Une élection législative dans un contexte ancien et nouveau à la fois. Ancien car le théorème du capitalisme néolibéral est toujours vérifié : chaque gouvernement fait pire, pour la majorité du peuple, sur le plan économique et social que le précédent. Idem en ce qui concerne la démocratie, la laïcité, l’écologie, l’antiracisme, le féminisme. La crise économique et financière progresse, l’Union européenne déploie toujours son ordolibéralisme de fer…
Nouveau car la colère monte contre l’extrême centre macroniste. Les suites des mouvements de gilets jaunes, de la crise du coronavirus toujours pas terminée, la nouvelle séquence géopolitique du développement des guerres impérialistes sur tous les continents, nous ordonnent de sortir des ornières de la pensée d’hier.
Quant à la gauche, elle suscite de l’espoir en ne réitérant pas la stratégie mortifère des législatives de 2017 et donc en assurant l’union Nupes. Mais est-ce suffisant pour obtenir une gauche de gauche, c’est-à-dire capable de prendre le pouvoir, de l’exercer par un bloc historique populaire intégrant très majoritairement la classe populaire ouvrière et employée (45 % de la population active malgré la désindustrialisation) en engageant une stratégie de transition vers un modèle anticapitaliste de type République sociale ?(1)Nous appelons République sociale un modèle politique qui implique d’en réunir les conditions. Voir l’ouvrage en deux tomes Penser la République sociale au 21e siècle, que vous trouverez dans la librairie militante. En tout cas, on peut noter que pour la première fois depuis le couplage élections présidentielle-élection législative, l’élection d’Emmanuel Macron n’a pas enclenché de dynamique pour l’élection législative : les projections basées sur le résultat du premier tour donne une majorité faible à Ensemble, ce qui révèle la fragilité de ce pouvoir.
La sociologie du premier tour des législatives
Étant donné un résultat conforme à ce qui avait été mesuré par les instituts de sondage (IFOP et IPSOS), nous reprenons ci-dessous les analyses sociologiques qui avaient été données dans les sondages et qui correspondent au vote réel.
Tout d’abord, concernant l’abstention, celle-ci s’établit à 52,49 %, soit un électeur sur deux qui ne s’est pas déplacé. En 2017, l’abstention au premier tour des législatives était déjà majoritaire, avec un taux de participation au vote de 48,7 %. Ipsos début juin sondait la participation du 12 juin 2022 à 46 %, soit un recul significatif.
Si on y ajoute les blancs, nuls et non-inscrits on est probablement en-dessous de 40 % de votes exprimés pour des candidats précis. En ne comptant que l’abstention (sans y ajouter les blancs, les nuls et les non-inscrits), il est à noter que la participation de la classe populaire ouvrière et employée est inférieure à 36 % et que celle des 18-35 ans est inférieure à 37 % . Donc pour ces derniers, la comptabilisation des blancs, nuls et non-inscrits est en début juin de moins de 30 % de suffrages exprimés pour des candidats précis par rapport au nombre d’électeurs éligibles à la votation (voir ci-dessous).
La vague 3 de l’IFOP du début juin nous a donné quelques indications sur la sociologie des intentions de vote.
Sexe et âge. D’abord une étrangeté à étudier : les divers gauche (ceux qui ne sont pas dans l’union Nupes : socialistes néolibéraux d’une part, fédération de la gauche républicaine d’autre part) ont un électorat deux fois plus féminin que masculin (6 % contre 3 %) ! Le vote féminin RN est sensiblement plus important que le vote masculin (24 % contre 19 %) mais c’est le contraire pour le vote Reconquête (4 % contre 7 %). Pour tous les autres, il n’y a pas de différenciation basée sur le sexe.
Pour les moins de 35 ans (18-24 ans et 25-34 ans), le pourcentage des votes exprimés est de 38 et 29 % pour la Nupes, 25 et 26 % pour le RN et de 19 et 16 % pour l’extrême centre macroniste. Donc première place pour la Nupes par rapport aux inscrits potentiels tout en sachant que cela ne représente qu’un peu plus de 10 % de la catégorie d’âge si on tient compte du volume d’abstention massif de cette catégorie d’électeurs !
Sur le plan des catégories socioprofessionnelles cela donne en suffrages exprimés (donc en ne tenant pas compte de l’abstention, des votes blancs, nuls et non-inscrits) :
- pour la classe populaire respectivement pour la Nupes, l’extrême centre et le RN, 28 %, 13 %, 33 %, soit un peu plus des 10 % des inscrits potentiels ;
- pour les couches moyennes intermédiaires, en suffrages exprimés, 30 %, 22 %, 25 % ;
- pour les couches moyennes supérieures (cadres), 24 %, 36 %, 10 %, pour les retraités, 20 %, 40 %, 13 %. Pour les commerçants et artisans et professions libérales, 19 %, 19 %, 33 %.
