Le triptyque de la protection sociale des néolibéraux de droite et de gauche : austérité, étatisation et privatisation

 L’ensemble de la protection sociale pèse plus de 30 % du PIB soit plus de 600 milliards d’euros. C’est de loin le premier budget humain, qui pèse près de deux fois plus que le budget de l’État tous ministères confondus. C’est la préoccupation majeure des citoyens et de leurs familles si on globalise l’ensemble de la protection sociale (retraites, santé et assurance-maladie, politique familiale, accidents du travail et maladies professionnelles, perte d’autonomie, assurance-chômage et les politiques d’assistance). Et pourtant, cela ne semble pas la priorité des partis politiques de gauche, y compris de la gauche de gauche. La dernière motion votée à plus de 95 % au dernier congrès du Parti de gauche ne s’est pas étendue sur ce sujet. Un peu avant, le congrès du Parti communiste l’a évoqué mais sans en faire une priorité. Quant aux partis de gouvernement, ils laissent le gouvernement déployer une offensive néolibérale gigantesque. Cela rechigne à la base, dans l’aile gauche du PS, dans les structures de base du Front de gauche où on voit se développer, ici et là, des réunions publiques sur ce domaine. Cela n’est pas sans conséquence sur le fossé grandissant entre les couches populaires ouvriers et employés (53 % de la population française) et la gauche. Rappelons que les préférences électorales de ces couches sociales sont dans l’ordre : d’abord et de loin l’abstention, puis le Front national, puis le PS, puis l’UMP et enfin le Front de gauche. Quand est-ce que la gauche en général et la gauche de gauche en particulier va prendre cela en compte et changer ses priorités stratégiques ? Il ne peut pas y avoir transformation sociale et politique sans combler ce fossé.
La mobilisation est cependant plus forte dans le mouvement syndical revendicatif (CGT, FO, Solidaires, FSU et Confédération paysanne) et dans les batailles défensives locales (proliférations de collectifs de défense locaux). Le dernier congrès de la CGT, pour ne parler que de celui-là, en a abondamment débattu et on a pu d’ailleurs voir l’état du débat entre les différentes pistes alternatives. Sans doute l’expression d’un ancrage plus populaire que dans les partis politiques de gauche actuellement.
Et pourtant l’enjeu politique est d’importance car la conséquence du triptyque n’est pas une simple politique de rigueur mais une croissance exponentielle des inégalités sociales de santé, de retraites, de logement, scolaires, parentales, dans la perte d’autonomie, dans l’emploi, etc.
Et en 2013, le gouvernement met la surmultipliée en fanfare. Le 11 janvier, il applaudit l’accord régressif interprofessionnel repoussé par la majorité des salariés. Le 15 janvier, il applaudit via Cahuzac à une proposition du Medef de désindexer les retraites complémentaires sur le coût de la vie entrainant mécaniquement une perte de pouvoir d’achat de 1 à 1,5 % par an. Le 10 mars, c’est Touraine qui monte en ligne pour dire que la lutte contre les déficits va faire baisser les acquis sociaux. La lettre de mission donné par Ayrault à Hubert Fragonard sur la politique familiale demande 2,2 milliards d’économies dans la branche Famille (voir l’article ci-dessous). Et on n’a pas encore idée de ce qui se trame sur la perte d’autonomie.
Pour les retraites, le montant moyen de la pension (hors réversion et hors majoration pour trois enfants et plus) est de 1 552 euros pour les hommes et 899 euros pour les femmes(quand est-ce que le mouvement féministe va prendre ce problème à bras le corps?). Eh bien, pour l’oligarchie, c’est trop! Pour la santé plus de un assuré social sur cinq fait du refus de soins pour cause financière, plus qu’un chirurgien dans le Gard en secteur 1, une croissance exponentielle des restes à charge, la fermeture des centres de santé, des hôpitaux et maternités de proximité, les délais d’attente grandissants aux urgences, la croissance exponentielle des cotisations des complémentaires santé – qui rappelons-le ont des frais de gestion de 15 à 22 % au lieu de 4,5 % pour la Sécu et, de plus en plus, remboursent très mal -, une désertification médicale grandissante, etc.
