Être des républicains dans la gauche qui mobilise, est-ce un oxymore ? Sûrement pas !
Quelle est la situation ?
La droite sarkozyste, que nous pourrions qualifier de césaro-libérale, est aujourd’hui largement déconsidérée. Même l’Eglise catholique ne l’épargne pas, alors que le Vatican a largement soutenu la mondialisation néolibérale depuis trente ans et que l’Opus Dei, à sa tête, n’est pas vraiment réputé pour son gauchisme. Mais cette droite césaro-libérale est aussi critiquée jusque dans ses propres rangs : une partie de ses soutiens se demande manifestement comment gérer l’après-Sarkozy. Comme Antonio Gramsci, nous constatons que le vieux monde se meurt. Nous avons déjà du neuf. Reste à savoir si la gauche est capable de nous mener à la transformation sociale.
Quelle gauche ?
La situation à gauche est toujours marquée par le vote de 2005. D’un côté une gauche prête à accompagner le capitalisme. C’est cette gauche de la résignation qui a voté “oui” au TCE. De l’autre, une gauche anti-libérale qui a fait triompher le “non” lors du référendum en démontrant que le cadre actuel de l’Union Européenne (1)C’est-à-dire une Europe anti-démocratique et anti-républicaine (voir l’intervention de Mendès-France en janvier 1957 à la Chambre des députés), depuis le traité de 1957 jusqu’à la stratégie de Lisbonne signée en mars 2000 par Jacques Chirac et Lionel Jospin empêche toute transformation sociale.
Mais cette gauche anti-libérale est loin d’être homogène. Eclatée en diverses composantes (de la gauche du PS à la gauche “mouvementiste” en passant par les forces réunies dans le Front de gauche), la gauche anti-libérale est également très divisée. Les forces qui la composent sont, en fait, doublement clivées. Le premier clivage porte sur la question du cadre actuel de l’Union Européenne et sépare la gauche du PS de la gauche “radicale” : tandis que la gauche du PS laisse croire qu’il sera possible de réformer sans trop toucher aux structures de l’Union Européenne, la gauche “mouvementiste” et la gauche républicaine sont partisans d’une franche rupture avec les politiques néolibérales dont ces structures ne sont que l’instrument ; le second clivage porte sur les principes républicains et sépare la gauche “mouvementiste” de la gauche républicaine : tandis que la première est fortement dominée par ses tendances communautaristes, la seconde, considérant d’une part que le peuple reste très attaché aux principes républicains -en particulier au principe de laïcité- et que, d’autre part, le modèle républicain est le seul susceptible de supplanter le modèle néolibéral, entend pousser la République jusqu’au bout.
Mais il y a plus grave : c’est aujourd’hui l’ensemble de la gauche qui s’est coupée des couches populaires (2)c’est-à-dire les ouvriers et employés qui représentent 52% des ménages. Il ne suffit pas de proposer des analyses pertinentes pour reconquérir les couches populaires. Il faut aussi que ces dernières aient confiance dans les organisations qui les représentent. En qui ont-elles le plus confiance aujourd’hui ? En ceux qui ont oeuvré à la constitution de l’intersyndicale et qui appellent aux mouvements de grève et aux rassemblements du 7 septembre 2010. C’est le résultat de cette grève et de ces rassemblements qui nous dira si oui ou non les salariés veulent aller plus loin. La mobilisation du 7 septembre prochain sera plus déterminante que tous les programmes proposés par les organisations politiques de gauche.
Les leçons de l’histoire : juin 1936
L’analogie avec ce qui s’est passé en 1936 est susceptible d’éclairer à la fois le présent et l’avenir. Ni les syndicats, ni les partis de gauche n’avaient fait figurer dans leur programme ce qui allait résulter de la vaste mobilisation populaire de 1936. Du reste, l’accord que les partis de gauche avaient conclu en vue des élections était pour le moins minimaliste : ces derniers ne se retrouvaient que sur la question de la dissolution des ligues factieuses. Une fois la victoire politique acquise, les ouvriers et une partie des employés ont fait savoir que, pour eux, le compte n’y était pas.
Ils ont multiplié les mouvements pour demander aux directions syndicales existantes (en qui ils avaient confiance) de porter de nouvelles revendications. C’est ainsi que le peuple a arraché les 15 jours de congés payés pour tous et les 40 heures de travail hebdomadaire. Ces conquêtes ont été la conséquence de la mobilisation sociale et non l’application d’un programme politique.
Ce détour par l’histoire montre à quel point le débat qui divise aujourd’hui ceux qui sont pour le retrait de la réforme des retraites et ceux qui appellent à la mobilisation la plus large possible est hors de propos. Appeler au retrait pur et simple d’un projet de réforme relève du voeu pieux quand on n’a pas la confiance d’une partie significative du peuple. Le débat n’est pas non plus entre les directions syndicales et leurs tendances gauchistes internes qui ont comme adversaire principal la direction de leur syndicat. Aujourd’hui, tous doivent faire en sorte que le mouvement de grève et de rassemblement soit maximal. Ceux qui auront réussi ici et là à mobiliser dans une « stratégie à front large » contre le projet gouvernemental auront de plus en plus la confiance du peuple. Et la suite en découlera.
La stratégie à front large et la globalisation des combats
Les organisations républicaines doivent donc s’atteler à une double tâche : utiliser toutes leurs forces pour la mobilisation de résistance et, dans le même temps, mettre l’accent sur l’éducation populaire pour faire comprendre aux citoyens que tous les combats sont liés de sorte qu’on ne peut plus régler un dossier sans toucher aux autres.
Face à la très grande cohérence du modèle néolibéral, l’heure n’est plus en effet à la segmentation des combats. Il n’y plus lieu de considérer que telle ou telle question -celle des biens publics mondiaux, de la finance internationale, de l’écologie ou des retraites- surplombe les autres. La république, la laïcité, le féminisme, la santé, la dépendance, la petite enfance, les personnes âgées, etc. toutes ces questions doivent être traitées conjointement, dans le cadre d’un modèle politique cohérent.Le mois de septembre permettra de mesurer le rapport de force. Contre le césarisme de Nicolas Sarkozy et la défense des libertés démocratiques, mobilisons-nous le 4 septembre prochain. Contre les politiques néolibérales du gouvernement, mobilisons-nous le 7 septembre.
Notes de bas de page
↑1 | C’est-à-dire une Europe anti-démocratique et anti-républicaine (voir l’intervention de Mendès-France en janvier 1957 à la Chambre des députés), depuis le traité de 1957 jusqu’à la stratégie de Lisbonne signée en mars 2000 par Jacques Chirac et Lionel Jospin |
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↑2 | c’est-à-dire les ouvriers et employés qui représentent 52% des ménages |