités. Ces contrats servent à pourvoir un emploi pour lequel il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de cet emploi. » |
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↑2 | « Un accord devra être signé dans l’intérim pour créer la possibilité d’embaucher en CDI les intérimaires qui enchaînent mission sur mission » (sic |