Les politiques d’austérité se concrétisent dans les lois de financement et les lois relatives aux grands secteurs d’activité. Il est donc de la plus haute importance d’en décliner chaque année la réalité. Il est d’ailleurs étonnant de voir que les partis de l’Autre gauche n’en font même pas une campagne centrale. Sans rentrer dans un détail qui demanderait des séminaires de formation et de réflexion, nous allons en tirer ci-après quelques éléments importants.
Projet de loi des finances (PLF)
Après le cadeau sur trois ans de 41 milliards d’euros aux patrons sans contrepartie (même pas d’augmentation des investissements des entreprises, tout pour les dividendes des actionnaires et pour les financements parallèles ) et un plan d’austérité de 50 milliards d’euros, voilà les coupes pour 16 milliards d’euros du projet de loi des finances (PLF) contre les politiques sociales, contre l’école, contre les services publics, contre les salaires (impactant la consommation des ménages).
Les collectivités territoriales, qui jusqu’ici étaient un amortisseur des politiques d’austérité, viennent d’être largement cisaillées par un effondrement des dotations de l’État avec des conséquences y compris sur le mouvement associatif. Les exportations sont en berne. La dette publique augmente. Très bien, cela avantage la bourgeoisie oligarchique qui « tient l’État par la dette » (Karl Marx).
Mais est-ce pour autant une mauvaise politique. Que nenni ! C’est une excellente politique pour les gérants du capital. Donc, comme on ne change pas une équipe qui gagne, cela continuera de plus belle sans une riposte populaire à la hauteur des enjeux.
Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS)
Quant au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, c’est du même tonneau. Alors que le rapport de septembre 2015 sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) montre qu’il n’y a aucun lien direct entre le tonneau des Danaïdes qu’est le CICE et la création d’emploi, de formation et d’investissements productifs, le PLFSS persiste et signe. Et pendant ce temps-là, la fraude des patrons quant au paiement des cotisations sociales est, d’après la Cour des comptes, deux fois plus importante que le déficit prévu de la Sécurité sociale, les exonérations de cotisations sociales sans aucune contre-partie sont toujours là, le travail rémunéré sans cotisations sociales progresse.
C’est donc bien pour une autre raison que ces cadeaux aux patrons sont effectués. C’est pour satisfaire l’oligarchie capitaliste que le gouvernement mène cette politique excellente pour elle.
Les exonérations de cotisations de Sécurité Sociale (qui progressent en 2014 pour s’établir à 26,2 Mds, soit 17,6 % des cotisations dites « patronales ») ne servent pas
pas à l’emploi mais bien aux dividendes pour les actionnaires. De plus, les exonérations non compensées ne cessent de croître pour atteindre 3,3 Mds € (+ 0,4 point en un an). Cette non-compensation est responsable d’un manque à gagner de plus de 48 Mds € sur les 20 dernières années.
Branche Assurance-maladie
Quant à l’Objectif national des dépenses de l’Assurance-maladie (ONDAM), c’est le plus faible jamais présenté (1,75 % contre 2,05 l’année précédente), cette compression correspond donc à une attaque directe contre les hôpitaux publics, les remboursements de soins, l’accès à la prévention et aux soins de qualité partout et pour tous.
Toujours plus fort avec l’article 19 du PLFSS où le gouvernement envisage la suppression des cotisations minimales applicables dans les régimes des non-salariés agricoles et non agricoles au titre des risques maladie et maternité. Il s’agit donc bien d’universalité mais sans solidarité ! Les non-salariés pourront-ils alors bénéficier d’une couverture maladie financée par le régime général sans participer au financement de ladite couverture ?
Retraites Sécu
Quant aux retraites, le PLFSS souligne la nécessité de sortir de l’indexation des retraites Sécu sur les prix comme le font les régimes complémentaires Arrco et Agirc grâce à une alliance entre le patronat et certains syndicats (voir plus loin dans ce texte). Le mouvement réformateur néolibéral continue donc sur sa lancée en abaissant le taux de remplacement des retraites pour diminuer le salaire socialisé.
Branche Famille
Poursuivre la baisse des cotisations sociales Famille en dessous de 3,5 SMIC, c’est aussi diminuer le salaire socialisé pour augmenter les profits.
Branche Accidents du travail et maladies professionnelles
Les salariés seront heureux d’apprendre l’engagement de l’État de diminuer d’autant les cotisations de cette branche pour compenser la légère augmentation des cotisations des retraites complémentaires Arrco-Agirc. Comme quoi, l’oligarchie capitaliste globalise bien l’ensemble de sa politique. C’est bien la continuation du projet de décroissance des politiques de santé au travail qui est à l’œuvre
Loi Santé
Quant à la loi Santé Hollande-Valls-Touraine, ce n’est que la continuation fidèle de la loi Sarkozy-Fillon-Bachelot (loi HPST de 2009). Conformément au principe du fonctionnement du mouvement réformateur néolibéral qui veut que chaque gouvernement fasse pire que le précédent contre les travailleurs.
