Vers une union de toutes les droites françaises ?

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Surmoulage de la tête de l'allégorie féminine de la Patrie, dite la Renommée du relief « Le Départ des volontaires de 1792 appelé La Marseillaise » situé sur l'Arc de Triomphe à Paris.

Disons d’emblée d’où l’on parle : ceux qui sont les auteurs de cet article ne souhaitent pas la victoire de l’union de toutes les droites et sont des militants qui souhaitent à terme la victoire d’une gauche de gauche via une stratégie de l’évolution révolutionnaire menée par un bloc historique populaire.

Cela dit, nous voyons à l’échelle planétaire, dans tous les pays à gouvernements représentatifs, une poussée du populisme de droite et d’extrême droite aboutissant, dans de plus en plus de pays, à une union de toutes les droites. Bien sûr cette évolution se décline suivant les cultures et le type d’institutions que se sont donnés ces différents pays. Jusqu’ici, la particularité de la France du XXIe siècle, tient au fait que pour prendre le pouvoir politique, il suffisait, avec les institutions héritées du coup d’État parlementaire de 1958 et de l’incapacité de la IVe République de se sortir du colonialisme, d’être en 2002, 2017, 2022, largement minoritaire, mais en tête du premier tour et d’appeler au deuxième tour au « sursaut républicain » contre le FN-RN. Sous couvert de quoi, le président élu pouvait faire une politique contraire à la volonté de la majorité de ces électeurs du deuxième tour tout en ayant l’outrecuidance de dire depuis la Chine, par voie de presse, aux « sursauteurs républicains » : « Si les gens voulaient la retraite à 60 ans, ce n’est pas Emmanuel Macron qu’il fallait élire président de la République ou mettre en tête du premier tour. » Contrairement à ce qu’il avait lui-même déclaré au lendemain de son élection affirmant qu’il savait qu’il n’avait pas été élu sur une adhésion à son programme et qu’il en tiendrait compte.

Les dernières études d’opinion ont montré que la majorité des « sursauteurs républicains » ne sont plus prêts d’élire un représentant de l’extrême centre minoritaire. Donc, il va falloir redevenir majoritaire ! D’où le projet à droite de le devenir avec l’union de toutes les droites ! Et à gauche avec un bloc historique populaire dont l’idée démarre avec du retard à l’allumage.

Comment en est-on arrivé là ?

Il aura fallu d’abord quelques intellectuels de droite pour critiquer les vieilles idées qui fonctionnaient le siècle dernier, mais qui sont devenues obsolètes. Notamment, les vieilles idées du démocrate-chrétien René Rémond avec sa typologie des trois droites légitimistes, orléanistes et autoritaires. D’autres intellectuels ont cru redonner du lustre à l’analyse « remondiste » sur les droites à savoir qu’il fallait complexifier l’analyse avec de nouveaux clivages qui se surimposent à la trilogie de René Rémond à savoir européiste/souverainiste, jacobin/girondin, réindustrialisation/société de services ou encore sur les questions du dérèglement climatique, de la gentrification. Devant la division extrême de la droite et l’incapacité de François Hollande d’assurer à moyen terme, dès son exercice du pouvoir, les intérêts de la classe dirigeante, un nouveau bloc dirigeant de droite organisé par le grand patronat a pu mettre sur orbite un extrême centre avec la météorite Macron pour l’élection présidentielle 2017. Avec l’aide des médias dominants aux ordres chargés d’élaborer un discours néo-moderniste autour de leur candidat et d’une magistrature de plus en plus encline à devenir un gouvernement des juges participant à affaiblir le principal concurrent à droite par la voie judiciaire(1)Comme ce fut le cas en 2017 pour François Fillon..

c’est la jeunesse de droite et d’extrême droite qui a commencé à frayer la voie de l’union de toutes les droites

Depuis une petite quinzaine d’années, pendant que d’autres utilisaient la société du spectacle, le bruit et la fureur, les « djeuns » de droite et d’extrême droite se côtoyaient dans des organisations de jeunesse, des syndicats étudiants et lycéens ainsi que dans des bars « typés » de droite extrême. Dans l’Uni, au sein de la Cocarde étudiante, au sein du Printemps français, parmi les collaborateurs des parlementaires LR et RN, au sein de l’ex-droite populaire, au sein des organisations de jeunesse de Reconquête, du RN, de LR, de Debout la France, d’Osez la France, au sein des structures locales créées à la suite de la dissolution de Bastion social (Auctarum, etc.). Et comme le précise Politis (https://www.politis.fr/articles/2023/01/union-des-droites-et-de-lextreme-droite-la-jeunesse-a-loeuvre-rn-lepen/), tous ces jeunes de moins de 40 ans se connaissent, se fréquentent, débattent et agissent ensemble. Ce creuset est un lieu permettant la recomposition des droites. Certains ont de grandes responsabilités dans les organisations de droite ou d’extrême droite françaises. Le grand public connaît dans ce cas Jordan Bardella, Sarah Knafo et peut-être l’avocat Pierre Gentillet, très présent sur CNews. Mais ils sont déjà plusieurs centaines à des postes de responsabilités dans les grandes organisations de droite et d’extrême droite.

