Refusons le débat interne au Medef sur le « choc de compétitivité »

Tout se passe comme si le débat interne du Medef devenait par excellence le débat de toute la France. La mise en scène est caricaturale : à Gallois la défense de la position dure du Medef , à Moscovici le porte-parolat de la fraction molle du Medef. Où est la souveraineté populaire là-dedans ? Une fois de plus, nous avons devant nous la « société du spectacle » (Guy Debord) qui montre bien que nous sommes en pleine bataille culturelle. Gallois, l’ancien responsable de la commission économique du Céres, bras droit de Jean-Pierre Chevènement, aujourd’hui bras armé du Medef… Moscovici, ancien vice-président du Cercle de l’industrie (le principal lobby des patrons du CAC 40 ) avec Alain Lamassoure (UMP)…

Rappelons tout d’abord l’outrecuidance, largement accepté par l’ordolibéralisme, d’utiliser un terme de la microéconomie directement dans la macroéconomie sans réflexion théorique préalable. Cela paraît à peu près aussi scientifique que d’estimer que la circulation sanguine permet d’expliquer les flux de biens et de services.
Puis disons tout net que la France a déjà connu une politique d’austérité déflationniste en 1935 avec Pierre Laval qui avait diminué toutes les dépenses de l’Etat, y compris les salaires des fonctionnaires, avec comme but la relance de l’économie par l’exportation. Le taux de change du franc était surévalué par rapport aux autres monnaies, comme l’est actuellement l’euro. Cette politique a eu pour effet que la France a été le seul pays dont le revenu par habitant à la fin de la décennie ne dépassât pas celui du début de la décennie.
Comme toujours dans ce cas-là la baisse des « coûts salariaux » accroît les marges des entreprises, donc le profit sans accroître l’investissement productif. Tout simplement parce que les entreprises capitalistes n’investissent que si il y a augmentation de la demande. Sans augmentation de la demande, les entreprises capitalistes ont tendance à engranger le profit pour les actionnaires.
Par ailleurs, aujourd’hui, comme tous les pays européens font la même politique austéritaire ordolibérale, les « gains éventuels » à l’exportation ne joueraient donc que pour l’exportation hors Europe et là, même madame Michu sait très bien que cette exportation est minoritaire.
En dernier lieu, sachons que les entreprises exportatrices françaises n’emploient que du personnel qualifié et qu’elles ont déjà et depuis longtemps délocalisé la main d’œuvre peu qualifié à l’extérieur et qu’une baisse des cotisations sociales n’avantagera que les patrons des entreprises de main d’œuvre qui ne sont pas exportatrices.
Cassons aussi l’idée du miracle allemand avec des inégalités sociales et une pauvreté bien supérieures à la France. Cette situation doublée du fait que l’indice conjoncturel de fécondité de l’Allemagne est de 1,4 (au lieu de 2,1 pour la France) ne peut entraîner que de la crise sociale en Allemagne.
Cassons aussi l’idée que la baisse des cotisations sociales (ce nesont pas des charges mais un bienfait pour l’humanité avec le financement de la protection sociale !) rendra la France plus compétitive. Errare humanum est, perseverare diabolicum ! Il y a longtemps que le patronat de l’industrie française a abandonné le haut de gamme à forte valeur ajoutée. Donc, la France n’est pas principalement en concurrence avec les pays développés, notamment pour ses importations. Le patronat français a spécialisé ce qui reste de l’industrie française dans la moyenne gamme et de ce fait, ses principaux concurrents sont les pays émergents des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Là, même madame Michu sait très bien que le rapport salarial est alors de 1 à 10 environ et qu’une baisse des charges est insuffisante pour rattraper le rapport salarial. Donc une fois de plus, la baisse des cotisations sociales aura comme conséquence d’augmenter le profit des actionnaires.
Une autre idée simple à défendre est que le pourcentage de la recherche développement (R&D) par rapport au PIB en France est inférieur à la moyenne de l’OCDE ce qui montre que la France, deuxième pays de la zone euro, fait un effort de recherche industrielle inférieur à la majorité des pays européens!
Alors me direz-vous « que faire »?
Arrêtons de sur-réagir au débat interne du Medef même si ce dernier utilise comme porte-parole d’une part un ancien chevènementiste pour son aile prétendument la plus excessive et le gouvernement socialiste pour son aile prétendument modérée. Il faut changer de paradigme. Il faut penser un monde nouveau.
Un monde nouveau avec des changements institutionnels y compris dans l’Union européenne où il faut rompre avec la dérive des traités, une relance de la demande et donc du salaire global (salaire direct et cotisations sociales), un accroissement important de la recherche développement industrielle (multiplier par trois au moins son pourcentage par rapport au PIB) pour développer le haut de gamme industriel à forte valeur ajoutée dans une transition énergétique et écologique, un libre-échange uniquement avec des pays en convergence économique, un néo-protectionnisme écologique et social pour les autres lié à un développement des protections sociales et écologiques des travailleurs des BRICS et des pays de délocalisation.
Tout cela ne sera possible que si nous donnons la priorité au débat, à la formation, à l’armement intellectuel du peuple, à l’éducation populaire sur les 4 ruptures nécessaires pour changer de paradigme, sur les 4 exigences fondamentales pour penser le monde nouveau, sur les 10 principes constitutifs du nouveau monde et enfin reprendre une stratégie conforme aux politiques de temps long et de temps court garantes du changement possible et nécessaire. Nous reviendrons sur ce point si vous organisez des débats locaux en faisant appel à Respublica et au Réseau Education Populaire. Nous faisons déjà 200 initiatives et conférences par an. Il ne tient qu’à vous d’augmenter ce chiffre si vous rentrez dans la danse et nous invitez lors des réunions que vous organisez !