Dans un canton où la gauche faisait 50 % en 2011 (élection gagnée d’un cheveu par le FN, mais invalidée) et en 2012 (élection gagnée d’un cheveu par le PC, mais invalidée), voici le réel qui fait irruption lors du premier tour de la cantonale partielle de Brignoles, ce dimanche 6 octobre 2013 : aucun candidat de gauche au deuxième tour et l’extrême droite recueille plus de 49 % sur deux candidats (40,40 % pour le premier et 9,1 pour le second, dissident). La gauche passe de 50 % des suffrages exprimés à moins de 24 % en un an.
Déjà la machine médiatique néolibérale bien rodée crache sa propagande honteuse :
1) surtout il ne faut rien changer quant aux politiques nationales néolibérales de l’UMP et du PS, qui sont les seules possibles ;
2) si la gauche était unie, elle aurait été présente au deuxième tour (le candidat PC soutenu par le PS fait 14,58 % et le candidat Vert 8,9 %, face à une candidate de l’UMP qui dépasse difficilement 20 %) ;
3) il faut faire battre le candidat du Front national et promouvoir la candidate néolibérale de l’UMP pour que rien ne change.
Disons-le tout net ! Si nous étions électeur de Brignoles, nous voterions au deuxième tour contre le candidat FN. Mais nous aurions conscience que ce n’est qu’un vote désespéré qui ne résout rien. Car les causes de ce désastre, ce sont les politiques néolibérales suivies par l’UMP, le pseudo centre, le PS et EELV. Donc faire élire un candidat du parti qui est la cause du désastre ne résout rien. Au mieux, ce serait « moins pire ». Mais comme dans les années 30, le cancer continuerait à progresser jusqu’à l’ultime scène. Car si l’histoire ne se répète pas à l’identique, les mêmes causes produisent les mêmes effets, certes sous des formes différentes.
Déroulons notre analyse. Si les électeurs de gauche ont voté avec les pieds (35 % de participation), ce n’est pas parce qu’ils préfèrent le pastis à la votation. C’est la troisième fois qu’il votent en trois ans sur ce canton, ils connaissent l’implantation et la nocivité de l’extrême droite. C’est parce qu’ils sont des déçus de la politique de François Hollande pour lequel ils ont largement voté au deuxième tour de la présidentielle. Le slogan « le poing et la rose » devient un emblème peu sympathique pour les couches populaires.
Si la gauche avait été unie dès le premier tour, le FN n’en aurait fait qu’une bouchée au deuxième tour. Reprenons l’analyse d’Antonio Gramsci, car la nouvelle droite est en marche comme dans les années 30. Les manifestations contre le mariage pour tous ont montré son nouveau resourcement. C’est la droite qui est en avance dans la bataille pour l’hégémonie culturelle. Une large majorité des électeurs de l’UMP sont pour une alliance UMP-FN. Le cache-sexe du « Front républicain » ne fonctionne plus. Il n’est plus là que pour justifier le maintien de la politique d’austérité anti-sociale du gouvernement solférinien.
Si les électeurs comprennent bien que dans une élection à deux tours, on puisse voter au deuxième tour pour le meilleur candidat ou le moins pire, ils ne peuvent comprendre toute alliance au premier tour entre des candidats néo-libéraux solfériniens et des candidats qui par ailleurs sont au Front de gauche. L’élection du 6 octobre à Brignoles préfigure donc le désastre qui pourrait avoir lieu dans les couches populaires ouvriers et employés (53 % des électeurs) en cas d’alliance au premier tour entre des candidats du Front de gauche et des candidats solfériniens aux municipales.
Mais de plus en plus d’électeurs se rendent aussi compte que le « mal » ne provient pas seulement des néolibéraux de droite et de gauche. Il provient aussi de « manques » dans le développement du Front de gauche. ReSpublica a plusieurs fois mis en avant ses idées quant à ces « manques » :
- Réticence à mettre au poste de commande de l’action politique locale ce qui touche prioritairement les couches populaires ouvriers et employés (53 % des électeurs) mais aussi les couches moyennes intermédiaires (24 %) : l’emploi, la précarité, la santé, les retraites, la perte d’autonomie, la politique familiale, le logement, les services publics, la laïcité, la construction européenne, le débat sur la crise économique, la démocratie dans la conduite des luttes, etc.
- Incapacité du Front de gauche à tirer les conséquences du phénomène de gentrification (baisse rapide des couches populaires dans les villes centres, baisse lente mais significative des couches populaires des banlieues populaires, accroissement fort des couches populaires en zone périurbaine et rurale) et donc de produire la stratégie adéquate. Rappelons la campagne du FN dans les « villages » depuis la campagne présidentielle !
- Réticence à lier les actions de résistance où le Front de gauche est présent à de grandes campagnes massives d’éducation populaire de rupture, au plus près des couches populaires et des couches moyennes intermédiaires. Les meetings et les réunions « entre nous » ne remplaceront jamais l’éducation populaire. La bataille pour l’hégémonie culturelle autour de la globalisation des combats et d’un nouveau modèle politique alternatif (la République sociale) est nécessaire. La présentation concomitante des politiques de temps court et de temps long est aussi indispensable.
- Incapacité du Front de gauche de se présenter partout uni au premier tour des élections sans les solfériniens.
- Incapacité, la plus dommageable sans doute, car à la racine des toutes les autres, à mettre radicalement en cause la construction européenne. Prétendre pouvoir construire une autre Europe, sociale, une Europe des peuples souverains, par la renégociation du Pacte budgétaire, le changement de statut de la BCE, la réorientation de l’euro, etc., est une illusion totale. Craindre les coûts sociaux d’une implosion de l’euro pour justifier cette attitude, c’est croire qu’il suffit de changer les hommes politiques aux manettes pour sortir de la grande crise du capitalisme que nous vivons.
Nous appelons donc à refuser la politique de l’autruche et à promouvoir l’intensification des débats politiques ouverts. N’acceptez plus les débats aseptisés que certains vous proposent. Pour ce débat ouvert, nous sommes à votre disposition.