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Rappel des faits : Septembre 2008, le crash étasunien entraîne une grave crise bancaire et financière. Elle se transforme petit à petit en une crise économique majeure entraînant à son tour le début d’une crise sociale de grande ampleur. Édifié sur des contradictions majeures avec la réalité du monde, le système capitaliste dans sa globalité, c’est à dire son schéma civilisationnel, est en train de rompre : chômage galopant, perte de pouvoir d’achat, augmentation de la précarité des conditions de vie, attaques permanentes des droits, etc.
Les dirigeants et les penseurs engagent ou proposent des "plans de relance" de type keynésiens, dont la seule finalité est de restaurer la production, la consommation, et d’assurer les profits à une culture toute entière dévouée au productivisme et l’accumulation. La droite propose des aides sans contreparties aux spéculateurs et aux banquiers. Même le PS ne propose dans les faits que près de 20 milliards d’euros dans la partie relance sociale (une fois décomptés les remboursements anticipés des entreprises). Montant ridicule tant la dette contractée par le système est un gouffre. La plupart des autres partis de la gauche sont soit absents de toute proposition, soit en dehors de la réalité matérielle. Le capitalisme a trop bien formé les « esprits éclairés » : ils n’arrivent pas à penser autrement qu’en termes capitalistes. De fait, la plupart se placent dans une simple surenchère par rapport au projet social-démocrate du PS sans mettre en avant la rupture complète et la conception d’une alternative de société pour simplement mieux vivre.
Et les relances keynésiennes ont quelques doux rêves de pouvoir remettre le système à flot (ce qui revient à replacer les populations dans un système capitaliste…), car si questionner leur réelle efficacité était tabou, leur échec est désormais incontournable car aucun de ces penseurs keynésiens n’a anticipé le tourbillon étasunien que voici : Nous savons que la dette étasunienne est comblée par des achats, en provenance du sud-est asiatique, des Bons du Trésor étasunien (la dette à long terme des États-Unis). Or, ces derniers temps, il semble que les acheteurs chinois et japonais aient commencé à se questionner et à poser des conditions à l’achat, voire à la conservation de leurs créances. Pour preuve, la demande de l’état chinois faite ces jours derniers aux américains pour que ceux-ci veillent à ce que ces Bons du Trésor aient toujours de la valeur.
La riposte étasunienne ne s’est pas fait attendre : le mercredi 18 Mars 2009, la Federal Reserve Bank, la banque centrale étasunienne, a procédé à l’élargissement de ses prérogatives en se dotant de la capacité (inouïe !) de racheter sa propre dette en émettant des dollars ! Elle a annoncé son intention immédiate de racheter pour 300 milliards de dollars de dette (le budget total de la dette atteignant désormais le chiffre impressionnant de presque 2000 milliards de dollars).
Ce n’est, ni plus ni moins, que le fonctionnement de la planche à billets qui va permettre aux USA de racheter leur dette… à ceux qui voudront bien recevoir encore des dollars ! Déjà, en 1971, le président Nixon avait mis fin à la parité du « dollar-or ». Mais ce que les USA viennent de proclamer c’est que le dollar n’a plus aucune parité avec rien : le prennent ceux qui « croient » encore à sa valeur. La FED rachète sa propre de dette publique par des fonds publics eux-même endettés. Autrement dit : la dette étasunienne est rachetée par des billets… qui ne valent que le papier et l’encre.
Bien évidemment, la direction étasunienne prend cette décision car elle estime que là se trouve son seul espoir de sauver le capitalisme et les profits étasuniens. Tout système qui n’a plus de contre pouvoir va au bout de lui même et les USA ne font pas exception à la règle : Il s’agit d’une fuite en avant pour tenter de se maintenir à la tête du Monde. Mais cette décision, prise moins de 6 mois après le crash de septembre 2008, va entraîner une réaction en chaîne qui va commencer par une perte de valeur du dollar, monnaie ne valant plus rien du tout puisqu’elle sera imprimée à la demande.
