Une prochaine crise sociale est prévisible en France. Tout simplement parce que le logiciel du capitalisme néolibéral ne permettra pas aux dirigeants du système de l’éviter. Le redémarrage de la croissance ne correspond qu’à un effet de rattrapage de la dépression due à la crise du coronavirus, crise qui n’est de plus pas terminée. Répondre positivement à cette crise sociale demanderait une bifurcation économique, politique, idéologique et sociale. Est-ce que la gauche est en mesure de l’assumer ?
Les causes de la prochaine crise sociale
L’augmentation du coût de l’énergie, déjà importante, va s’amplifier pour plusieurs raisons :
- D’abord, parce que la diminution des réserves de pétrole dans les gisements à extraction peu coûteuse entraîne la recherche de nouveaux gisements dans des lieux à extraction plus onéreuse.
- Ensuite la montée très forte du prix de la tonne de CO2 sur le marché des droits à polluer pousse à l‘activation d’autres formes énergétiques qui ont besoin d’un processus long (électricité, hydrogène, énergies renouvelables, etc.) mais va impacter les industries, le transport, la construction, etc. d’autant que l’intermittence du solaire et des éoliennes demande le soutien d’autres formes d’énergies ou une augmentation exponentielle du stockage de l’énergie. Même le maintien d’une importante capacité de production de l’énergie nucléaire dans un premier temps va augmenter le prix de l’électricité car les centrales de troisième génération (les EPR) sont beaucoup plus chères et ne règlent en rien le problème des déchets nucléaires. Comme le montre l’article sur la voiture électrique, le passage à la voiture électrique ne pourra s’effectuer qu’avec une aide massive de l’État aux usagers qui paieront alors deux fois : une fois pour la voiture et une fois par les impôts pour aider ceux qui vont acheter une voiture électrique.
La transition énergétique va entraîner la nécessité de nouveaux emplois et la perte massive d’anciens emplois. Il faudrait alors une révolution dans la formation primaire dispensée par l’éducation nationale et dans la formation professionnelle, révolution qui ne peut être réalisée, de par son importance, que par l’État dans notre pays. Car les compétences techniques des nouveaux emplois n’ont rien à voir avec les anciens emplois qui vont disparaître. Et ce n’est pas l’actuelle Pôle emploi et les microsociétés privées de formation qui pourront être à la hauteur des enjeux
La France est devenue une société de services vu que la bourgeoisie française a engagé un processus pour, soutenue par les électeurs qui ont voté pour les néolibéraux de gauche et de droite depuis près de 50 ans. Résultat : les créations d’emploi dont se gargarise l’oligarchie capitaliste sont des emplois à bas salaire, voire des emplois précaires déshumanisants. Sans réindustrialisation massive, la crise sociale sera créée soit par un chômage massif, soit par une précarité accrue et toujours plus grande du plus grand nombre, soit par les deux. L’actuelle diminution du nombre de chômeurs de catégorie A claironnée par les médias aux ordres ne réussira pas longtemps à masquer les catégories B, C, D et E.
La crise bancaire et financière est toujours là. Pour retarder l’éclatement des bulles financières créées, les banques centrales maintiennent une création monétaire inouïe et « gratuite » pour les banques et en second rideau pour les grandes entreprises et les couches moyennes supérieures. Résultat, les prix de l’immobilier vont flamber d’autant que l’épargne des catégories favorisées n’a jamais été aussi importante. Et comme le volume de la construction de logements neufs est faible et encore plus faible pour les logements sociaux, la classe populaire ouvrière et employée, les couches moyennes intermédiaires et la grande majorité de la jeunesse seront fortement impactées.
En conclusion de ce paragraphe, la colère sociale est pour bientôt.
Que faire ?
D’abord, disons-le tout à trac, vouloir agir pour répondre aux besoins de la classe populaire ouvrière et employée, des couches moyennes intermédiaires et de la grande majorité de la jeunesse est interdit par les traités de l’Union européenne. L’affrontement avec l’Union européenne est consubstantiel à toute politique humaniste répondant à cette prochaine crise. Et comme le slogan « l’UE, on la change ou on la quitte » n’existe plus à gauche…
Car les solutions à cette prochaine crise sociale sont connues :
- Rupture avec le capitalisme néolibéral par la reprise du modèle politique de la République sociale ;
- Arrêt du processus de destruction de la Sécurité sociale, bifurcation de la Sécu à partir des quatre principes révolutionnaires de la Sécu de 1945-46 avec élargissement selon les idées d’Ambroise Croizat, selon ces mêmes conditions avec un accroissement de sa fonction redistributive ;
- Création immédiate d’un service public de l’énergie sur des bases nouvelles du 21ème siècle selon le développement d’un mix énergétique avec un processus d’augmentation des énergies renouvelables, avec des structures démocratiques de type Sécurité sociale de 1945-46, réindustrialisation massive du tissu industriel français. Création de quatre ministères d’État en tête de la « hiérarchie » des ministères pour un plan de développement de la recherche visant à inciter les chercheurs français à rester en France et à inciter un plan de développement massif de la recherche scientifique et technique, puis d’un ministère pour un plan massif, public et révolutionnaire de la formation professionnelle, un troisième ministère d’État pour la réindustrailisation massive de la France et enfin un quatrième ministère d’État, sur le logement avec un accroissement net de la construction de logements sociaux.
Comme nous sommes partisans d’une vision holistique des politiques publiques, tout cela doit rentrer dans une politique d’ensemble avec tous les autres secteurs dont nous avons largement parlé dans des articles précédents (développement de la sphère de constitution des libertés (école, services publics, sécurité sociale, pierre angulaire de la République sociale, etc.). Mais nous avons noté dans cette chronique, les éléments prioritaires pour résoudre la crise sociale qui vient et qui semblent largement négligés dans ce qu’on entend dans cette campagne présidentielle.
C’est sur cette base que nous souhaitons participer au débat public avec nos concitoyens.