Contrairement aux affirmations venant, dit-on, de l’Insee, le taux de marge (EBE) des entreprises non financières en France, 28,4 % de la Valeur Ajoutée, en 2012, n’est pas à son plus bas niveau historique. En témoigne le tableau joint, justement tiré des comptes nationaux de l’Insee, entreprises non financières (S11), série longue.
En 1981 ce taux de marge était juste un peu supérieur à 23 %, puis il a augmenté jusqu’à atteindre 32 % en 1989 !
Bien sûr, les libéraux, le Medef et les médias, les présentateurs de JT flanqués de leurs pseudo-experts se sont empressés de répercuter ce mensonge. « Les entreprises sont exsangues, il faut d’urgence baisser les coûts salariaux pour que les entreprises puissent enfin investir et créer des emplois… ». La commission de Bruxelles a bien entendu surenchéri et demande que les coûts salariaux ne soient pas augmentés. Et justement que voit-on dans ce tableau ? Que le taux d’investissement fluctue mais reste relativement stable quels que soient justement les taux de marge.
On voit aussi que la part des rémunérations dans la valeur ajoutée a baissé de 9 points entre 1981 et 1989 !
Contrairement aux dires là aussi du Rapport Cotis, mentant par omission, « le partage de la valeur ajoutée n’a pas changé » – ce qui était vrai depuis 20 ans, mais faux depuis 30 ans. 9 points de baisse, plus de 70 Mds€ ! Un rien.
Cela rappelle l’ineffable « expert » François Lenglet qui montrait sur France 2, un tableau du partage de la Valeur Ajoutée, tableau dont il avait tellement tiré sur l’échelle que, devant sa courbe toute aplatie, ce savant clamait que le partage de la Valeur Ajoutée n’avait vraiment pas bougé !
Par contre une ligne du tableau attire l’attention : les dividendes distribués.
Ils représentaient 5 % de la VA en 1981, ils en représentent 24,9 % en 2008 et 22,4 % en 2012. Les entreprises versent 5 fois plus de dividendes qu’elles n’en versaient dans les années 80 alors même que la part du travail a largement baissé.
A quoi les marges ont-elles donc servi lorsqu’elles étaient plus fortes ? Le taux d’investissement étant resté relativement constant, les marges ont servi à augmenter les dividendes !
On s’explique mieux la rapidité des multiples mises au point, immédiats intox/désintox/antibobards etc. etc.. des médias libéraux lorsque l’attention a justement été attirée sur la formidable progression des dividendes servis. La CGT l’a indiqué , J.L. Mélenchon aussi et A. Montebourg ne disant, à propos de PSA, que des faits matériels et vérifiables.
Craignant que le pot aux roses ne soit découvert et mis sur la place publique, qu’ainsi leur matraquage sur la « faiblesse des marges » soit rejeté et donc que soit écartée en même temps, la nécessité de réduire les coûts salariaux
pour reconstituer ces marges, les entreprises pouvant alors investir etc. etc…. les libéraux s’empressèrent donc de dénoncer l’absurdité de la thèse selon laquelle « la progression des dividendes aurait diminué le taux de marge ». Les dividendes étant servis après la marge EBE et non avant, ce ne sont certes pas les dividendes qui peuvent grever ce taux de marge EBE. Circulez, il n’y a rien à voir. Dire que la progression des dividendes servis aurait diminué le taux de marge (EBE) est certes inexact. Mais la question réelle est toujours : qu’ont fait les entreprises de leurs marges ?
Elles n’ont pas investi plus, elles ont, bel et bien, distribué plus de dividendes !
Et il faudrait maintenant que les salariés voient leurs rémunérations globales baisser, pour que les entreprises fassent plus de profits et investissent plus…Mais il suffit de regarder le tableau. Cela ne s’est pas du tout passé comme cela et toute nouvelle augmentation de marge serait probablement comme hier consacrée à l’augmentation des dividendes.
Les entreprises auraient aujourd’hui des marges trop petites pour pouvoir investir et par exemple monter en gamme, dada de l’économiste Patrick Artus). Mais que ne l’ont elles fait dans les années 2000 quand elles le pouvaient (et il est
vrai que l’Allemagne l’a fait en grande partie…). Une étude de Patrick Artus – peu suspect de gauchisme -, montre (note 175 du 22/02/13) que ce ne sont pas des problèmes financiers qui ont empêché ces investissements d’augmenter – doux euphémisme d’un économiste distingué ! Rappelons d’ailleurs cette note 826 du 10/11/11, passée quasiment sous silence par les médias libéraux, dans laquelle Patrick Artus, montre que « les causes de cette baisse des marges bénéficiaires sont visiblement d’une part l’incapacité à transférer les hausses de prix des matières premières dans les prix de vente ; d’autre part l’appréciation du change ». Et les médias et les présentateurs des JT de clamer pourtant la responsabilité des coûts salariaux…Tricheurs !
Que les patrons demandent une baisse des coûts salariaux, qu’ils demandent que le contribuable prenne une part de plus en plus grande des coûts, c’est dans leur logique, et ils y ont intérêt. Que les médias répercutent ce seul aspect sans rechercher ce qu’il en est exactement montre que ces médias sont pour la plus part passés d’un rôle d’information à un rôle de relais de propagande.
Et il faudrait que les salariés (ou les contribuables) se serrent la ceinture sans savoir ce qui serait fait de ces marges nouvelles ?
La simple lecture du tableau permet de constater la formidable désinformation du public par les libéraux.
En fait, les entreprises ont augmenté les dividendes versés pour compenser une baisse de la valeur des actions, au détriment de la rémunération globale des salariés et au détriment de l’investissement…
Dans le système capitaliste, par construction, ce sont théoriquement les actionnaires, du fait de leur prise de risque en investissant, qui profitent de la bonne santé de l’entreprise, ou au contraire pâtissent de sa mauvaise santé. Au gré des résultats des entreprises, la situation des actionnaires est donc éminemment variable.
Aujourd’hui, l’actionnaire aurait tendance à devenir rentier et à transférer le risque sur les salariés, l’emploi et la rémunération des salariés devenant des variables d’ajustement !
Un nouveau capitalisme !
1er août 2013 – A partir d’une étude de Note économique CGT