Eh bien cette fois-ci, la notion de service public de santé disparaît au profit du « service territorial de santé au public », dans lequel le privé lucratif pour les actionnaires pourra participer grâce à la privatisation des profits et à la socialisation des pertes. Dans la même lignée, des regroupements hospitaliers obligatoires seront généralisés et viseront à accélérer les recompositions sanitaires notamment pour la même raison. Nous reviendrons ultérieurement sur le scandale de la politique gouvernementale concernant le secteur des Soins de suite et de rééducation (SSR). Mais disons déjà que la tarification à l’activité va entrer dans le financement de cette activité notamment pour aller vers la convergence des financements entre le public et le privé lucratif pour les actionnaires qui, lui, pourra toujours choisir les clients rentables. Tout est fait pour transférer, petit à petit, les SSR rentables dans le privé lucratif pour les actionnaires.
Retraites complémentaires Arrco-Agirc du secteur privé
(Lire aussi dans ce numéro l’article de Christiane Marty.)
Pour les régimes Arrco et Agirc, le déficit est de 3,1 milliards d’euros pour 2014. Mais ces caisses ont des réserves, respectivement 14,1 et 61,8 milliards d’euros (résultats 2014) dont la fonction est précisément de faire face à une conjoncture défavorable. La dramatisation totalement excessive est faite pour pousser ensuite la retraite Sécu à suivre le démantèlement débuté dans le régime Arrco et Agirc. Comme quoi, les structures paritaires sont des structures où le patronat a le pouvoir direct en s’associant avec des syndicats complaisants.
En 19 ans, de 1990 à 2009, le taux de remplacement des pensions complémentaires a baissé de plus de 30 % dans chacun des régimes, ce qui est une baisse encore plus sévère que dans le régime de base ! La constante de la part du Medef est son refus de voir la cotisation augmenter et sa volonté de faire reculer l’âge de départ à la retraite dans le seul but de diminuer le salaire socialisé, et de contrer la loi de baisse tendancielle du taux de profit. Comme le dit la CGT, l’objectif sous-jacent vise à favoriser le déplacement des cotisations vers l’épargne et les assurances privées.
Tout sera supporté par les salariés et les retraités. La légère augmentation des cotisations sera contrebalancée par la garantie de l’État de diminuer d’autant la cotisation « accidents du travail et maladies professionnelles » (voir plus haut) ! Incroyable !
Pire, les syndicats complaisants (CFDT, CGC, CFTC) (1)Voir un précédent article : http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/retraites-complementaires-2-comment-la-cfdt-veut-les-sauver/7396852. Nous réservons aux stages de formation réalisés par nos intervenants l’explication sur le calcul erroné de la CFDT pour justifier le fait de sa signature de l’accord. Le format limité des articles de ReSPUBLICA ne permettant pas ce développement. ont accepté la sous-indexation, c’est-à-dire la baisse programmée des retraites complémentaires en euros constant ainsi que le report de la date de revalorisation des pensions qui sera décalée d’avril à novembre ou encore que la caisse Arrco financera la caisse des cadres (Agirc) : on ne peut pas faire plus anti-distributif !
Cerise sur le gâteau : le recul d’un an pour le départ à la retraite ! Alors que le manque des recettes est dû au transfert du salaire socialisé vers les dividendes !
Il faut comprendre ici que les modalités décidées par le régime Arrco-Agirc du secteur privé annonce leur future extension aux autres régimes spéciaux et de fonctionnaires. Le fait que ce régime soit paritaire (c’est-à-dire sous le pouvoir du patronat car des syndicats complaisants lui apportent un soutien indéfectible) a incité l’oligarchie capitaliste à en faire le laboratoire du futur des politiques d’austérité.
Les 70 ans de la Sécu : c’est le moment d’en faire le bilan pour la refonder !
Rappelons que nous sommes dans la période de commémoration des 70 ans de la Sécurité sociale (ordonnances des 4 et 19 octobre 1945, lois d’Ambroise Croizat des 22 mai 1946, 22 août 1946 et 30 octobre 1946). Il est donc indispensable, au-delà de la nécessaire résistance du mouvement syndical revendicatif allié aux associations d’éducation populaire refondée, de multiplier les initiatives et d’utiliser cette commémoration dans le but d’armer les militants et les citoyens éclairés dans la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle liée à un nouveau modèle culturel, social et politique. A noter aussi que le film « La sociale » de Gilles Perret qui traitera de ce sujet sera dans les salles à partir d’octobre 2016, il pourra servir de point d’appui pour notre bataille vers une nouvelle hégémonie si nous nous préparons à organiser les ciné-débats nécessaires !
Notes de bas de page
↑1 | Voir un précédent article : http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/retraites-complementaires-2-comment-la-cfdt-veut-les-sauver/7396852. Nous réservons aux stages de formation réalisés par nos intervenants l’explication sur le calcul erroné de la CFDT pour justifier le fait de sa signature de l’accord. Le format limité des articles de ReSPUBLICA ne permettant pas ce développement. |
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