Suites « Organisation territoriale et décentralisation » Réactions et réponse

Après la publication de l’article « Organisation territoriale et décentralisation » de Philippe Duffau dans notre précédent numéro, nous avons reçu d’Hugues Clepkens (nousappelons@orange.fr) la contribution suivante :

L’actuelle pandémie n’est certes pas encore la plus meurtrière de l’histoire. Bien d’autres l’ont hélas précédée : peste, choléra, grippe espagnole… mais elle constitue un épisode lourd de sens dans la longue série des catastrophes récentes : deux guerres mondiales, plusieurs crises économiques, accidents écologiques de plus en plus nombreux et violents.
Elle représente surtout la manifestation de l’impuissance des institutions à prévoir puis à protéger toute la population de la planète ; ce qui fonde pourtant la légitimité de tout pouvoir public.
Les instances mondiales, régionales ou locales n’ont pas eu la capacité de faire prévaloir, à temps, l’intérêt général, ce qui aurait permis sinon d’éviter, tout du moins de fournir les moyens de lutte adaptés, apportant la preuve évidente que la suprématie de l’intérêt privé est sans issue.
Nous appelons tous et chacun à agir pour que d’autres catastrophes de grande ampleur soient combattues à temps car il est de l’intérêt de tous de protéger leur bien commun : la Terre ; la protection de l’environnement ne consiste pas à sauvegarder la planète comme une pièce de musée intouchable, mais à permettre aux générations humaines futures d’y vivre en harmonie dans la nature ; l’Homme en étant l’un des éléments.
La concentration du bénéfice de la production des richesses entre les mains de quelques uns ne permet pas de répondre à cet enjeu primordial : pour survivre, l’humanité a besoin d’institutions pour régler son activité, dont la légitimité démocratique et l’autorité s’imposent à tous ; l’accumulation de richesses au bénéfice d’un petit nombre au détriment de l’ensemble du reste des Hommes doit donc être déclarée illégitime.
Le temps est venu de poser en principe général la prééminence de l’intérêt public exprimé et défendu par les représentants légitimes des Hommes. Seul doit échapper à la suprématie de tout pouvoir, qu’il soit public ou privé, ce qui ressortit aux choix philosophiques de chaque individu et de ses droits propres, dans la limite de ceux d’autrui.
Pour que l’intérêt public et la liberté individuelle soient ainsi garantis, encore faudrait-il que les institutions chargées de le satisfaire et de la protéger, soient adaptées en conséquence. Aussi…
Nous appelons à la rénovation de quatre niveaux d’exercice de la puissance publique consentie démocratiquement qui doivent servir de cadre à l’activité de tous, collectivités publiques ou privées comme individus :
– mondial, pour tout ce qui ne peut être conçu qu’à ce niveau et imposé aux Hommes par eux-mêmes
– « régional » au sens de zones de la planète au sein desquelles la culture des peuples qui y vivent amènent ceux-ci à partager un projet commun
– national
– local
Dans la zone « Europe » ainsi définie, les institutions politiques doivent exclusivement reposer sur le consentement des peuples et fonctionner selon trois niveaux d’intégration, en forme de cocarde :
– un niveau central, dans lequel s’associent les pays européens déterminés à avancer vers plus d’intégration confédérale, puis fédérale.
– une première couronne, au sein de laquelle sont réunis les pays de culture européenne qui souhaitent participer au projet européen sans y abandonner leur autonomie.
– une deuxième couronne conçue pour associer des pays situés en périphérie de l’Europe et qui veulent partager un certain nombre de valeurs et de projets communs avec ceux des deux niveaux précédents, tout en appartenant à une autre zone « régionale » que l’européenne.
À l’intérieur du territoire national français, une organisation simplifiée et clarifiée doit être substituée à la confusion actuelle, qui reposera sur le principe de subsidiarité et composera une structure à trois niveaux de collectivités publiques; ces collectivités locales « nouvelles » étant libres de s’associer pour la satisfaction des besoins qui l’imposerait :
– l’État, chargé des compétences reconnues comme d’intérêt national ;
– une quarantaine de départements « nouveaux », remplaçant les régions actuelles et intégrant les départements existants ;
– des communes « nouvelles », dont la taille et l’organisation correspondent au vécu des citoyens du XXIème siècle et non pas à celui de leurs ancêtres d’il y a plus de deux cents ans.
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Les principes et les idées destinées à assurer le bien-être de l’Homme et la survie de son espèce sont exprimées dans de multiples Déclarations, Chartes, Traités voire Constitutions ; toutefois, les instruments collectifs créés pour les mettre en œuvre ont démontré leur inefficacité dans des circonstances cruciales. L’objectif commun doit être à présent de rassembler et coordonner ces textes mais surtout, de concevoir les institutions démocratiques communes, donc publiques, chargées de les appliquer et de les faire respecter.
Nous appelons à l’engagement de la réforme des institutions internationales et nationales existantes, en vue de l’application et du respect de ces principes et objectifs.
Signataires : Stéphane Béchy (89), Joël Boscher (35), Yves Camier (62), Hugues Clepkens (36), Patrice Girot (95), Nicolas Kada (38), Stéphane Pintre (06), Boris Pétroff (94), Emile Tornatore (06) ; citoyens.
Adresse de courriel : nousappelons@orange.fr

