Grâce à Christiane Marty, coauteure du livre Un impôt juste pour une société juste (Syllepse, 2011), les lecteurs de Respublica auront d’emblée, en faveur de la suppression du quotient familial, un argumentaire simple et vigoureux dans le premier article de ce numéro. Dans le blog de Jean Gadrey sur le site de Alternatives économiques, on en trouvera une version plus longue et davantage chiffrée sous le titre “Le quotient familial, un coûteux privilège de classe” qui a ouvert un débat d”économistes et suscité de nombreuses et immédiates réactions.En défense du quotient familial, on lira le texte de Henri Sterdyniak, et pour récapituler l’ensemble des arguments, celui de Gilles Ravaud “L’égalité, vous la préférez horizontale ou verticale ?”
La redistribution horizontale, en matière familiale, c’est celle qui organise la solidarité des personnes sans enfants et des familles avec enfants. La redistribution verticale, elle vise à limiter les inégalités de revenus par le biais de transferts monétaires des plus élevés vers les plus faibles. Henri Sterdyniak privilégie la première approche en remarquant que la suppression du quotient familial bénéficierait certes aux familles les moins favorisées mais qu’en revanche elle pénaliserait (toutes) les familles nombreuses. Il faut lui faire justice d’avoir cependant envisagé et chiffré une réforme radicale portant à la fois sur la prise en compte de la situation familiale par l’impôt et de l’ensemble des prestations familiales qui pour la plupart sont sous conditions de ressources. Dans un article de janvier 2011 de la Revue de l’OFCE (n° 116), il montre ainsi que la suppression du quotient familial, mais aussi des allocations familiales, du complément familial, des composantes familiales du RSA et des allocations logement, soit 30,5 Mds€ (base 2009) permettrait de financer un revenu social à l’enfant et au jeune moyen de 155 euros par mois. On pourra comparer avec l’hypothèse du crédit d’impôt de 190 € par mois résultant des calculs de Landais, Piketty et Saez (Pour une révolution fiscale), ou avec le chiffrage de la Direction du Trésor cité par C. Marty sur la base de la seule redistribution du quotient familial (50 euros), sans oublier les simulations du Haut Conseil à la Famille, moduler ou non selon l’âge de l’enfant… il reste que l’on est très loin de la compensation du coût réel de l’enfant dont Sterdyniak rappelle qu’il est de 559 euros en revenu médian. Avec un seuil de pauvreté de 60 %, il note également que “une prestation uniforme de 335 euros par enfant assurerait qu’aucune famille ne se rapproche de la pauvreté du fait d’un enfant supplémentaire”. Ainsi la prise en charge actuelle à 155 € en moyenne est-elle bien éloignée de l’équité.
Nous donnons ces éléments, non pour complexifier de débat ou laisser croire que le jeu n’en vaut pas la chandelle, bien au contraire ! mais pour orienter la discussion vers une prise en compte plus large que la seule dimension fiscale et technique du dossier.
Et si la chancelière Merkel s’intéresse à notre exception française du quotient familial, ne soyons pas abusés par les grâcieusetés diplomatiques entre elle et le Président, lisons plutôt le discours de Lavaur du 7 février sur le bilan de la politique familiale de Sarkozy et son plus beau fleuron : avoir fait baisser l’absentéisme scolaire grâce au chantage aux allocations familiales. Pendant ce temps, les choses sérieuses sont en cours avec la TVA “sociale” : en fiscalisant le financement de la branche famille et quels que soient les “fléchages” prévus aujourd’hui, l’État se donne les mains libres pour se désengager et transférer demain au privé certaines dépenses.