Les élections municipales de mars 2014 choisiront 520.000 élus municipaux et 40.000 élus communautaires. Par la proximité de ces élus avec les citoyens, ces élections sont très importantes pour chaque territoire et pour la démocratie.
Elles vont se dérouler dans un contexte de grave crise économique, politique, sociale, culturelle, environnementale : les politiques néolibérales menées par l’UMP et le PS amènent la désespérance sociale et la peur de l’avenir ; l’abstention populaire grandissante redonne un avenir au Front national, formation d’extrême droite.
Premier regret : il y aura de nombreuses communes où il n’y aura pas d’autre choix au premier tour qu’entre des listes dirigées par des candidats proches de l’UMP, du PS ou du FN. Comme quoi, le Front de gauche, tiraillé par des contradictions fortes, n’est pas malheureusement, dans de nombreuses communes, à la hauteur des enjeux.
Et la démocratie dans les territoires ?
Ces élections vont se dérouler alors qu’est lancé le premier volet (les métropoles) de l’acte III de la décentralisation néolibérale, acte III qui vise à renforcer la mise en concurrence « libre et non faussée » des territoires, c’est-à-dire la guerre des territoires. Il s’agit d’éloigner le citoyen des décisions politiques, ce qui va encore amoindrir la démocratie déjà insuffisante de nos institutions. Un comble, quand le leitmotiv de la décentralisation était de rapprocher le citoyen des décisions politiques.
De plus, comme nous l’avons souvent noté, la nouvelle géographie sociale des territoires qui déporte dans la grande périphérie des villes et les zones rurales des catégories sociales en difficulté ne favorise pas la participation aux formes traditionnelles de la démocratie locale dans la mesure où il y a beaucoup moins de militants dans les zones périphériques et rurales.
Ajoutons que le projet, actuellement débattu à l’Assemblée nationale, de « loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine » porte en réalité une atteinte grave à la cohésion territoriale. Sous couvert de rationalisation (« redéfinir sur une base claire et lisible les territoires sur lesquels la politique de la ville doit être menée, d’instaurer un cadre local d’action plus efficace et de créer de nouveaux outils pour favoriser la participation des habitants »), encore une réforme qui vise à réduire le coût de l’action publique.
En effet, selon les informations que nous a transmises une lectrice impliquée et « malmenée » dans l’affaire, la fusion de divers organismes (ACSé, DATAR, SGCIV) au sein d’un Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) devrait réduire le nombre de quartiers en zone prioritaire de 2 500 à 1 300 et précariser encore plus des personnels contractuels, fragiliser encore plus des associations déjà en difficulté ou quasi moribondes, etc. Ainsi, derrière une façade vide, la casse sociale laisserait les maires sans moyens, alors que l’action contre tout type de discrimination, notamment pour l’accès des jeunes à la culture, est absolument nécessaire pour contrer la montée en puissance de l’extrême droite.
Deuxième regret : Il y a peu de communes où le débat sur l’avenir des communes aura lieu alors que le premier volet de l’acte III de la décentralisation est lancé.
Et le débat sur l’Europe ?
Ces élections vont se dérouler juste avant les élections européennes. Ce pourrait être l’occasion d’ouvrir un débat sur l’influence de la construction européenne sur les politiques locales. Débat nécessaire, car le carcan de l’UE et de l’euro contraint fortement les États à abandonner l’aménagement du territoire national, laissant notamment les collectivités locales rurales sans les moyens nécessaires pour faire face à la fragilisation de leur population.
Troisième regret : le débat sur le lien entre la construction européenne, relais de la mondialisation et non le bouclier annoncé, et les politiques municipales sera rarement mené.
Et la « vraie vie » ?
Néanmoins, il y aura le plus souvent débat sur l’aide sociale, la santé, la politique familiale (crèches, PMI, contraintes nouvelles liées à la réforme des rythmes scolaires, etc.), les transports, l’eau, etc., c’est-à-dire sur la partie municipale de la sphère de constitution des libertés (école, protection sociale et services publics).
Les droits formels de la République bourgeoise (liberté, égalité en droits, etc.) ne sont pas des droits réels tant que la sphère de constitution des libertés (école, services publics, protection sociale) n’est pas suffisamment développé. Est-on libres et égaux en droits si on ne peut pas se soigner (entre autres 19 % des assurés sociaux font de la renonciation de soins pour causes financières malgré les aides), si les couches populaires et les couches moyennes intermédiaires n’ont pas d’accueil de haut niveau pour les jeunes enfants, si la retraite est insuffisante, si les maisons de retraite publiques, les unités de soins de longue durée, les services de soins de suite et de rééducation ne sont pas présents à proximité, si une partie de la population ne peut pas se déplacer facilement en transports en commun, s’il n’y a pas d’accès à la culture, s’il n’y a pas d’activités périscolaires, d’éducation populaire, etc. ?
Voilà pourquoi la campagne des municipales revêt une grande importance pour ceux qui veulent travailler à la transformation sociale et politique. Bien évidemment, cela ne se conçoit pour nous que dans la lutte. Car les néolibéraux de droite et de gauche et leurs alliés (que l’on retrouve aussi malheureusement dans certaines parties de « la gauche de la gauche », par exemple quand ils s’allient dès le premier tour des municipales avec les néolibéraux de gauche !) ont un argument massue : « Ce que vous dites est très bien, mais il n’y a plus d’argent dans les caisses ! ». Donc, circulez, il n’y a rien à voir. C’est bien contre cette formule défaitiste et pseudo réaliste qu’il faut agir. Voilà à quoi sert l’éducation populaire ! Comprendre pourquoi et développer l’émancipation, la conscientisation et la puissance d’agir ! Distribuer un tract sur les marchés (quel qu’en soit le contenu !) est donc loin d’être suffisant pour exister réellement dans la lutte des classes. Militer sans pratiquer l’éducation populaire, c’est comme « vouloir gagner une course sur une seule jambe » quand les adversaires marchent sur leurs deux jambes ! Combien de campagnes municipales oublient que sans centre de santé (à ne pas confondre avec une maison de santé !), il n’y a pas d’accès de qualité partout et pour tous à la prévention et aux soins. Combien de campagnes municipales oublient que sans crèches collectives ou familiales partout et pour tous, l’accueil des jeunes enfants n’est pas satisfaisant. Et on pourrait continuer avec les autres secteurs de la « vraie » vie de proximité énumérés plus haut. Ne pas mener une campagne municipale de cette façon, c’est abandonner à leur sort les couches populaires.
Notre partenaire centre de ressources, le Réseau Education Populaire (plus de 300 conférences et animations par an, visibles sur l’agenda du site), est disponible pour aider les équipes militantes à mener ces débats et combler les lacunes que nous avons pointées. La campagne des municipales est un très bon temps pour l’éducation populaire. Nous invitons donc les organisateurs d’éducation populaire et nos lecteurs à y participer. N’hésitez pas à nous écrire, à nous contacter, nous sommes à votre disposition pour en discuter.