En fait, la Bérézina des municipales n’a entraîné l’exécutif que dans l’accélération de la politique dictée par le Medef tant il est persuadé de la doctrine de Margaret Thatcher : « Il n’y a pas d’alternative au néolibéralisme » . Après les simagrées ridicules de l’aile gauche du PS, le retrait politicien d’EELV, il ne restait plus au Premier ministre que de faire un discours schizophrène dont l’ambiguïté était palpable dès le début de sa présentation. Appliquant à la lettre, la règle du Cardinal de Retz devenu vertu théologale chez les néolibéraux de droite comme de gauche : « On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment », nous avons eu affaire dès la première phrase de la déclaration du Premier ministre à un sommet inégalé de l’ambiguïté : « Trop de souffrances, pas assez d’espérance, telle est la situation de la France ».
Car bien évidemment, l’utilisation d’un des mots les plus ambigus de la langue française n’est pas un hasard. Bien sûr, tout le monde pourra,suite à ce discours, dire: « il faut plus d’espérance ». Donc, selon le Larousse « plus de sentiment de confiance en l’avenir », « plus d’espoir ». Mais selon l’église catholique, « L’Espérance avec la Foi et la Charité est une vertu théologale dont l’objet principal est le salut, la béatitude éternelle, la participation à la gloire de Dieu. » (1)« Cette vertu qui dispose le chrétien à mettre sa confiance dans les promesses du Christ, à prendre appui non sur ses forces, mais sur le secours de la grâce du Saint Esprit, le conduit par le fait même, à résister au mal et à l’épreuve et à garder confiance en l’avenir. L’Espérance s’exprime et se nourrit dans la prière. Elle se différencie de l’espoir en lui donnant sous le regard de la foi, une perspective d’éternité. »
Comme la suite du discours du Premier ministre ne tranchait pas entre ces deux définitions, chacun interprétera à sa guise ce sommet de l’ambiguïté ! La suite est claire et nette comme le nez au milieu de la figure:
Feux d’artifice en ce qui concerne les cadeaux au patronat : taux normal de la fiscalité des entre prises abaissé à 28 % d’ici 2020, suppression de la contribution de solidarité des entreprises sous trois ans, baisse des recettes de la Sécurité sociale et donc de ses prestations – baisses des cotisations patronales familiales de 1,8 % en 2016 se rajoutant à celle effectuée par son prédécesseur, diminution des cotisations salariales pour ceux qui gagnent le SMIC, et quelques autres pour atteindre 10 milliards en moins pour l’Assurance-maladie d’ici la fin du quinquennat se rajoutant à celle effectuée par son prédécesseur, 11 milliards de baisses pour les autres prestations, 19 milliards de baisse du budget de l’État, 10 milliards pour les collectivités locales…
Hollande et Valls vont devenir les Margaret Thatcher tricolores…
Quant à ce que Valls appelle la transition énergétique, cela n’a rigoureusement rien à voir avec une transition énergétique à la hauteur des enjeux. C’est tout juste une petite inflexion pour essayer de contenter de façon politicienne EELV. D’une façon générale, il n’y a pas de transition énergétique sans fixer le but final et l’agenda de cette transition.
Supprimer la centrale nucléaire de Fessenheim sans dire ce que l’on fait de la filière nucléaire sur longue période est un déni d’information tant on sait que cette filière a des ombres portées de plusieurs décennies au moins. Même réaction avec l’annonce de la diminution des énergies carbone sans définir le but de long terme. Par ailleurs est-ce une bonne politique que de prôner les énergies renouvelables sans engager une réindustrialisation en France des matériels nécessaires au développement de ces énergies ? Car sinon, pas d’indépendance énergétique et accroissement du déficit commercial de la France. Ou encore peut-on dire en même temps que l’on souhaite le principe « pollueur-payeur » et en même temps ne rien faire pour favoriser les services publics de transports et le ferroutage pour donner le choix aux acteurs ? Car sinon, on va retomber dans l’hérésie de la taxation carbone de ceux qui ne peuvent pas faire autrement.
Autre sujet d’inquiétude: quelle est l’axe de la recherche énergétique française tant sur le plan de la recherche fondamentale (RF) que dans la recherche développement (R&D) ? Réponse : Le flou ? Rien ?
Rien de précis sur le plan d’urgence sur l’efficacité énergétique et donc sur les économies d’énergie (notamment du bâti existant et futur) ? C’est pourtant la priorité de toute vraie transition énergétique ! Et plus généralement, rien sur la réindustrialisation de la France, sans laquelle aucune relance de l’activité n’est possible sur le long terme.
Sur l’école, il est prévu la poursuite du décret Peillon sans réécriture. Ce legs empoisonné de l’ancien ministre de l’éducation nationale aurait pourtant dû figurer parmi les explications de la déroute aux municipales, par les tracas, ingérables pour les communes, les personnels et les familles, et les inégalités qu’il a entraînés. Le décret Peillon représente les prémisses d’une privatisation massive de l’école par le périscolaire, d’un remplacement progressif des enseignants par des animateurs peu formés, du développement de la garderie scolaire en lieu et place de l’enseignement, et d’une fatigue accrue des élèves pendant leur cursus. Il faut être aussi aveuglé que la direction de la FCPE pour y voir un nirvana.
Sur les institutions, décision de l’exécutif d’appuyer sur l’accélérateur anti-républicain de l’Acte III de la décentralisation en balayant les inflexions souhaitées par Lebranchu sur les départements. Volonté de supprimer la délégation générale pour empêcher, comme la droite le souhaite, les collectivités locales de s’autosaisir sur des sujets d’intérêt public général en dehors des domaines prévus par la loi.
Et face à cette déclaration de guerre du néolibéralisme contre les intérêts de la classe populaire ouvrière et employée et des couches moyennes intermédiaires, où est la priorisation d’une grande compagne d’éducation populaire de la gauche de gauche pour combattre cette idéologie dominante comme préconisé dans la dernière chronique d’Évariste pour ne pas reproduire les méthodes usées du militantisme d’hier ? N’est-il pas nécessaire d’engager ici et là, à partir des structures locales politiques, syndicales, associatives et mutualistes cette campagne d’éducation populaire sans attendre les consignes et les décisions du sommet ?
La priorité est de répondre aux attentes du peuple. L’unité retrouvée du Front de gauche à l’occasion des européennes est un facteur d’espoir pour la construction d’un rapport de force pour ouvrir une alternative. La marche du 12 avril contre l’austérité qui a rassemblé à Paris plusieurs dizaines de milliers de personnes (voir dans ce numéro) a montré combien il était urgent de se rencontrer, de débattre, de s’engager. Et d’agir.
Notes de bas de page
↑1 | « Cette vertu qui dispose le chrétien à mettre sa confiance dans les promesses du Christ, à prendre appui non sur ses forces, mais sur le secours de la grâce du Saint Esprit, le conduit par le fait même, à résister au mal et à l’épreuve et à garder confiance en l’avenir. L’Espérance s’exprime et se nourrit dans la prière. Elle se différencie de l’espoir en lui donnant sous le regard de la foi, une perspective d’éternité. » |
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