Les trois partis du système (LR, PS et FN) se préparent activement à la présidentielle de 2017. C’est normal d’abord parce qu’ils sont favorables soit au statu quo institutionnel, soit au renforcement de la puissance présidentielle. Ensuite parce que LR et le PS sont aux affaires pour gérer le capital et parce qu’ils aspirent soit à rester au pouvoir, soit à y accéder avec le même objectif. Jusqu’ici, le mouvement réformateur néolibéral qui a pris le pouvoir politique en 1983 en France jouait de l’alternance sans alternative entre le PS et LR dès que le peuple était mécontent. A chaque alternance depuis 1983, chaque gouvernement a fait pire pour le peuple que le précédent. Mais l’oligarchie capitaliste savait que leurs intérêts seraient toujours promus à chaque alternance. Ils n’écoutaient donc pas trop le contenu des campagnes électorales du PS ou de LR dans la mesure où pour les néolibéraux, la formule de Pasqua s’applique à savoir que « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». Quant au FN, il attend en embuscade comme tous les partis d’extrême droite en période de crise que le patronat donne le feu vert à une alliance entre la droite et l’extrême droite comme au tout début des années 30 dès qu’il estimera que l’alternance centre gauche et centre droit ne permet plus l’intensification des politiques d’austérité, intensification absolument nécessaire à la survie du modèle réformateur néolibéral. Car le problème n’est pas de savoir s’ils sont gentils ou méchants ou s’il faut changer un méchant président par un gentil, mais bien de comprendre que la formation sociale capitaliste a des lois tendancielles qui l’obligent de baisser la masse salariale pour continuer à faire fonctionner le système. Dit de façon analogique, si on veut envoyer une fusée sur la lune et la faire revenir sur terre, il faut tenir compte des lois de la gravitation universelle et de la relativité générale.
Toujours avoir en tête la cause principale
Depuis la fin des années 60 et du début des années 70, l’innovation technologique n’arrive plus à maintenir des taux de profits importants dans l’économie réelle pour faire fonctionner correctement la formation sociale capitaliste. A quoi bon investir pour un capitaliste si le taux de profit s’écroule. Les autres moyens d’augmenter le taux de profit ont atteint leurs limites : l’intensification du travail par les cadences est arrivé au maximum avec l’explosion des suicides et des nouvelles maladies professionnelles, une troisième guerre mondiale pour purger du capital permettant la reconstruction n’est plus possible vu le niveau des armements, les délocalisations ont été largement effectuées. Pendant quelque temps, les BRICS (pays émergents : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud) donnaient l’impression avec des taux de profit et de croissance élevés qu’ils avaient trouvé la solution. Mais aujourd’hui, ils sont repris par les lois tendancielles elles-mêmes. Ayant tous les pouvoirs au niveau des Etats, des multinationales, des associations multilatérales (OMC, FMI, BM), des associations régionales (ALENA, Union européenne, ASEAN, etc.), et l’oligarchie capitaliste ont donc financiarisé l’économie mondiale pour avoir des taux de profits à deux chiffres. Mais pour générer de tels taux de profits, il faut financer la spéculation financière internationale et donc, entre autres, augmenter les dividendes (ils ont triplé dans la période), diminuer les impôts des riches et des entreprises (taux nominal baissé de 45 à 33 % et, avec les niches fiscales et l’évasion fiscale légale appelée optimisation fiscale, les multinationales paient moins de 8 % d’impôts), diminuer ou faire stagner l’investissement dans les entreprises et in fine baisser la masse salariale. La déformation du partage de la valeur ajoutée au détriment des salaires a donc été suivant le mode de calcul de 8 à 9,3 % du PIB. Sur fond de crise systémique, une crise paroxystique est intervenue en 2007-2008, menaçant l’ensemble du secteur bancaire et financier mondial après la chute de Lehmann Brothers le 15 décembre 2008. L’oligarchie capitaliste a trouvé une solution provisoire : elle a fait financer les dettes privées bancaires de toutes les banques par de l’argent public. Ce qui a provoqué en retour la crise de la dette publique. Et là, plus d’échappatoire, seule la baisse de la masse salariale peut la financer. Avec en plus, le carcan de la zone euro qui fonctionne comme le bloc-or des années 30 !
Nous n’oublierons jamais la loi El Khomri
La loi scélérate El Khomri n’est que le dernier pan nécessaire pour « casser » la résistance salariale. Avec la loi El Khomri, c’est le bouleversement de la hiérarchie des normes. Un simple accord d’entreprise (c’est-à-dire principalement dans des lieux où le rapport de force est le plus faible, notamment dans les petites et moyennes entreprises) pourra légalement déroger à un contrat de travail, à un accord de branche, à une convention collective, à la loi. Pire, dans les entreprises sans syndicats, le patronat pourra obtenir une signature via le mandatement par un syndicat complaisant !
