A propos de la situation du Venezuela : réaction et réponse de l’auteur

La Rédaction de ReSPUBLICA a reçu d’« un Français qui vit en Amérique latine » la réaction suivante à l’article de Lucho publié le 3 octobre, « Venezuela : l’ingérence américaine rencontre quelques résistances » : 

« Au niveau socio-économique, le Venezuela est la pire catastrophe des XXe et XXIe siècles en temps de paix entre les pays à niveau de ressources et de développement plus ou moins comparable, bien qu’au niveau des indicateurs chiffrés, le Liban, avec une tout autre trajectoire mais une corruption et un pillage tout aussi notables, soit en train de le rejoindre.

« Le taux de pauvreté est bien supérieur à ce qu’il était avant l’arrivée de Chavez au pouvoir…

« Le régime chaviste a inventé l’autoritarisme anarchique, une forme de despotisme mafieux désarticulé/déarticulateur accompagné par un délitement de l Etat et une perte de contrôle de la majorité du territoire national

« Le Venezuela est aujourd’hui le champion de la torture en Amérique du Sud, fait dénoncé par le rapport de Michelle Bachelet et rapport lu et approuvé par la célèbre jeune dirigeante et député communiste chilienne Camila Vallejo, ou par le gouvernement Fernandez en Argentine, ou par le Frente Amplio urugyayen, ou par Luciana Genro, fille d »un éminent ministre de Lula et dirigeante du PSOL brésilien.

« Voyez aussi cela : https://elpais.com/internacional/2021-10-02/la-desigualdad-rompe-caracas.html?outputType=amp#aoh=16332538009536&referrer=https%3A%2F%2Fwww.google.com&amp_tf=De%20%251%24s
« Cela me fait de la peine de vous voir vous égarer à ce point. Il est certain que l’une des grandes douleurs et difficultés de notre époque, c’est de penser la dégénérescence de nombreux mouvements de libération nationale dans des formes variées de prévarication, de prédation et de violence : Afrique du Sud, Angola, Éthiopie et Érythrée, Nicaragua, Venezuela. Mais vous ne voulez pas voir la vérité en face. »

Lucho répond

La pauvreté et les élections au Venezuela

Le sens profond de l’article n’était sûrement pas de nier les difficultés énormes que vivent les Venezueliens depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Maduro. J’ai d’ailleurs indiqué que, dès le soir de son élection à la présidence, Nicolas Maduro n’a connu aucun répit sur tous les fronts, y compris économique.

Oui, le blocus américain et les sanctions européennes ont plongé le pays dans une récession extraordinaire, une hyperinflation non marisée et un appauvrissement général. Le blocus américain et les sanctions européennes étaient des armes utilisées contre le peuple vénézuélien pour le pousser à un soulèvement qui ne s’est pas produit. L’appauvrissement dont vous parlez et qui est une réalité correspond à une stratégie décidée à Washington et subi par Caracas.

Par ailleurs, pourquoi l’opposition a-t-elle choisi en janvier 2015 (alors qu’elle venait de remporter l’assemblée nationale à une écrasante majorité) de renverser Nicolas Maduro par la violence. Elle pouvait plutôt attendre les élections présidentielles de 2018 qui lui auraient été très certainement favorables. José Luis Zapatero, ancien chef du gouvernement espagnol (de 2004 à 2011) et peu soupçonnable de radicalité, a toujours soutenu cette voie électorale, mais l’opposition n’a pas voulu l’entendre.

Je vivais à Caracas durant toute la période des violences ; j’ai vu tous les jours comment les parlementaires de l’opposition « employaient » des jeunes gens à aller lancer leurs cocktails molotov sur les forces de l’ordre… ou immoler un jeune garçon métis qui passait par là, soupçonné d’être chaviste !

A l’évidence l’opposition cherchait alors à produire des images (comme lors de soulèvements en Ukraine, au Moyen-Orient ou ailleurs), de ces images relayées par les médias internationaux qui symbolisent si bien le pouvoir autoritaire qui s’en prend aux manifestants…

 Nous sommes aujourd’hui fin 2021. L’opposition, ou du moins une très grande partie de l’opposition, qui a passé toutes ces années à contester le pouvoir en place et nier sa légitimité, s’apprête aujourd’hui à présenter des candidats pour le scrutin du 21 novembre, tandis que des négociations entre les deux parties ont commencé au Mexique.

 La réalité est là. Que le gouvernement Maduro plaise ou non, la vraie question, c’est celle de savoir si le pouvoir doit être obtenu par le vote ou par la force.

Or il se trouve que l’Union européenne et les Etats-Unis ont choisi la voie de la force en soutenant Guaido et Lopez qui ont toujours prôné la violence.

La force et la démocratie, parlons-en !

Vous citez le rapport de Mme Bachelet, implacable. Vous trouverez dans ce lien : « Droits-de-l’homme-au-Venezuela » : aux « sources » de la désinformation (les-crises.fr)) un article de Maurice Lemoine qui décrit exactement le parti pris et la manipulation des médias sur la question.

Étonnant que Madame Bachelet ne trouve rien à redire contre la police chilienne (de son pays) qui s’en est pris avec tant de violence, de haine (sans compter les viols contre des dizaines de femmes) lors des manifestations au Chili, lesquelles ont heureusement obtenu la mise en place d’une assemblée constituante chargée de faire disparaitre la constitution de Pinochet. Rien à dire non plus sur la Colombie…

En fait que ce soit sur l’économie, la politique ou la violence, le parti pris des médias est flagrant. Et il est triste que des militants de gauche, des démocrates, des républicains se laissent ainsi gruger.

Vous évoquez un article d’El Pais : il y a bien longtemps que le quotidien espagnol ne représente plus la voix de la gauche en Espagne, et encore moins en Amérique latine.

Je sais qu’il est toujours difficile d’entendre que le « dictateur » Maduro n’est peut-être pas tant dictateur que son voisin colombien Duque, qui semble l’ami de tous !

Dernièrement lors de la réunion de la CELAC au Mexique, lorsque Nicolas Maduro a été traité de dictateur par les présidents du Paraguay et de l’Uruguay, il leur a répondu qu’ils étaient victimes (comme d’autres dans le monde…) du torrent médiatique alimenté par Washington. Il leur a proposé de débattre en direct sur leurs chaînes d’ É tat respectives pour évoquer tous les sujets touchant à la démocratie, aux violences, au narcotrafic, et au néo-libéralisme… Mais ni le Paraguayen, ni l’Uruguayen n’ont relevé le gant.

En conclusion

Il est difficile pour un homme de gauche qui a vécu à Caracas dans la période noire des violences orchestrées par Leopoldo Lopez, puis ses proches adjoints dont Guaido, de voir tous ces gens-là comme des démocrates !

Leurs principaux amis politiques en Espagne sont issus soit du très conservateur parti populaire espagnol, cher au grand ami de George Bush José Maria Aznar, soit du parti d’extrême droite Vox. Aux États-Unis, ils sont soutenus par les plus extrêmes du parti républicain, qui, comme Guaido, ne veulent pas des élections.

Le Venezuela écrit son histoire. Il me semble essentiel de ne pas se soumettre au dictat des médias internationaux, la vérité est souvent ailleurs.