Mais qui peut croire que la direction étasunienne pourra ad vitam racheter sa dette par du papier ? Comment le système monétaire pourra t-il s’en sortir sans dévaluer massivement l’ensemble des avoirs par un nouvel écroulement boursier ou par une hyperinflation, ou par les deux à la fois ?
L’ère industrielle, entamée il y a deux cents ans, va prendre fin. Elle s’achève car le paradigme qui la porte, « l’économisme », se fonde sur une névrose de la production et de l’accumulation sans fin dans un monde vivant fini. Cet effondrement marque l’échec de l’économisme, pensée autiste qui rapporte tout à sa propre finalité, oubliant que l’économie n’est qu’un outil au service d’un projet politique, c’est à dire d’une culture et de valeurs de vie, d’un rapport individuel à soi, à autrui et au monde vivant. Le capitalisme était voué à l’échec car son paradigme est une névrose. Nous ne sommes pas devant une crise, mais bien devant une mutation. Et les derniers soubresauts du capitalisme dans sa forme actuelle vont produire des conditions de vie très dures pour les populations : la dévaluation et l’hyperinflation entrainant des pertes d’emploi, la diminution drastique de pouvoir d’achats, la hausse des loyers et des soins de santé, la précarisation des conditions de vies…
Face à l’échec annoncé des keynésiens, au « sauve qui peut capitalistique » et devant les difficultés matérielles à venir, il est nécessaire de proposer le plus rapidement possible un front social de protection du peuple. Car si le rôle du mouvement social n’est effectivement pas dans le champ politique, l’action sociale fait partie du développement politique.
Par ailleurs, tant qu’ils se couperont du mouvement social, les acteurs de la gauche anti-libérale abandonneront leurs responsabilités historiques et laisseront béant un espace de construction que les peuples doivent investir avec les forces organisationnelles conscientes de l’enjeu. Le but n’est plus de « réparer », il est désormais double : sauvegarder les individus et construire un projet alternatif.
L’intersyndicale qui a mené les journées du 29 janvier et du 19 mars pourrait former l’embryon d’un front social de protection du peuple. Certains diront que cela n’en prend pas le chemin car des syndicats tergiversent depuis vendredi dernier. Il faut donc porter cette proposition au sein même de l’intersyndicale afin d’en élargir la portée à tous les acteurs, du mouvement social et du champ politique, qui réaliseront que l’enjeu n’est plus de sauver le système, mais d’en préparer un autre.
Bien sûr, les actions du LKP en Guadeloupe, du « 5 février » en Martinique, du COSPAR à la Réunion, ne sont pas transposables en l’état. Il faut noter qu’en métropole les deux premiers rassemblements, le 29 janvier et le 19 mars, ont été organisés par l’intersyndicale qui a fait un bon travail de rassemblement. Mais le point primordial dans les mobilisations des DOM est l’adoption d’une stratégie globalisante à front large : revendications immédiates en terme de pouvoir d’achat, de logement, de services publics, de santé et de protection sociale ; et ces revendications sont allées de paire avec une réorganisation collective dans le but de palier aux défaillances du système.
Marcher sur ses deux jambes consiste donc à porter cette exigence d’un front social suivant deux axes : primo, préparer les éléments qui vont permettre la sauvegarde immédiate des populations basée sur des revendications touchant tous les compartiments de la vie (pouvoir d’achat, logement, santé, etc.) ; secondo, organiser la campagne d’éducation populaire dans le but d’œuvrer, non plus à la sauvegarde autiste d’un système caduque, mais à la construction citoyenne d’un réel projet alternatif de société. Cette auto-organisation de défense du peuple dans un front social large doit être un lieu de débat novateur pour concevoir les solutions alternatives dans l’intérêt des populations et non dans l’intérêt de ceux qui, y compris à gauche, rêvent encore du schéma productiviste, industrieux et accumulateur de valeurs marchandes au prix des existences humaines ; que ce schéma soit étatisé ou individualisé, le paradigme de référence reste le même. Car devant le silence actuel des forces politiques sur le terrain d’une réelle société alternative, il faudra bien un lieu pour soutenir les peuples, mais également les préparer à construire une société de demain plus juste et agréable à vivre.
