Il est de plus en plus clair que la seule réponse de l’oligarchie capitaliste et de ses gouvernements à toute demande sociale et politique est, d’une part, l’intensification des politiques d’austérité et, d’autre part, la tentative de criminalisation de toutes les contestations : essayons de comprendre les réactions possibles à cette situation.
Comprenons d’abord que le capitalisme n’est plus capable de maintenir des taux de profit élevés grâce aux innovations, à des hausses de productivité, à l’intensification du travail, ou même à la destruction de capital par la guerre. Sa seule survie possible réside donc dans le maintien des taux de profit par la baisse de la masse des salaires et donc par l’intensification des politiques d’austérité. Et que la globalisation financière et les associations régionales (de type Union européenne) ne servent qu’à cela.
Comprenons ensuite que la criminalisation des contestations n’est qu’une suite logique de ce qui précède. Les politiques actuelles de la police et de la justice doivent être mesurées à cette aune-là. On ne rappellera jamais assez qu’une partie des lois scélérates utilisées par le régime de Vichy ont été votées par la Chambre des députés élue au moment du Front populaire. Neuf mois fermes pour les Goodyear, l’utilisation des nouvelles techniques guerrières par la police (les grenades de désengagement entre autres) sont des symboles qui préfigurent malheureusement le régime qui risque de suivre. Si on ajoute – d’après la dernière étude du Cevipof – que les gardiens de la paix sont passés des années 80-90 à aujourd’hui d’une majorité « gauche républicaine » à 70 % de votants pour le FN aux dernières régionales, on voit clairement les dégâts des politiques néolibérales de droite et de gauche au ministère de l’Intérieur dans cette période.
Le spectacle politicien se met en place
La droite néolibérale croit son heure venue. Pour gagner la présidentielle, vu la poussée du FN et l’écroulement actuel du soutien populaire aux solfériniens, il suffit d’être présent au second tour et d’appeler les socialistes à faire ce qu’ils ont fait aux régionales (qui n’auraient été qu’une répétition générale pour la présidentielle) en PACA et dans les Hauts de France, c’est-à-dire voter pour la droite néolibérale. Alors que la droite néolibérale dévoile un programme pire pour les travailleurs que celui du gouvernement Hollande-Valls !
Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les amendements votés par le Sénat à la loi El Khomri et les projets des candidats à la primaire de la droite, Bruno Le Maire, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et François Fillon. La tendance s’affirme dans la période pour chaque gouvernement néolibéral, de droite ou de gauche, de devoir être plus dur que le précédent.
Alors le dispositif Hollande-Valls se précise ; le mot d’ordre réel devient : « Attention, la droite revient ! ». Le meeting du 8 juin à Paris à la cour Saint-Émilion en est l’illustration. Bien évidemment, ils oublient de dire qu’eux, ils ont fait pire que Sarkozy-Fillon (ce qui explique leur écroulement). Et le dispositif Hollande-Valls ne dit pas quel serait leur programme s’ils étaient réélus, d’autant qu’ils sont adeptes de la règle de Pasqua : « les promesses n’engagent que ceux qui y croient »… Ils comparent de façon hypocrite leur politique 2012-2017 au programme 2017-2022 de leurs concurrents électoraux de droite. Alors que nous pensons que la ligne de plus grande pente est que, quel que soit le vainqueur du duel PS-LR, le prochain gouvernement sera pire encore, car c’est une des lois tendancielles de la période.
Le FN poursuit son développement électoral et attend son heure si l’alternance PS-LR ne permet plus à l’oligarchie capitaliste de maintenir des hauts taux de profit et si une nouvelle gauche refondée n’arrive pas à rassembler le peuple autour des couches ouvrière et employée.
Et la gauche de transformation sociale et politique dans tout cela ?
Dans la gauche de transformation sociale, la gauche de la gauche politique s’est décomposée ; le Front de gauche n’attend plus qu’une modeste mention dans les livres d’histoire, les formations marginales d’extrême gauche n’ont d’influence que dans des portions délimitées du mouvement syndical revendicatif. Par contre, le mouvement syndical revendicatif du secteur privé de la CGT, de FO et de Sud a renouvelé l’ardeur de la lutte syndicale. C’est une des caractéristiques importantes de la période.
Une autre est l’accroissement des demandes d’interventions extérieures dans des initiatives d’éducation populaire des structures de base politiques et syndicales au détriment des dirigeants nationaux de ces organisations.
La date du 5 juin a vu coïncider la fin du congrès du PCF et le premier rassemblement de la « France insoumise » autour de Jean-Luc Mélenchon, place Stalingrad à Paris.
Du congrès du PCF, nous pouvons retenir la proposition d’un Front populaire et citoyen, qui ferait suite à des « centaines de milliers de rencontres citoyennes » organisées par les militants communistes et tous ceux qui le souhaitent à gauche, avec en conclusion « une votation citoyenne ». Quant au choix du candidat à la présidentielle soutenu par le PCF, la décision est renvoyée à une convention le 5 novembre prochain.
Pour le premier rassemblement de la « France insoumise », on peut dire que ce fut une réussite. Vu le temps nécessaire pour quitter les lieux, on a pu compter plus de 10.000 participants. Et des participants galvanisés. Le discours de Jean-Luc Mélenchon fut en trois temps : d’abord un positionnement favorable aux mobilisations sociales contre la loi El Khomri, puis un plaidoyer pro domo pour que la nécessité de la rupture écologique soit intégrée dès le départ dans la campagne électorale et enfin un appel à ce que tous les électeurs de 2012 fassent campagne autour d’eux pour fortifier et développer le rassemblement de la « France insoumise ».
Son discours est crédibilisé par le fait qu’en 2012 il est passé de 3 % des intentions de vote à 11,1 % des votants et qu’aujourd’hui, il est crédité par les instituts de sondage d’environ 12 % en début de campagne. Pour l’instant, c’est bien le rassemblement de la « France insoumise » qui a le vent en poupe dans la gauche de transformation sociale et politique.
Restent bien sûr de nombreux autres sujets à traiter comme le modèle évolutif de la République sociale, la sphère de constitution des libertés (école, protection sociale, services publics), les nécessaires ruptures démocratique, laïque et sociale, les indispensables exigences sur la politique de l’immigration et de la nationalité, la nécessaire industrialisation, une égalité hommes-femmes toujours trop lointaine, la nécessaire refondation européenne ou euro-méditerranéenne, la nécessaire socialisation des entreprises. Mais à chaque jour mérite sa peine.
En attendant, rassemblons contre la loi El Khomri, développons des initiatives d’éducation populaire… Hasta la victoria siempre !