 

Réponse de l’auteur, Philippe Duffau :

Je vous remercie pour cette contribution très intéressante.

L’impuissance des institutions à prévenir et à protéger toute la population que vous pointez du doigts, à juste raison, résulte d’un biais idéologique empêchant d’appréhender la pandémie dans le sens d’une réaction conforme à l’intérêt général. Ce biais idéologique repose sur le dogme du libre-échange sans contraintes notamment sociales et écologiques, de limiter au minimum l’intervention de la puissance publique dans l’économie sauf pour sauver les profits et les dividendes, de la primauté accordée à l’économique sur l’intérêt général humain dont la santé publique…

Dans les faits : priorité accordée à l’économique sur la santé

Cela se vérifie au travers de quelques exemples :

  • Pour des raisons d’austérité budgétaire et donc de respect des 3 %, la liquidation des stocks de masques en 2012 a été programmée d’où la pénurie de cette 1e arme contre le Covid-19, d’où les mensonges « Les masques ne servent à rien, les tests sont inutiles. »,
  • Accorder des passe-droits à Airbus en ne l’obligeant pas à fournir ses masques afin de lui permettre de poursuivre sa production alors que les avions sont cloués au sol,
  • Suspendre très tardivement les visas avec la Chine alors que 25 pays de l’espace Schengen l’avaient fait, sauf la France, pour poursuivre les échanges commerciaux,
  • Au niveau mondial : 10 000 milliards sont versés aux entreprises soit 10 % du PIB mondial et 50 milliards seulement pour la recherche d’un vaccin…

Le gouvernement a constamment agi selon une logique de poursuite des activités économiques d’où les contradictions : « Restez chez vous et allez travailler. »

Pourtant, décréter la mobilisation générale de l’industrie pour fournir les masques, les tests, les blouses, les respirateurs auraient permis à la fois de préserver la santé de la population tout en maintenant un minimum d’activités économiques par l’isolement des seules personnes contaminées.

Principe de subsidiarité

Comme cela est dit dans votre contribution, la question de la subsidiarité doit avoir toute sa place à condition qu’elle soit décidée démocratiquement et non imposée du haut. Selon ce principe, afin d’obtenir un résultat optimum, les décisions devraient prises au niveau mondial (avec une ONU démocratique ?), au niveau régional (Europe mais pas celle de Maastricht), national et local. Toute décision devrait faire l’objet d’une élaboration démocratique montante.

Nécessité de sortir du libéralisme économique

N’oublions pas le poids de la finance spéculative, des multinationales qui biaise tout pour préserver avant tout leurs intérêts contre l’intérêt général humain : privatiser les profits et socialiser le reste.

Environnement

Enfin, je partage votre avis sur l’environnement. La préservation des grands équilibres planétaires ne doit pas se faire contre l’humain. Elle doit viser à préserver un environnement dans lequel les humains peuvent vivre en harmonie.

Rappelons une pensée de Karl Marx : il considérait la nature comme étant le corps non organique de l’homme et, à ce titre, estimait que « L’être humain vit de la nature : la nature est son corps avec lequel il doit maintenir un processus constant pour ne pas mourir. »

 

Commentaire de Respublica pour que le débat se poursuive :

La rédaction trouve la contribution très intéressante, mais elle se demande néanmoins comment aboutir à l’organisation décrite ci-dessus par les défenseurs du projet. Nous voudrions en savoir plus sur la manière d’arriver à un tel schéma, en effet de nombreux obstacles législatifs s’y opposent pour l’instant. Comment y parvenir alors que cela nécessite de changer la Constitution et diverses lois et donc d’être majoritaire politiquement ?