En effet, ne doutons pas que, depuis les cartons des tenants du capitalisme, sortira au moment opportun, une solution « séduisante » pour imposer et de pérenniser le système actuel par la force, l’autoritarisme, le sécuritaire et la culture liberticide directement sur les rails de la culture et des valeurs de vie de l’ère industrielle (cf. Edito Respublica n°611). Ce jour là, la passivité et l’attentisme actuel des dirigeants politiques et sociaux, dans leur incapacité à préparer un projet alternatif, sera la signature de leur échec : Ce que l’histoire retiendra d’eux ! Car ce jour là, ou le projet alternatif de société sera prêt pour être mis en avant, ou un capitalisme étatisé, autoritaire et liberticide aura le champ libre pour s’imposer de nouveau.
Quelque soit les pilotes de la dérive de cette civilisation productiviste que nous vivons, l’intérêt de chaque individu est bafoué par ceux là même qui ont construit ce château de cartes et l’entretiennent depuis 200 ans. Il nous appartient donc de nous prendre en charge et d’être des forces de propositions, de sortir de l’économisme pour changer notre paradigme et construire à partir d’un nouveau avec tous ceux qui n’ont pour intérêt que le bien être des individus et des populations. Ce complet changement de paradigme, la tradition de la gauche du XXIème siècle doit l’assumer, marquer sa fracture avec l’ancienne et embrasser dans sa globalité la rupture de civilisation et porter le projet qui sera à construire au delà de la mutation que nous vivons. Cette époque est à nous, tel est notre rôle. À nous, individus et citoyens, d’édifier cet avenir.
Évariste
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Pourtant peu médiatisé, le 18 mars 2009 restera sans aucun doute comme une date essentielle dans l’histoire du capitalisme. En effet, ce jour-là, la Federal Reserve Bank, la banque centrale américaine, a annoncé sa décision de racheter les bons du trésor américain (dette à long terme des USA). Comme si cette nouvelle stupéfiante ne suffisait pas, cette institution a également prévenu qu’elle se réservait la possibilité à court terme de racheter des dettes privées de grandes sociétés nationales en quasi banqueroute.
Oui, il est stupéfiant, et même unique dans l’histoire monétaire moderne, qu’une banque centrale, a fortiori celle de la monnaie mondiale, le dollar, proclame que la garantie sur cette monnaie se fera à partir du 18 mars grâce à un fond de réserve composé de…. créances pourries !
Ainsi, les Etats-Unis avalent leurs propres dettes et ils émettent depuis la semaine dernière une monnaie de singe ne reposant sur aucune contre-valeur réelle. En fait, Obama a donné à la réserve fédérale l’autorisation d’imprimer autant de dollars qu’elle le jugeait utile.
Folie que tout cela ou calcul cynique ? Peut-être un peu des deux. Car les conséquences d’une telle décision sont difficiles à prévoir et peuvent se révéler carrément monstrueuses. En effet, comment va tourner un monde dont l’équivalent universel par excellence, j’ai nommé le roi-dollar, ne vaut en réalité plus rien du tout ? Vaste et nouvelle question ! Signalons pour compléter ce tableau de l’enfer monétaire que le Royaume Unis et le Japon ont décidé d’emboîter le pas à cette politique de faussaire.
Résumons donc la situation : nous vivions depuis une dizaine d’année une crise de trop plein de liquidité : cette engeance a engendré des bulles spéculatives de plus en plus considérables. Pour résoudre cette inflation monétaire au sens strict du terme, la réserve fédérale américaine a construit la semaine dernière l’usine à monnaie fiduciaire la plus gigantesque, qui n’a en fait aucune valeur sauf le prix de l’encre et du papier nécessaires à la confection des billets. Toutefois, cette entreprise frauduleuse va avoir l’immense mérite de réduire de manière importante la colossale dette accumulée par les états et les trusts multi nationaux, aux dépens des épargnants, des salariés et des retraités.
