736 délégués au congrès d’Ivry pour un nouveau départ ? Fabien Roussel, 49 ans, nouveau secrétaire national, Pierre Laurent très ému lors de son intervention de vendredi, nouveau président du Conseil national, un nouvel emblème avec une étoile et une feuille bourgeonnante symbolisant la conversion du PC à l’écologie…
Et un nouveau texte d’orientation qui provient de celui emmené par Fabien Roussel (42 % lors du vote des motions) et de très nombreux amendements venant des partisans du texte emmené par Pierre Laurent (37 % lors du vote des motions) qui montre une alliance entre ces deux textes. Les deux textes minoritaires (celui dit du « printemps » – avec 12 % – prônant une alliance avec la France insoumise au nom d’une alliance de la gauche anti-libérale et le texte de Paris 15e préconisant le retour à un PCF « lutte de classe » – avec 8 %) étaient plutôt mécontents du texte d’orientation majoritaire.
A noter aussi la non présence au congrès de plusieurs parlementaires communistes, dont Sébastien Jumel de façon explicite. A noter aussi le score majoritaire mais problématique de la liste du Conseil national avec 442 voix sur 569 votants (127 blancs ou nuls) et 167 non votants. Le vote du texte d’orientation est plus net avec 567 pour.
Le nouveau secrétaire national a soutenu l’action des « gilets jaunes » contrairement à ce qu’avait fait la CGT sur décision du Comité confédéral national (CCN). Fabien Roussel a très justement déclaré qu’il ne fallait pas « opposer les menaces de fin du monde avec les fins de mois difficiles ».
Il est à noter qu’il n’y a jamais eu autant de débats pour un congrès du PCF. Que cela a même entraîné des difficultés ici et là, notamment dans les conférences fédérales, tellement les communistes se sont investis dans ce congrès. Cela a donné lieu, du moins dans le discours, à un retour des termes « anticapitaliste », « internationaliste », lutte des classes, etc. Plusieurs camarades du PC pensent même qu’il faudra bien en passer par un congrès statutaire pour modifier certains éléments aux fins de mieux débattre encore.
Comme d’habitude, le lyrisme avait sa place, que ce soit avec le démarrage par Pierre Laurent (« La planète brûle, les peuples souffrent, le capital multinational se gave, les Gafam veulent diriger le monde. La paix n’est plus un acquis mais une urgence. Le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie et l’exclusion se banalisent à nouveau.») ou avec les JC embrayant le chant de la Jeune garde autour de leur secrétaire générale, ou encore avec Fabien Roussel (« Les gilets jaunes, les blouses blanches, les robes noires de la justice, mais aussi les cols bleus des usines ont des raisons de donner de la voix ! »).
Le texte d’orientation et les perspectives pour les européennes
Très clair sur l’écologie, sur le féminisme, sur l’anti-racisme, et sur l’ensemble des problèmes sociétaux, le texte d’orientation l’est moins sur le projet social du PCF, sur l’analyse de l’Union européenne, sur la stratégie et les alliances, il devient indigent sur des sujets comme la liaison du combat laïque et du combat social pour fédérer le peuple ou sur la nécessaire campagne de l’éducation populaire refondée.
Le nouveau slogan stratégique du PCF est de travailler à « une union populaire agissante » sans bien définir ce que cela veut dire. Sur les alliances, une chose semble sûre : les communistes ne « s’effaceront plus » à aucune élection. Le texte laisse présager une alliance avec « Génération.s » de Benoît Hamon pour les européennes sur une ligne « européiste » (le changement des traités s’effectuant de l’intérieur de l’UE) et reste très ouvert à des alliances avec le PS pour les municipales avec un argument étrange : « Une social-démocratie peut renaître dans le futur, exprimant la recherche d’un changement à “petits pas”de la part de certains secteurs de la société et du salariat.»
Par contre l’analyse est plus critique concernant la FI : « Deux dynamiques la traversent : participer de la recomposition d’une nouvelle force social-démocrate, avançant des réponses réformistes sans prendre en compte l’enjeu de l’entreprise et les questions de classe ; s’engager jusqu’au bout dans l’aventure du“populisme de gauche”, au prix d’une rupture consommée avec les traditions de la gauche et du mouvement ouvrier. »
On croit deviner qu’il y aurait alors une social-démocratie négative, celle d’un courant de la France insoumise et une social-démocratie positive, celle que pourrait devenir le PS ! Nous voyons là la concrétisation de la montée des rancœurs au sein de la gauche. La députée communiste Elsa Faucillon résume cela de la façon suivante : « L’affirmation identitaire qui s’est exprimée dans ce congrès ne cache pas le retour à cette politique …d’alliances à géométrie variable ».
Les connaisseurs du PCF reconnaîtront là l’influence des maires et élus municipaux communistes qui dès maintenant préparent les municipales avec des stratégies à géométrie variable ici ou là, comme ils l’ont déjà fait dans les élections locales depuis plusieurs années. Avec un rapport d’orientation comme celui voté en cette fin novembre 2018, ils sont assurés de pouvoir le faire en toute autonomie.
Quant à la façon de reconquérir le vote des couches populaires ouvrières et employés, qui aujourd’hui ont largement abandonné le vote communiste (excepté chez les retraités), les incantations du texte d’orientation ne débouchent pas sur les moyens concrets d’y parvenir. En un mot, on clame sa volonté d’aller au bout du chemin sans décrire le chemin lui-même.