Si on rajoute à cela, dans la sphère de l’extrême droite catholique, la transformation de la Manif pour tous  en « Syndicat de la famille » et ses « sections syndicales » pour contrer les catholiques de gauche de la Confédération syndicale des familles (CSF), on a là un autre acteur non négligeable de la restructuration de la droite et de l’extrême droite catholique.
Et encore, Familles de France, organisation anciennement de l’extrême droite pétainiste, transformée depuis en structure familiale de droite, et de Familles rurales, la plus grande organisation familiale de France, proche politiquement de la FNSEA, qui gère des centaines d’associations en France qui remplace les services publics et les structures d’animation déclinant en zones rurales, défendant un « libéralisme rural » trop souvent négligé par nos politologues des villes centres et par des responsables politiques et syndicaux de gauche, on commence à entrevoir d’autres acteurs qui participent à la recomposition et à la restructuration des droites loin des spots à la Hanouna ou des réseaux sociaux et des chaînes d’actualité continue qui constituent malheureusement la référence médiatique pour beaucoup d’acteurs, y compris de la gauche française.

Reste un acteur, le plus déterminant pour l’avenir, le grand patronat, qui hier fut le principal créateur de la météorite d’extrême centre Macron, qui aujourd’hui soutient encore l’extrême centre macroniste dans ses velléités de diriger un gouvernement minoritaire. Mais pour combien de temps ? Même si, toutes choses sont inégales par ailleurs, toutes les unions de toutes les droites dans l’histoire ont été réalisées avec l’accord du grand patronat. Comme au début des années 30 en Allemagne, comme dans les autres pays. D’ailleurs, il n’était pas nécessaire d’écouter Emmanuel Macron un certain mercredi 13 h sur TF1, il suffisait d’entendre Geoffroy Roux de Bézieux, la veille, immédiatement retranscrit dans le journal Les Échos dans sa version électronique ! Et dans ce cas, on voit que la perspective de l’union de toutes les droites pourrait regrouper de l’extrême centre macroniste au RN en passant par une majorité des LR. Nous n’en sommes pas encore là, mais déjà le ministre de l’Intérieur, lui, est déjà sur cette stratégie et il n’est pas le seul !

Pour une gauche de gauche avec un bloc historique populaire

 En fait, à un moment de retour de la question sociale et donc de la lutte des classes(2)Voir le dernier paragraphe de notre précédent article : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-combats/respublica-combat-social/sous-le-soleil-davril-en-macronie/7433524, ce ne sont pas les idées qui façonneront le monde de demain, mais bel et bien les conséquences de l’enchaînement des événements matériels. Il faut donc se replacer dans le cadre d’un matérialisme historique pour élaborer une théorie révolutionnaire. Mais la gauche, elle, est en retard sur les événements, car de nombreux groupes polarisent des militants, dont certains sont bien formés sur certains sujets, qui se dispersent dans des stratégies illusoires.

La crise du taux de profit, l’intensification des guerres entre les blocs impérialistes, la nouvelle géopolitique, rend caduque l’ancien projet néolibéral et libre-échangiste et prépare la nouvelle « féodalisation » du monde. Les nouveaux idéalismes visant au racialisme de la question sociale, à l’essentialisation genrée, au gauchisme sans les masses, à l’entre soi de la petite bourgeoisie intellectuelle des villes centre et des banlieues, au refus d’une pensée holistique, n’existent que pour freiner la gauche de gauche de sa nécessaire construction d’un bloc historique populaire autour de la classe populaire ouvrière et employée et des couches moyennes intermédiaires et de minoritaires des autres couches sociales.

Le populisme de gauche qui a sa raison d’être en Amérique latine à cause de l’importance du secteur informel, de la faible scolarisation, de son niveau de développement, a un plafond de verre infranchissable dans les pays développés comme la France (1er tour des législatives 2022, la Nupes pèse 11,2 % des personnes en âge de voter une fois défalquées les 4 façons de s’abstenir d’exprimer un vote nominatif) ou même l’Espagne (voir Podemos).

La souveraineté populaire induit la souveraineté nationale, mais pas l’inverse sauf à méconnaître l’histoire.

Quant au rêve de ceux qui développent l’idée de l’alliance des souverainismes des deux rives, ils ont encore moins d’atouts que Jean-Pierre Chevènement en 2002 avec son pôle républicain pour une raison qui relève du phénomène de la gravitation universelle – qui veut que la petite masse (des souverainistes de gauche) ne puisse au mieux qu’être satellisée autour de la masse la plus forte (ici la droite et l’extrême droite souverainistes) !

D’autant que cette alliance souverainiste est une alliance autour de la souveraineté nationale. En fait, il n’y a pas de souveraineté sans souveraineté populaire. La souveraineté populaire induit la souveraineté nationale, mais pas l’inverse sauf à méconnaître l’histoire. De plus, il faut se départir d’une histoire sainte du CNR qui justifierait le rassemblement à froid des gaullistes et des communistes pour construire un CNR. Le film Les jours heureux de Gilles Perret est suffisamment éloquent pour se départir de cette histoire sainte sans comprendre que ce sont les évènements qui ont poussé le PCF d’une part et le général de Gaulle d’autre part à faire cette alliance. Principalement, pour éviter que le pouvoir soit transmis au général Giraud (pétainiste pro-américain) soutenu par les Etats-Unis avec la stratégie de l’AMGOT !

Notre objectif au nom de la « double besogne » jaurésienne est la République sociale (Objectif République sociale ! · ReSPUBLICA (gaucherepublicaine.org) avec ses quatre ruptures, ses exigences indispensables, ses dix principes et conditions, le tout sous le primat de la question sociale. Mais cela demande en parallèle aux luttes sociales, un effort de formation et d’éducation populaire refondée à la hauteur des enjeux.

Se préparer à l’affrontement République sociale versus union de toutes les droites peut devenir un impératif catégorique au sens d’Emmanuel Kant !

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Comme ce fut le cas en 2017 pour François Fillon.
2 Voir le dernier paragraphe de notre précédent article : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-combats/respublica-combat-social/sous-le-soleil-davril-en-macronie/7433524