Comme le dit le personnage incarné par l’acteur Jeremy Irons dans le film Margin call de Jeffrey C. Chandor, le capitalisme ne peut survivre qu’avec des crises successives d’importance diverse, certaines locales, d’autres mondiales, certaines conjoncturelles, d’autres structurelles, certaines élémentaires, d’autres systémiques, : 1637, 1720, 1788, 1792, 1797, 1810, 1819, 1825, 1836, 1847, 1857, 1866, 1873, 1882, 1890, 1893, 1907, 1923, 1929, 1966, 1971, 1974, 1979, 1980, 1982, 1985, 1987, 1989, 1990, 1992, 1993,1994, 1997, 1998, 2000 ,2001, 2002, 2007-2008, 2009, 2010, 2015… Sans compter les guerres qui sont également un moyen de faire de l’économie et de la politique par d’autres moyens, en permettant de surmonter une crise systémique au profit de l’oligarchie capitaliste et contre les intérêts des peuples…
A chaque fois, « les chiens de garde » médiatiques de l’époque participent à l’obscurcissement de la compréhension du réel à l’aide de nombreux livres et journaux qui visent à le rendre invisible derrière le rideau idéologique tendu par le mode de production de la société et qui empêche que l’on comprenne spontanément les causes des maux qui nous assaillent. Cela va jusqu’à l’école, dont les programmes sont modifiés pour n’entraîner in fine que la compassion et l’indignation sans compréhension des causes réelles des phénomènes auxquels nous réagissons.
Alors, nous voici environ 8 ans après la chute de Lehmann Brothers le 15 septembre 2008. Que s’est-il passé durant ce temps ? Beaucoup de choses. Ainsi, la crise des crédits hypothécaires s’est transformée en crise de la dette publique, puisque c’est l’argent public qui a soldé les pertes privées, crise de la dette qui a légitimé les politiques anti-salariales : hausse des impôts sur les ménages, casse des services publics et de la protection sociale, etc.. Mais la crise du profit, c’est-à-dire l’incapacité du capital à produire suffisamment de richesse réelle pour se valoriser en salariant des travailleurs, cause profonde de la crise systémique, est toujours là. Afin de se reproduire en reproduisant le capitalisme, l’oligarchie est ainsi tenue de chercher à restaurer ledit profit en ponctionnant la masse des salaires via l’intensification des politiques d’austérité et en baissant les prélèvements fiscaux sur les entreprises, et de tenter de solidifier autour d’elle les couches moyennes supérieures et intermédiaires.
Pour l’oligarchie, la majorité des entreprises et la majorité des couches moyennes (celles qui n’ont pas encore été totalement percutées par la crise systémique), les crédits sont faciles, ce qui soutient l’adhésion au système. Mais pour la classe ouvrière et employée et les paysans pauvres, la percussion est forte ce qui désagrège le « vivre ensemble ».
Les grandes banques centrales ont espéré relancer le système en effectuant des perfusions massives de liquidités dans les marchés financiers, via une baisse des taux directeurs pour arriver aujourd’hui à des taux très, très bas : ils sont proches de zéro aux Etats-Unis, Canada, Grande-Bretagne, Danemark, Israël, quasi nuls dans la zone euro et le Japon et même négatifs en Suède et en Suisse ! Les rachats d’actifs par les banques centrales s’élèvent à des centaines de milliards d’euros. Mais les banques ne financent l’économie réelle que si cela est profitable, et comme l’économie réelle ne l’est pas assez pour rémunérer les services financiers (même si les banques centrales ont racheté une partie de leurs emprunts toxiques, les marges financières des banques s’effritent, et licenciements ou augmentation des frais fixes de tenue de compte risquent de ne pas suffire), le crédit facile ne fait que gonfler de nouvelles bulles financières. certes, la création monétaire permet au capital de fonctionner mais elle n’a aucun effet sur sa capacité à créer de la richesse réelle. Ainsi, la casse des salaires, directs ou socialisés, ampute la demande tandis que le crédit échoue à soutenir l’offre : rien ne peut combattre l’atonie persistante de l’économie quand la crise est systémique.
La finance élude la crise réelle, en achetant du temps, mais prépare inéluctablement une crise financière. Nul ne sait quand aura lieu la prochaine, mais nous savons qu’elle aura bien lieu. Ce sera quand les circonstances liées à la guerre des monnaies obligeront les banques centrales à en venir à l’augmentation des taux directeurs, ce que va peut-être faire la Réserve fédérale étasunienne d’ici la fin de l’année. La dernière fois qu’il y a eu augmentation des taux directeurs, c’était en 2007…
C’est à ce moment-là et à ce moment-là seulement que la bifurcation nécessaire pour sortir à terme du capitalisme est possible. Voilà pourquoi il faut s’y préparer et ne pas faire confiance ni à des volontarismes qui ne tiennent pas compte des lois tendancielles du capitalisme ni à des solutions simplistes et magiques censées nous ouvrir la porte du paradis…
En attendant, continuons nos initiatives d’éducation populaire refondée. Nous avons une dizaine de films à vous proposer en cinés-débats, des livres à lire, des intervenants prêts à intervenir en conférences, du théâtre tradi et du théâtre forum sur divers sujets, des conférences populaires sans conférenciers, etc.
Salut et fraternité !