Face à « l’inanité sonore » de l’État, le peuple doit entrer en action !

« Abolie bibelot d’inanité sonore », Mallarmé décrivait son poème comme « un sonnet nul… se réfléchissant de toutes les façons », bref une « forme fermée sur sa forme » écrivait-il à son éditeur.

La prestation du 13 avril du président de la République pourrait en être une illustration par sa pauvre déclamation. Elle marque une étape nouvelle dans la dégénérescence de la sphère politique française. Plus de trente minutes de glose lénifiante écoutée avec attention par 38 millions de Français confinés. Deux éléments surnagent de cette mauvaise prose : le confinement devrait durer jusqu’au 11 mai et les enfants seront les premiers déconfinés. Trente secondes pour ces deux annonces au cours de 31 minutes de cours de morale donné par un mauvais maître de CE1.

Du Covid-19 au 49.3 sur les retraites

Tout remettre à plus tard, c’est-à-dire au 11 mai, est simplement la conséquence du premier trimestre calamiteux que nous venons de vivre. Sans masque, ni matériels sanitaires suffisants, sans tests, sans hôtels médicalisés de confinement pour malades peu gravement atteints, sans zonage précis des lieux à confiner pour longtemps, etc. rien n’était possible de toutes façons. Les mauvaises décisions de janvier, février et de début mars se payent aujourd’hui comptant et imposent… un mois de pause supplémentaire pour bâtir enfin un plan et faire venir les masques ou les fabriquer, masques considérés il y a peu comme inutiles !

C’est toute la Macronie, aréopage politique improbable et sans envergure, qui en est responsable. Si nous ne pouvons qu’imaginer (aisément) à quoi pensaient Griveaux ou Buzyn, nous savons par contre avec certitude ce qui préoccupait Philippe fin février. Le conseil des ministres extraordinaire consacré au Covid-19… accoucha du 49.3 sur la « réforme » des retraites ! La cerise gâtée de ce gâteau empoisonné fut un premier tour électoral en plein confinement, entraînant des millions de déplacements dans toute la France des « mal inscrits » (par exemple, ceux qui votent dans la commune de leurs parents) ou « bien inscrits » mais dans la commune de leur résidence secondaire, et bien sûr la diffusion du virus dans les bureaux de votes dépourvus de masque, de gants ou de gel. 

Une mise en danger des enfants ?

Alors que l’on ne connaît encore presque rien de ce coronavirus (le séquençage complet de son ADN ayant moins de deux mois et demi), le président propose le retour des enfants en classe et dans les cours de récréation à partir du 11 mai. Des premières constatations sur le passage de ce type de virus dans le système nerveux central ou son impact dans certains cas sur le système immunitaire devraient inciter à la plus grande prudence, en particulier pour les jeunes qui ont la vie devant eux. D’ailleurs, l’Ordre national des médecins, organisation proche de l’État s’il en est, s’est retrouvé dans l’obligation de s’opposer à cette mesure dangereuse pour la santé publique de la jeunesse. Quant au « comité scientifique » mis en place par la présidence de la République, il n’a curieusement rien à dire sur cette décision1.

Dans cette allocution du 13 avril, les mesures dangereuses se mêlent à des décisions incohérentes comme par exemple l’annonce, sur un ton martial, du maintien du blocage des frontières… hors de l’Europe, alors même que le principal foyer de la pandémie se trouve justement… en Europe (Italie, Espagne, Royaume-Uni, Belgique).

 

Silence sur les EHPAD comme sur les décès de la canicule de 2003

Le dernier point, et le plus douloureux, est le fait que le président, toujours fier de lui-même tel une « forme fermée sur sa forme » comme disait le poète, laisse supposer que notre système de santé a tenu le coup sans faire de sélection. Nous savons que nombre de malades en EHPAD ont été laissés à eux-mêmes, entraînant un ravage qui approche aujourd’hui plus de 9 000 morts. La décence aurait été de dire la vérité et d’annoncer une commission d’enquête parlementaire… Mais en France on fait silence comme ce fut déjà le cas lors de la canicule meurtrière de la décennie précédente.

Ce triste constat sur la gestion par l’État de la pandémie depuis le début de l’année, propulsant notre pays à la quatrième place de la planète en terme de morbidité, doit nous instruire sur l’avenir : le deuxième et troisième trimestre seront dans la lignée du premier ! Ce dispositif politique, cet exécutif présidentiel, n’est tout simplement pas « à la hauteur » de la période historique que nous vivons. N’en déplaise au ministre Le Maire, il n’y aura pas de « sauvetage » de l’économie après un déconfinement qui s’annonce déjà fort chaotique. Car les conséquences économiques vont être redoutables et certainement aggravées par un gouvernement en retard perpétuellement sur une bonne décision, ou, le plus souvent, prenant plutôt la mauvaise.

