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Le gouvernement Macron-Barnier, dernière étape avant l’affrontement gauche-union de toutes les droites ?

Emmanuel Macron poussera donc la stratégie de l’extrême centre jusqu’au bout. Avec sa rhétorique de la modération, son armée de girouettes et sa marche forcée vers un régime autoritaire, Emmanuel Macron se situe dans le droit fil de la Convention thermidorienne, du Directoire, puis du Consulat et des Premier et Second Empires. Comme précédemment dans l’Histoire française, cela nous mènera à l’union de toutes les droites, RN compris. L’historien Pierre Serna, dont nous avons repris le concept d’« extrême centre »(1)Voir notamment notre recension : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-idees/respublica-lu-et-a-lire/lextreme-centre-ou-le-poison-francais-1789-2019-de-pierre-serna/7432195., l’a suffisamment explicité, tout comme un autre historien, Johann Chapoutot, avec ses mots en fustigeant la politique du bloc bourgeois macronien comme une politique nihiliste vectorisés par la puissance !

Après l’annonce du nouveau gouvernement

Que pouvons-nous dire sur ce nouveau casting ? Pas grand-chose de plus que ce qui est connu dans les médias dominants. Le remplacement de tel ou telle par telle ou tel ne changera pas la nature de la politique bourgeoise et donc réactionnaire, même si elle va faire croître son degré austéritaire, violent et antisocial. Le simple fait d’avoir rajouté un « Ministère de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations » montre que l’hégémonie culturelle du bloc bourgeois estime qu’elle a réussi à voler à la gauche le principe de citoyenneté en le détournant comme elle a réussi à lui voler les principes de laïcité, de démocratie, de république, de liberté, etc. tout en les détournant de leurs contenus initiaux. ReSPUBLICA devra revenir sur ce point, car ce détournement bourgeois doit être combattu avec la même vigueur que les politiques identitaires et wokistes qui fleurissent à gauche et qui sont un cancer contre le développement des mouvements de luttes écologiques et sociales.

D’abord, concernant Barnier lui-même, RN compatible avec ses positions présentées lors de la primaire LR pour la dernière présidentielle sur l’immigration et donc avec la dernière loi sur l’immigration déjà promue par une alliance Macron-LR-RN : il est en phase avec le processus allant vers l’union de toutes les droites. Mais il est également en phase avec les dirigeants et le personnel de direction de l’Union européenne engagée dans un processus de droitisation accélérée, largement aidé par les traités et les directives de l’Union européenne. « Il n’y a pas de démocratie contre les traités européens », disait très ouvertement Jean-Claude Juncker, ancien président de la Commission européenne.

Devant le fiasco économique de la France que nous laisse le couple Macron-Le Maire avec ses mille milliards de dette supplémentaire pour cause de diminution volontaire des recettes provenant de la fiscalité mais aussi des cotisations sociales et du sauvetage du grand capital par des nombreuses dizaines de milliards d’euros par an, il est le mieux placé pour tenter d’obtenir un léger desserrage du nœud coulant que le carcan ordolibéral européen a positionné autour du cou de notre France mais aussi de nombreux autres pays européens ! Tout cela pour produire le déclin de la France dans une Europe déclinante.

Puisse l’avenir nous éviter le bruit, la fureur de la société du spectacle de la gauche pour le plus grand bénéfice de l’extrême droite ! Dans cette phase présente, le RN estime avoir besoin de temps pour continuer à faire grossir son groupe de députés, notamment lors des probables prochaines élections législatives qui pourraient avoir lieu en juin 2025. En attendant, la France est dirigée par un gouvernement formé par une extension de l’extrême centre vers la droite installée, dite LR canal historique, avec l’apport nouveau d’un Sénat associé à l’exécutif.

Comme le gouvernement Macron-Barnier, même s’il est soutenu par plus de députés que le nombre de députés NFP, est largement minoritaire à l’Assemblée nationale, il est donc à la merci d’une censure quand le RN l’aura décidé. Ou dit autrement, il est obligé de faire un compromis avec le RN sur chaque sujet s’il veut survivre. C’est d’autant plus nécessaire pour ce nouveau gouvernement, car les autres solutions ont pour le pouvoir exécutif d’autres inconvénients. Les pleins pouvoirs par l’article 16 pourraient être contestés au bout d’un mois par le Conseil constitutionnel pour détournement des modalités constitutionnelles et la démission d’Emmanuel Macron ne serait pas favorable à l’avenir de tous ceux qui ont soutenu de près ou de loin l’extrême centre. Cette éventuelle démission pourrait être un cadeau fait au RN.

