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À propos de l’euro : considérations sur le matérialisme et le volontarisme

Courrier d’Armand Nejade

Concernant l’article de Michel Zerbato: « Critiquer l’euro ou critiquer le capitalisme ? », je souhaiterais faire quelques remarques et interrogations.

1) Tout d’abord, je pense que l’auteur semble écrire uniquement pour les économistes et les historiens d’économie et pas pour un citoyen lambda comme moi. Aucune pédagogie. Il n’y a même pas des exemples concrets qui nous permettraient comprendre ses propos. Bref, j’ai eu un mal de chien pour le suivre !

2) Il me semble que pour M. Zerbato ce sont uniquement les paramètres économiques qui déterminent la marche de la société (et l’histoire). C’est comme les combats sociaux et politiques, les phénomènes environnementaux et écologiques, la compétitions et les guerres et confrontations entre les capitalistes eux-mêmes, etc. n’ont, en stipulant de l’analyse de M. Zerbato, aucun effet sur la marche de la société. Il parle comme la caste (capitalistes et leurs sbires politiques-médiatiques) sont des dieux tout puissants contre qui rien ne peux opposer!!

3) Cet article est un constat et rien d’autre. Le « plan C ne propose rien, aucune solution aucune démarche, un ni queue ni tête. Or que faut- il finalement faire avec le monnaies (communes, uniques, nationales)? Aucune explication.

M. Zerbato (et Respublica dans l’article du 2015 sur « le plan C ») évoque l’éducation populaire sans suggérer un outil pour cela. Aujourd’hui nous ne pouvons plus faire des portes à portes comme des années 50. Tout se passe par les média et par l’internet, même chez les pauvres (et c’est ce que la FI par exemple essaie de faire) Vous avez d’autres idées, d’autres solutions?

Dans l’article de 2015, M.Z. évoque aussi pour son plan « C », la nécessité de connaître le Marxisme et la lutte de classe. Est-ce qu’il pense que ceux qui proposent les plans A et B ne les connaissent pas ? Ça m’étonnerait !

Réponse de Michel Zerbato

M. Nejade a eu bien du mérite d’aller au bout, car ce texte n’était pas destiné, au départ, à une publication grand public, mais à dire en 15 mn devant un public restreint de gens avertis pourquoi Respublica pense que les plans A ou B sont illusoires et propose, par dérision, un plan C, qui n’en est pas vraiment un puisque il se réduit essentiellement à l’impératif de penser l’après-implosion de l’euro et de l’UE. Ce texte est en fait un résumé de quatre conférences que j’ai tenues cet hiver à l’Université populaire de Bordeaux, et je prévois de rédiger prochainement une petite brochure qui développera tout cela pour un public plus large.

Quant à mon déterminisme économique, il n’est pas aussi mécanique que vous semblez le penser, il est modulé par la lutte des classes, en fonction de l’histoire du pays, de la culture politique et sociale, etc., mais il reste déterminant « en dernière instance ». C’est pour produire les conditions matérielles de leur vie que les hommes ont fait société (comme toute espèce d’animal) et l’économie telle que je la conçois s’occupe de penser ces conditions et leur histoire. Ainsi, j’ai bien précisé, me semble-t-il, que lorsque les gains de productivité le permettent, la marche de la société peut prendre un cours déterminé par une action politique et syndicale offensive, avec la conquête des avantages de la protection sociale ou des services publics, etc. En revanche, en situation de crise structurelle, les luttes ne peuvent plus être que défensives, c’est une réalité incontournable, et ne pas en prendre conscience affaiblit le mouvement social.

De même, on ne luttera pas efficacement contre les phénomènes environnementaux et écologiques si on ne comprend pas qu’ils sont la conséquence de la croissance économique comme conséquence du productivisme, certes, mais lui-même étant la conséquence de l’impératif d’accumulation du capital, sans laquelle les capitalistes et leurs sbires ne pourraient pas se reproduire, au sens de continuer d’exister en tant que classe sociale profitant du système.

De même, « la compétition et les guerres et confrontations entre les capitalistes eux-mêmes » sont déterminées par l’économie : le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage (Jaurès) parce que la logique économique et monétaire du système capitaliste impose à tout pays capitaliste, par la contrainte extérieure, de chercher à dominer ses « partenaires » ; ça s’appelle l’impérialisme.

C’est l’ignorance de cette réalité matérialiste qui, selon moi, conduit à des propositions de Plan A ou B, totalement illusoires. D’inspiration globalement keynésienne, elles sont faites par des économistes anti-marxistes (pour quelle qu’en soit la raison) qui ne font que faire croire que l’austérité est une simple affaire de mauvaise politique et que la prise du pouvoir politique permettra d’en faire une bonne. C’est ce qu’ont cru les Grecs en votant pour Tsipras, en février, et j’avais aussitôt affirmé qu’en juin il ne renverserait pas la table, comme beaucoup le claironnaient, mais qu’il passerait dessous.

Dernier point, la monnaie : c’est une question fort complexe, plus encore que celle de l’amour, disait Disraeli (premier ministre de Victoria), et la résoudre c’est résoudre celle du type de société. Car la monnaie est la forme liquide du capital, elle est nécessairement gérée par l’État, donc nationale et expression des rapports entre nations. Une nation souveraine a sa monnaie, une nation dominée peut avoir sa monnaie nationale, mais ce sera une monnaie dominée, via l’organisation du système monétaire international, monnaie commune ou monnaie unique étant des mécanismes d’insertion de la monnaie nationale dans le système international.

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