Sortir de la torpeur car le rapport de force est favorable

Il est donc indispensable pour le pays que le peuple français sorte de sa torpeur et prenne son autonomie par rapport a «  l’inanité » de l’État. Pour cela, il faut que ce peuple, et d’abord son aile marchante c’est-à-dire les classes populaires prennent conscience de leur force ! Après trente ans de défaites sociales, cet élément subjectif est certainement des plus compliqués ! Pour cela, il nous faut regarder le camp d’en face, et la réalité est là : le rapport de force objectif est favorable comme il ne l’a jamais été depuis les années 1970. Trois éléments concrets justifient cette affirmation. Tout d’abord le fait que le pouvoir décide le chômage partiel au lieu d’imposer, comme dans la majorité des pays développés, le chômage tout court, à savoir 88 % du salaire plutôt que 55 %. Ensuite, la prise de position du groupe LREM pour suspendre la « réforme » des retraites, cette casse méthodique aux profit des assurances. Enfin, la décision d’accorder une prime de 1 000 à 1 500 euros aux fonctionnaires actifs pendant le confinement, ainsi d’ailleurs que des primes plus modestes pour les foyers en difficulté. À moins de croire à l’immense bonté d’âme du Capital, ces « reculades à froid » révèlent en fait une trouille gigantesque, reprise d’ailleurs par les services de renseignements policier !

Comme nous l’avons souvent dit dans Respublica, le fait d’avoir eu 15 mois sans discontinuer de guerre de classes entre le mouvement des « gilets jaunes » et le combat pour la défense des retraites, est un incroyable atout par rapport aux autres pays développés. En effet, le patronat et le gouvernement français ont très peur d’un mouvement social renaissant qui, certes n’a pas vaincu, mais n’a pas été défait en rase campagne. Le « phénix » de la Révolution française a de nouveau rougeoyé sous les cendres un certain 17 novembre 2018 sur les ronds-points. Il faut donc lever ce premier barrage, la défiance des classes populaires dans leurs propres forces. Il faut redonner confiance ! 

Aux salariés de contrôler la protection sanitaire

Le second point, qui est d’ailleurs dialectiquement lié au premier, est d’imposer d’abord  le « contrôle populaire sanitaire » pour demain marcher vers une « gestion populaire » des conséquences de la crise.

Ce « contrôle populaire sanitaire » connaît déjà des prémisses comme on l’a vu dans la réaction des travailleurs d’Amazon bien guidés par le syndicat SUD de l’entreprise et de la direction de sa fédération du commerce. Mais prenons un autre exemple : si le port du masque est une mesure positive, comme toutes les données l’indiquent depuis trois mois, pourquoi les mettre que le 11 mai et non pas tout de suite ? Les travailleuses et travailleurs des grandes surfaces et de la logistique n’ont pas à risquer d’être contaminés aux caisses ou dans les rayons, ils doivent imposer le port du masque obligatoire, même en tissu, pour tous les clients entrants, sinon le magasin doit être fermé immédiatement  ! Et que dire des usines ou des chantiers, le déconfinement doit se faire dans la sécurisation parfaite, sinon pas de reprise à la va-vite qui conduirait les employés à l’hôpital. Les salariés doivent contrôler leur protection sanitaire partout !

Contrôle populaire sanitaire et gestion populaire

Ce contrôle populaire sanitaire doit construire la base d’une « gestion populaire » s’étendant de proche en proche et constituant ce que nous appelons un « double pouvoir » face à l’État. Les mois qui viennent seront ceux de la crise financière et monétaire avec la tentative de faire « payer les pauvres » ! Le mouvement social doit être à l’offensive pour prendre en main le plus possible le cours des événements. Plutôt que d’attendre passivement les consignes de l’État, le mouvement populaire devra gérer la pénurie qui s’annonce sur le base les plus justes et égalitaires possibles. Soyons clair, si une dynamique n’est pas enclenchée maintenant dans le camp populaire, le capital rejettera comme un noyau de cerise « l’inanité sonore » Macron qui l’aura bien servi mais qui est presque au bout de son utilité pour les intérêts de l’hyper bourgeoisie. Il sera brusquement remplacé par une régime autoritaire de répression brutale.

Rien n’est joué car rien n’était prévu. Faisons en sorte que l’initiative et l’audace du peuple travailleur aient le dernier mot et qu’enfin le dispositif d’exploitation soit « aboli » !

 

1 Un certain nombre des médecins qui « pérorent » sur les écrans sont en conflit d’intérêt. Dès à présent, sans attendre les résultats de commissions d’enquête, il serait nécessaire de connaître les sommes qu’ils touchent des labos pharmaceutiques, pas toujours personnellement mais aussi au profit de leur service de recherche.