Quant à la thèse de Jean Jaurès, premier directeur du journal l’Humanité, qui estimait que la liaison du combat laïque et du combat social est une condition indispensable du rassemblement du prolétariat puis du peuple, cette thèse est largement absente du texte d’orientation laissant libre cours à des pratiques contradictoires ici et là sur ce sujet. Même la référence avec le combat contre le racisme n’est pas liée avec le combat pour la laïcité.
D’une façon générale, on voit que le débat sur le projet social est difficile. Prenons un exemple pour ne pas rallonger cette chronique. Dans les débats, les partisans du revenu universel, du salaire à vie, de la refondation de la Sécurité sociale sur ses caractéristiques révolutionnaires de 1945-46 (1)Sur ces questions, souvent évoquées dans ce journal, nous devrons impérativement dans les prochains mois produire des analyses qui sortent de l’entre-soi des spécialistes ou de l’affichage de slogans. se sont déployés alors que les antagonismes entre ces positions sont criants. L’exercice du pouvoir est risqué quand on ne tranche pas ce genre de débat…
Il reste bien sûr que ce sont les électeurs qui trancheront dès la fin mai 2019. Pour l’instant les études d’opinion donnent la France insoumise largement devant une éventuelle alliance PC-Génération.s au sein de la gauche. Mais l’ensemble de la gauche, y compris les écolos et le PS, oscillerait en France entre 25 et 30 % des votants.
L’élection partielle dans l’Essonne
Nous avons eu de ce point de vue une secousse grandeur nature avec l’élection relativement facile (près de 60 % des votants) d’un nouveau député REM, ancien socialiste, à Evry-Corbeil en remplacement de Manuel Valls, démissionnaire. Malgré l’intensification des politiques néolibérales, la candidate de la France insoumise, soutenue par le PCF mais pas par EELV et les socialistes, a terriblement reculé depuis la législative de 2017 (où elle avait fait presque jeu égal avec Manuel Valls) notamment dans sa propre ville Evry. Malgré une campagne importante avec des apports de militants des communes voisines et au-delà, pour les candidats de la FI et du PCF, le deuxième tour a produit un séisme avec 83 % d’abstentions (à peu près équivalent au 1er tour). Pour un deuxième tour qui restait très ouvert, c’est un nouveau record de France – après le record de France de la plus faible manifestation de la fonction publique le 22 mai 2018. Il est clair que des électeurs de gauche ont préféré, politiquement, ne pas participer à ce scrutin. Nous voyons là apparaître le risque contre lequel, dans nos colonnes, nous mettons en garde depuis longtemps, à savoir le fossé grandissant entre les directions des partis de gauche et des syndicats revendicatifs d’une part et les « vrais gens » d’autre part, ces derniers protestant à leur façon soit avec les « gilets jaunes », soit en faisant la grève du vote (2)Derrière l’expression les « vrais gens » nous mettons cette idée que la majorité des militants sont « coupés des masses ». Car il y a une vraie vie pour la majorité qui souffre – en dehors des couches moyennes minoritaires dans le pays – et, malencontreusement, les masses populaires estiment de ce fait que les responsables politiques, associatifs et syndicaux pour la plupart ne font pas partie de leur classe. Ce qui nous ramène à penser la différence entre la classe en soi et la classe pour soi et exige de revenir à la pensée matérialiste et dialectique. . Dans ces conditions, on ne préfère ne pas penser à ce que seraient aujourd’hui des élections locales dans la nation.
Bien sûr, le type de comportement et de prises de position de la candidate FI (notamment son communautarisme revendiqué qui divise le peuple) compte dans le décompte total.
Mais il y a plus grave. Car il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre par rancœur, dogmatisme ou par refus de changer, au-delà du discours, ses habitudes anti-populaires. Le problème est bien là : ceux qui veulent « renverser la table » doivent construire un projet politique et un discours qui puissent fédérer le prolétariat pour ensuite fédérer le peuple. Le débat doit s’ouvrir : nous mettons en débat le projet de la République sociale qui lie le combat laïque et le combat social et qui s’enracine dans le peuple avec, à l’intérieur des luttes sociales, écologiques et politiques, une gigantesque bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle via la pratique d’une éducation populaire refondée. Comme cela s’est passé dans toute révolution émancipatrice, de la grande Révolution française jusqu’à nos jours.
Amitiés et à très bientôt, si vous le voulez bien !
Notes de bas de page
↑1 | Sur ces questions, souvent évoquées dans ce journal, nous devrons impérativement dans les prochains mois produire des analyses qui sortent de l’entre-soi des spécialistes ou de l’affichage de slogans. |
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↑2 | Derrière l’expression les « vrais gens » nous mettons cette idée que la majorité des militants sont « coupés des masses ». Car il y a une vraie vie pour la majorité qui souffre – en dehors des couches moyennes minoritaires dans le pays – et, malencontreusement, les masses populaires estiment de ce fait que les responsables politiques, associatifs et syndicaux pour la plupart ne font pas partie de leur classe. Ce qui nous ramène à penser la différence entre la classe en soi et la classe pour soi et exige de revenir à la pensée matérialiste et dialectique. |