Mais il faut faire vite, car l’affrontement contre l’union de toutes les droites a des chances d’avoir lieu dès juin 2025 pour tenter d’avoir la majorité absolue de députés.

Quant à la gauche NFP, elle ne peut que s’opposer de façon frontale au gouvernement Macron-Barnier, mais elle ne peut pas se contenter de faire moins d’un tiers des voix exprimées aux élections comme au premier tour des élections législatives de 2024. Elle doit dépasser les 50 % ! Mais il faut faire vite, car l’affrontement contre l’union de toutes les droites a des chances d’avoir lieu dès juin 2025 pour tenter d’avoir la majorité absolue de députés. Et pour cela, les quatre directions des partis du NFP doivent changer de ligne stratégique, car l’actuelle ligne stratégique « terranoviste » de la gauche n’inclut pas une politique qui donne confiance à une grande partie des catégories populaires.

Et pour cause, depuis 2011, la gauche s’est transformée en tournant le dos à la classe populaire ouvrière et employée, représentant aujourd’hui 45 % de la population active, et donc en tournant le dos aux revendications sociales de classe et en tentant d’organiser une nouvelle majorité avec les diplômés urbains dirigés idéologiquement par les bobos Sciences Po avec la priorité aux questions sociétales (néoféminisme contre le féminisme, essentialisation des « racisés » contre l’antiracisme de l’universalisme concret) et aux banlieues des métropoles contre la classe populaire ouvrière et employée des zones périphériques et rurales gagnées par le déclassement, la désertification des services publics.

Que faire ?

La stratégie doit répondre aux problèmes posés dans notre séquence en partant du réel objectif et subjectif vécu par les citoyens et leurs familles. Comme on ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré, il faut répondre au moins à 12 dossiers pressants et il ne suffit pas d’en rester à une économie keynésienne d’augmentation des bas salaires même si cette augmentation est nécessaire. Le débat doit s’organiser rapidement autour de quelques sujets centraux mais toujours du point de vue des intérêts du bloc populaire tout en maintenant une cohérence d’ensemble dans un projet évolutif.

ReSPUBLICA devra revenir sur tous ces points dans des articles ultérieurs :

1) Lutter contre le déclin de la France dans une Europe déclinante.

2) Comment résoudre le problème de la dette ?

3) Comment réindustrialiser dans une transition énergétique et écologique avec création de filières amont-aval en France et avec une priorisation des secteurs à haute productivité (à ne pas confondre avec productivisme qui lui est à combattre) notamment dans le secteur écologique et de haute technologie (encore qu’il faudra faire le tri, car par exemple un développement forcené de l’IA n’est pas compatible avec des standards écologiques !) ?

3) Comment faire pour que la priorité écologique sur le cadre de vie, l’environnement et la biodiversité devienne enfin prioritaire ?

4) Bifurquer vers une école qui forme le citoyen en devenir par l’instruction et l’éducation face à son déclassement actuel.

5) Régler l’épineuse question des prix de l’électricité.

6) Le projet de loi pour le financement de la Sécurité sociale doit augmenter tous les budgets des branches pour répondre aux besoins. Il faut en finir avec l’austérité en matière de Sécurité sociale puis retrouver les 4 conditions révolutionnaires de sa création.

7) Sortir du cataclysme et du néo-colonialisme en Nouvelle-Calédonie.

8) Lutter contre la pauvreté. Il faut arrêter la spirale du « moins de chômage pour plus de pauvreté ».

9) Redonner du pouvoir aux travailleurs pour lutter contre les inégalités sociales.

10) Revenir aux dix principes de la République sociale (liberté, égalité, fraternité, laïcité, démocratie, sûreté et sécurité, souveraineté populaire, universalisme concret et non abstrait, développement écologique et social).

11) Travailler à la double besogne (revendications immédiates liées à une transformation radicale de la société) et donc à la stratégie de l’évolution révolutionnaire.

12) Promouvoir dans une direction différente quelques domaines : dégager du marché la sphère de constitution des libertés (école, services publics, Sécurité sociale) l’indispensable refondation européenne, l’indispensable pensée de la réindustrialisation dans une transition écologique, l’indispensable égalité hommes-femmes, l’indispensable refondation des droits de la nationalité et de l’immigration, l’indispensable processus de socialisation progressive des entreprises.

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