Manipulations en tout genre et criminalisation de l’action syndicale
Mais tout cela ne passe pas aussi facilement. La loi El Khomri est rejetée par 68 % des Français. 54 % soutiennent les mouvements de grève. 56 députés de gauche ont souhaité déposer une motion de censure contre le gouvernement Hollande-Valls. Les gérants du capital sortent alors les « méthodes traditionnelles » pour tenter de salir le mouvement social en essayant de focaliser l’actualité uniquement sur les « casseurs » afin de ne plus parler de la loi El Khomri elle-même. Tout l’arsenal a été sorti par l’équipée Hollande-Valls-Cazeneuve-Taubira-Urvoas. Comparution immédiate pour les « jeunes casseurs » pris sur le fait mais comparution renvoyée aux calendes grecques pour les violences policières, même si les vidéos de ces actions font le tour du net. Dans ce dernier cas, est-ce que la hiérarchie policière a été inquiétée, que nenni ! La stratégie du désordre est organisée par la hiérarchie policière qui laisse des « casseurs » faire leur œuvre sans intervenir pour que les médias puissent avoir leurs images. Quel n’a pas été l’étonnement à Paris d’une manifestation arrivant à quelques centaines de mètres de la place de la Nation par le boulevard Voltaire de voir déjà une bataille rangée sur la place de la Nation, dont on peut comprendre qu’elle n’avait rien à voir avec la manifestation. Inutile de dire que les médias n’ont pas rapporté cela de cette façon. Et puis, certains ont dit leur étonnement de voir certains supposés « casseurs » exfiltrés par la police elle-même en leur sein d’une façon sympathique. Sans compter la criminalisation de l’action syndicale commencée sous Taubira et continuée sous Urvoas. Comment expliquer que les Goodyear aient été condamnés à de la prison ferme alors qu’il ne restait plus que la plainte du Procureur de la République, les deux cadres « séquestrés sans violence » ayant retiré leurs plaintes ? S’il n’y a plus d’injonction individuelle de la place Vendôme, il reste les injonctions collectives…
Dans sa dernière intervention télévisuelle, François Hollande a menti : quand il a voulu comparer l’augmentation du chômage sous Sarkozy à l’augmentation du chômage depuis 2012, il a fait la manipulation suivante : il a chiffré l’augmentation des chômeurs sous Sarkozy en additionnant les catégories A, B et C du chômage, et l’augmentation depuis 2012… de la seule catégorie A.
Et encore, il n’a pas compté les catégories D (les chômeurs en stage ou en formation) et E (contrats aidés dont la grande majorité deviendront chômeurs à la fin de l’aide) !
Qui est responsable des 60 % d’ouvriers et d’employés qui ne votent plus ?
Alors que François Mitterrand a été élu le 10 mai 1981 grâce aux près de 80 % d’ouvriers et d’employés qui ont voté pour lui, avec l’équipée Hollande-Ayrault-Valls, c’est 60 % d’ouvriers et d’employés qui s’abstiennent. Voilà la vraie raison du fait que les gauches ne font pas plus aujourd’hui de 35 % des votants. Mais pour les gérants du capital, c’est toujours la faute des autres et jamais d’eux-mêmes. Voilà pourquoi se prépare une campagne de culpabilisation des électeurs qui oseront ne pas voter dès le premier tour pour le candidat solférinien responsable de cette politique de mépris du peuple. Ces électeurs seront désignés comme responsables d’une deuxième occurrence du syndrome dit de 2002, portant élimination de la gauche dès le premier tour! Disons-le tout net, en 2002, le principal responsable de l’élimination de Jospin dès le premier tour est la politique de Jospin lui-même et personne d’autre !
Que faire ?
Voilà pourquoi, il est impératif aujourd’hui de faire « la double besogne », c’est-à-dire articuler des revendications immédiates avec le combat pour un nouveau modèle politique alternatif sans lequel les lois tendancielles du capitalisme agiront de la même façon : ce n’est pas avec le solipsisme, avec le seul volontarisme, avec des recettes néo-keynésiennes ou encore avec des slogans magiques que l’on résoudra la crise systémique ni qu’on évitera une prochaine crise paroxystique, car c’est inhérent au capitalisme lui-même. On ne sait pas quand elle interviendra et sous quelle forme mais on sait qu’elle interviendra. Nous sommes donc bien dans une bataille complexe que seule l’éducation populaire peut clarifier. Articuler l’intensification des luttes sociales, la suppression du fossé entre les partis de gauche et les couches populaires ouvrières et employées (53 % de la population française dont 60 % s’abstiennent ) pour faire vivre une alliance avec les couches moyennes intermédiaires (24 %), mener la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle via la multiplication des initiatives d’éducation populaire, la lutte contre la désagrégation communautariste voulue par le mouvement réformateur néolibéral et ses « idiots utiles », devient un impératif.
Et répétons-le : hasta la victoria siempre !