Le Rojava est une entité autonome à majorité kurde de la Syrie qui s’est constitué à la suite du « printemps syrien » qui a débouché sur la guerre de Syrie. Très vite, les poussées sociales, démocratiques et laïques du « printemps syrien », sans organisation capable de porter cette utopie, ont laissé place au développement de la guerre de Syrie. Très vite, les impérialismes occidentaux ont soutenu et financé une opposition au clan Assad, opposition dirigée par des islamistes proches des djihadistes d’Al Qaïda, qualifiés par les ministres occidentaux « d’islamistes modérés (sic !) ». L’impérialisme russe soutenant, quant à lui, le clan Assad, majoritairement formé par des musulmans alaouites (qui est une scission du chiisme musulman).
Le désastre de la guerre d’Irak durant laquelle les Américains ont donné le pouvoir aux musulmans chiites irakiens a favorisé le développement des islamistes djihadistes de Daesh renforcés par des officiers musulmans sunnites de l’ancienne armée de Saddam Hussein. Une partie importante des kurdes syriens, proche du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), qui agit en Turquie, a formé les Unités de protection du peuple (YPG), avec une branche féminine (YPJ). Structures armées du Parti de l’Union démocratique syrien (PYD), les Unités de protection du peuple font partie des Forces démocratiques syriennes, qui comportent également en leur sein des organisations arabes.
Ce sont ces Forces démocratiques syriennes qui ont libéré Raqqa de l’emprise de Daesh et organisé un référendum et une proclamation d’indépendance du Rojava. Ce territoire semble porteur d’un projet de démocratie sociale et de laïcité, ce qui est étonnant dans cette région. Pour le dirigeant des YPG Salih Muslim, la relation des YPG « avec les États-Unis est simplement une alliance contre la terreur de Daesh. C’est le peuple de Raqqa qui décide sous quelle forme et comment gouverner la ville ».
Cela dit, l’avenir du Rojava n’est pas écrit car il suscite l’hostilité des dirigeants de l’Iran, de la Syrie, de la Turquie et de l’Irak. Par ailleurs, les dirigeants du Kurdistan irakien développent une grande hostilité vis –à-vis du Rojava car ils sont alliés au régime turc (pour le KPD de Barzani) et iranien (pour le YNK de Talabani).
Il faut donc comprendre la difficulté qu’ont les forces démocratiques pour atteindre des objectifs dans une région d’affrontement entre les impérialismes occidentaux et russes d’une part et entre les 4 pays de la région à savoir la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran. Si les impérialistes américains et russes ont vu d’un bon œil l’action des Forces démocratiques syriennes, ils n’en soutiennent aucunement le régime démocratique, ni la déclaration d’indépendance, et travaillent plutôt avec leurs quatre pays vassaux. Notons simplement que le TEVDEM est l’alliance politique qui administre les régions du Nord de la Syrie libérées de Daesh. Elle est formée principalement du parti kurde PYD (Parti de l’Union Démocratique), du Parti de Gauche de Rojava, du Baris (parti de la Paix) et d’une fraction du KPD (Parti démocratique du Kurdistan) qui refuse la position de Barzani en Irak.
La charte de Rojava peut être consultée en ligne.
En ce qui concerne l’égalité hommes-femmes, c’est le régime le plus avancé de la région.
Comprendre les raisons géopolitiques du conflit en Syrie
Tout d’abord, nous savons que le partage de la rente pétrolière à l’intérieur du Moyen-orient lui-même et l’approvisionnement énergétique des impérialismes occidentaux est un invariant de la géopolitique depuis que le pétrole et le gaz sont indispensables au développement économique et politique de ces pays. Cela explique notamment pourquoi les impérialismes occidentaux ont varié dans leurs alliances. Le clan Assad, d’abord aidé par l’impérialisme américain (guerre du golfe éliminant la dictature sunnite de Saddam Hussein voulant prendre le contrôle du pétrole du Koweït, et donnant de fait le pouvoir à la majorité chiite), puis aidé par l’impérialisme russe dans la reconstitution du continuum chiite du Liban à l’Iran, a su se mouvoir dans cette géopolitique compliquée. Dans cette évolution, la chute des « rebelles syriens », en fait dirigés par des djihadistes d’Al Qaïda, d’abord soutenu par les américains et les français, a entraîné les américains à soutenir in fine les Forces démocratiques syriennes à majorité kurde bien qu’ils soient opposés à la constitution de l’Etat du Rojava, qui est en fait le but de la poussée kurde dans cette région du nord de la Syrie.
Mais il existe, d’après le géo-économiste de l’Energie, Laurent Horvath, d’autres causes qui ont rendu cette région fragile et donc paroxystique. Il faut savoir qu’au début du siècle, 50% du PIB de cette région étaient constitués par l’agriculture et le pétrole. Les ressources en eau y ont diminué de moitié entre 2002 et 2008, engageant des sécheresses impressionnantes de 2007 à 2010. Les productions de blé, de betterave, d’orge ou de coton, de poulets, de moutons et de chèvres se sont effondrées. De l’autosuffisance en céréales, la Syrie est devenue importatrice de 4 millions de tonnes en 2012. Les prix doublèrent. L’exode des paysans sunnites a massivement rejoint les villes bastions des alaouites (religion dérivée du chiisme soutenu par le régime Assad).
Pour le pétrole, alors qu’en 1996, la production de pétrole était de plus de 600.000 barils par jour, la production est tombée en 2010 à 385.000 barils/jour puis en 2012 à 210.000 de barils/jour. En mai 2008, le gouvernement syrien a dû acheter le pétrole plus de 140 dollars le baril et a stoppé la vente de l’essence largement en dessous du prix de revient. En une nuit les prix ont triplé ! Puis l’abaissement du prix du baril après la crise de 2008 a asséché les finances syriennes.
Tout cela pour dire qu’au sortir de la guerre civile, rien n’est réglé sur ce plan économique. L’eau, la production agricole et le pétrole resteront encore longtemps un problème quels que soient les régimes en place.