En résumé, vote Nupes interclassiste, l’extrême centre avec ses points forts, les retraités et les couches supérieures, le RN plus populaire.
En ce qui concerne la répartition privé, public et chômeurs, la Nupes fait respectivement, en suffrages exprimés 23 %, 39 %, 36 % ; l’extrême centre, 25 %, 14 %, 9 % et le RN 27 %, 23 % et 31 %. Net avantage de la Nupes dans le public et chez les chômeurs, l’inverse au niveau de l’extrême centre, et avantage au RN dans le privé et chez les chômeurs.
En ce qui concerne les diplômes, interclassisme à la Nupes avec un bon score principalement dans le 1er cycle universitaire (32 %), avec 24 % pour les diplômes supérieurs de 2e et 3e cycle, 24 % pour les bacheliers, 20 % pour les CAP/BEP, 17 % pour les sans diplômes ; avantage aux diplômes supérieurs pour l’extrême centre (38 %), puis respectivement 21 %, 25 %, 25 %, 28 %, ancrage plus populaire pour le RN avec respectivement 11 %, 18 %, 27 % , 29 % et 24 %.
Quant à la situation géographique, la Nupes brille surtout dans les zones urbaines de province, avec 24 % pour l’agglomération parisienne, 27 % pour les zones urbaines de province et 20 % pour les zones rurales. L’extrême centre plutôt parisien obtient respectivement 31 %, 26 %, 26 % et le RN plus rural 13 %, 21 %, 28 %. En ce qui concerne l’IDF et la province, cela donne 23 % et 26 % pour la Nupes, 32 % et 26 % pour l’extrême centre et 14 % et 22 % pour le RN.
Pour le second tour, et au-delà
Après le désastre historique des législatives de 2017, il convient d’assurer le plus grand nombre de députés Nupes dans la prochaine assemblée et d’empêcher la même disposition institutionnelle qu’en 2017 dans le cas d’émergence des mouvements sociaux.
Puis reste à promouvoir la République sociale. Car malgré l’enthousiasme des équipes militantes, nous sommes bien loin des conditions nécessaires à la transformation sociale et politique. Nous ne sommes déjà plus en République et encore moins en République sociale, projet politique bien plus ambitieux que tout ce qui nous est proposé aujourd’hui (voir note 1) !
Malgré l’espoir que nous avons manifesté dans une chronique du début mai, la construction d’une gauche de gauche reste à construire pour rompre enfin avec le capitalisme néolibéral et ordolibéral.
Il nous manque, dans le champ politique, le bloc historique populaire incluant la majorité de la classe populaire ouvrière et employée (45 % de la population active que l’on retrouve trop souvent en non-inscrits, en vote blancs et nuls ou en abstention, voir plus haut).
Il nous manque l’éducation populaire refondée, et ses pratiques contre hégémoniques indispensables à la bataille pour une nouvelle hégémonie politico-culturelle sans laquelle le trépied de la mobilisation (organisations politiques, syndicales et d’éducation populaire refondée) ne peut jouer son rôle.
Il nous manque également une refondation syndicale pour pratiquer la double besogne si bien inscrite dans la charte d’Amiens (un prochain article dans ReSPUBLICA est en chantier sur ce point).
Ce que nous proposons d’ores et déjà
Cela dit, le redémarrage de notre centre de ressources, le Réseau Education Populaire, presque mis en sommeil durant la crise du coronavirus, nous donne de grands espoirs pour la suite de cette bataille politico-culturelle. Les formations politiques longues, les réunions publiques, les cycles de cinés-débats, les différentes pratiques coéducatives d’éducation populaire refondée, reprennent avec une grande vigueur. N’hésitez pas à le contacter !
Rappelons enfin que suite à notre colloque du 19 février au Sénat, sur le thème « République sociale et laïcité », nous nous retrouverons le samedi 25 juin de 9 h à 17 h à Paris pour tirer les enseignements de la séquence électorale, de la bifurcation géopolitique qu’ouvre la guerre d’Ukraine et pour définir notre plan d’action avec le lancement des cercles militants de discussion et d’action dans toute la France pour l’année 2022-2023.
Ce colloque se tiendra le samedi 25 juin 2022 à Paris de 9h à 17h et nous vous convions à vous y inscrire sur l’une des adresses banalisées :
evariste@gaucherepublicaine.org pour ReSPUBLICA,
reseaueducationpopulaire@gmail.com pour le Réseau Éducation Populaire et Éducpod,
combatlaiquecombatsocial@gmail.com pour notre appel « Combat laïque-Combat social, fédérer le peuple ».
Notes de bas de page
↑1 | Nous appelons République sociale un modèle politique qui implique d’en réunir les conditions. Voir l’ouvrage en deux tomes Penser la République sociale au 21e siècle, que vous trouverez dans la librairie militante. |
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