Même si elle est tombée en désuétude, cette expression populaire du siècle dernier décrit parfaitement la situation actuelle : casser la baraque veut dire « faire l’effort décisif ».
La grève vit, la grève tient, la grève s’étend, mais elle ne fait pas encore la décision. Comme nous l’avons répété dans nos colonnes, le point nodal du mouvement est le blocage routier et celui des raffineries provoquant une pénurie de carburant. Or il semble bien, malgré le manque d’informations sur ce sujet dans les médias… – et l’on comprend bien pourquoi – , que la grève est une réalité dans certaines raffineries en particulier dans celle de Grandpuits en Seine-et-Marne qui entraîne une pénurie d’essence dans la région. Aujourd’hui, 17 décembre, la CGT vient d’annoncer que 7 raffineries sur 8 sont en grève totale. Là est le point central pour soulager les salariés du rail qui se trouvent en première ligne depuis 12 longs jours et relâcher un peu la pression qui pèsent sur leurs épaules. Notons aussi la grève des routiers de lundi 16 pour la hausse des salaires et la retraite qui contribue au blocage des flux.
Alors quel est l’état du rapport de force en cette soirée du 17 décembre ?
Il faut dire que cette journée de mobilisation unitaire s’est placée sous de bons auspices puisque la démission de Delevoye, charnière ouvrière du projet de retraite à points, a été annoncée la veille. Ce départ en dit long sur les pratiques de la caste qui nous dirige, au mieux ignorante des lois et règlements, au pire totalement corrompue. Cette péripétie laisse Macron et Philippe en première ligne, sans plus de fusible disponible.
Des cortèges gigantesques ont sillonné aujourd’hui les villes de France. Notons par exemple celui de Marseille où ATTAC parle de 200 000 manifestants ! Difficile à estimer mais la démonstration fut colossale ! Dans les villes moyennes, les cortèges étaient à l’avenant. Un seul exemple : à Boulogne-sur-Mer, près de 4 000 personnes ont manifesté et la grande halle aux poissons bloquée. Paris a vu défiler un fleuve humain ! Tous les corps de métier étaient là en nombre, des égoutiers au chœur de l’Opéra. Bien sûr, les enseignants sont descendus dans la rue par milliers avec les jeunes, comme les cheminots… Visiblement, le mouvement est à la hausse, l’unité syndicale a joué à plein, mais c’est l’auto-organisation des salariés qui fait le nombre. Elle représente d’ailleurs la seule garantie, car si la CFDT a rejoint le mouvement, et c’est évidemment une bonne chose, cette organisation et ses petites sœurs (CFTC…) sont possiblement « le meilleur ami qui peut vous trahir à tout moment ! ». Espérons bien sûr que ce propos soit un vil procès d’intention. Nous serons fixés sur la stabilité de l’unité syndicale dans les jours qui viennent. Car le mouvement doit se poursuivre pendant les fêtes, sans trêve ni compromis. Par sûr que Berger soit sur cette ligne… Ce dernier point est finalement secondaire : nous avons vu trop souvent des syndicats unis conduisant les mouvements de grève à des défaites en rase campagne, comme celui des cheminots de 2018, et des mouvements sans unité gagnant comme en 1995.
Seule l’appropriation de la grève par la base, son organisation et sa généralisation interprofessionnelle avec occupations et piquets de grève apporteront la victoire.
Avec un an de retard pour le cinquantenaire de mai 68, scandons donc : « cinquante ans déjà… coucou nous, revoilà ! »