Pour la branche famille, le manque de crèches collectives et familiales se fait de plus en plus sentir et pour les couches populaires ; c’est la double peine, puisque les tarifs pour une assistante maternelle ne sont pas aussi dégressifs que dans les crèches familiales et collectives ou gratuites comme dans les maternelles. Pour les deux à trois ans, à noter la suppression de plus de 100.000 places de maternelle depuis le début du siècle. Et la marche vers la fin de l’universalité de la politique familiale est à l’œuvre.
Le gouvernement poursuit la ligne d’action schématisée dès 2007 par Denis Kessler (1)Ex-n°2 du Medef, ex-président du Medef de l’Assurance, et actuellement président de la plus importante société de réassurance d’Europe, dans la revue Challenges où il déclarait qu’il fallait « défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) ». Il n’y a pratiquement plus de démocratie sociale, toute la protection sociale publique est étatisée. Le CNR avait sanctuarisé la Sécurité sociale, ce gouvernement accélère la future privatisation du secteur. Déjà la France est championne d’Europe pour ses 23 % des lits hospitaliers à but lucratif pour les actionnaires, également dans le peloton de tête pour la privatisation des maisons de retraites (et il en coûte souvent plus de 3 000 euros par mois dans les maisons médicalisées à but lucratif pour les actionnaires), etc. Les sociétés d’assurance se frottent les mains avec le recul des pensions de retraite, ils vont proposer aux plus aisés une croissance de la capitalisation qui fera croître d’autant la spéculation financière internationale qui a déjà fait tant de mal au peuple. Déjà les pensions ont perdu 20 % de leur valeur depuis 20 ans, le Conseil d’orientation des retraites a calculé que la perte d’ici 2020 (c’est demain ) sera de 8 % de plus. Le but du néolibéralisme est de transformer tous les régimes de base des retraites en régimes à points où la « neutralité actuarielle » fera baisser les pensions automatiquement sans négociation des partenaires sociaux. Et bien sûr d’augmenter indéfiniment la part de capitalisation qui ne fera que grandir les inégalités sociales de retraite.
Ainsi les trois axes révolutionnaires du Conseil national de la Résistance sont petit à petit défaits : 1/ la gestion de la Sécurité sociale par les élus des assurés sociaux, remplacée par le double mouvement d’étatisation et de privatisation des néolibéraux ; 2/ le financement universel par la cotisation sociale ou salaire socialisé (prélèvement dès la création de richesse) remplacé par une fiscalisation décroissante permettant l’évasion fiscale et  l’étatisation ; 3/ le principe de solidarité (à chacun selon ses besoins, chacun y contribuant selon ses moyens) permis par une extension du champ du droit social, remplacé par la charité et l’assistance de la doctrine sociale des églises pour les plus pauvres et la privatisation spéculative pour les plus aisés, à quoi s’ajoute la distorsion du partage de la valeur ajoutée qui, au lieu d’augmenter régulièrement la part du salaire (salaires directs et prestations sociales), privilégie l’attribution de valeur ajoutée au profit des actionnaires, allant de pair avec une baisse des investissements productifs dans l’entreprise.
Ainsi, nous sommes bien dans une intensification de la lutte des classes au profit de l’oligarchie. Comme la gauche de gauche n’est pas à la hauteur des enjeux, nous risquons la double peine : accroissement des politiques d’austérité sans fin et mécontentement du peuple qui risque de bénéficier à la droite et à l’extrême droite comme l’a montré l’élection partielle de l’Oise de mars 2013.
Militants et citoyens éclairés de la gauche de gauche, travaillons à construire une perspective de République sociale pour terrasser les politiques néolibérales !

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Ex-n°2 du Medef, ex-président du Medef de l’Assurance, et actuellement président de la plus importante société de réassurance d’Europe, dans la revue Challenges où il déclarait qu’il fallait « défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) ».