En réaction, la Chine et la Russie ont proposé le 23 mars de remplacer le dollar par une « unité de compte internationale », capable de devenir un équivalent universel garanti et reconnu par tous. Le gouvernement des Etats-Unis a bien sûr refusé cette perspective. Pourquoi, en effet, abandonnerait-il son dernier atout d’hégémonie ?
Alors, quelles seront les conséquences concrètes de cette aberration économique et financière ? Tout simplement l’inflation, ou pire, l’hyper inflation pour toute la planète. Cette explosion programmée sera, en zone euros, importée par la flambée du dollar et du yuan, la monnaie chinoise « soudée » au dollar. Cette situation sera sans doute légèrement atténuée par un change monétaire favorable mais, pour l’essentiel, nous subirons aussi cette formidable érosion fiduciaire.
Ainsi l’épisode inflationniste entre le début de la crise des subprimes (été 2007) et la faillite de Lehman Brothers (septembre 2008) aura été une sorte de répétition générale dans le cycle de l’inflation massive.
Les conséquences pour le monde du travail sont bien sûr considérables, dans un contexte où les médias nous présenteront ce phénomène comme une catastrophe « totalement imprévisible, tel un nouveau tsunami ». Que vont devenir les salaires réels ? Que vont devenir les retraites réelles ? Tout dépendra évidemment du rapport de force social et surtout des capacités des organisations syndicales à réagir vite et fort, par exemple en remettant en avant le vieux mot d’ordre populaire des périodes de crise inflationniste : l’échelle mobile des salaires et des retraites, c’est-à-dire l’indexation automatique mois par mois des salaires et des retraites sur l’inflation, avec un accord paritaire sur la qualité des indices statistiques de référence.
Philippe Hervé
Le 18 mars 2009 fera date dans l’histoire. En décidant le rachat des bons du trésor à long terme (c'est-à-dire la dette), la banque centrale étatsunienne précipite la fin du capitalisme.
Le peu de réaction à cette mesure historique, qualifiée pudiquement de « non conventionnelle » ne laisse pas de surprendre. En monétisant ainsi la dette du pays le plus endetté du monde, de l’empire qui a assis sa domination en se faisant financer par la Chine et le Japon, les EUA vont faire tourner à plein régime la planche à billet, à un rythme bien plus effréné encore que celui déjà soutenu qui a cours depuis novembre 2008. Cela revient à une dévaluation de fait du $, et les pays qui comme la Chine ont accumulé des montagnes de réserves de change en dollars ont déjà mis en place pour s’en débarrasser un programme d’achats massifs centré sur l’exploitation des matières premières, seul support de valeur du monde de demain.
Que va-t-il en résulter ? Les EUA n’accepterons jamais un effondrement de leur leadership, Obama comme président ou pas. L’option la plus probable est donc qu’ils feront tout pour dégonfler la valeur des montagnes de $ virtuels qu’ils vont émettre. Pour effacer l’ardoise, la seule solution sera de rentrer dans une spirale inflationniste qui pourrait rapidement atteindre des taux d’hyperinflation (+ de 50 % par an).
Nous avons donc devant nous un scénario à la zimbabwéenne (officiellement, l’inflation est de 231 million de % par an, en réalité beaucoup plus, et la banque centrale du Zimbabwe a émis en janvier un billet de 100.000.000.000.000 de $ zimbabwéens) à l’échelle mondiale avec des conséquences sociales catastrophiques, qui toucheront en premier les catégories à faible capacité de mobilisation comme les retraités.
Rappelons-nous que la République de Weimar et son hyperinflation a été le prélude de l’arrivée au pouvoir d’Hitler.
Qui peut prévoir ce que donnera une telle situation à l’échelle mondiale, avec l’effondrement rapide de tout un système par le jeu de réactions en chaînes incontrôlables ?
Ce qui est certain, c’est que le mouvement social doit se préparer et se renforcer en prévision du scénario catastrophe qui se profile. Et il est plus que jamais indispensable qu’émerge une force politique dont le cœur du projet soit la défendre et la sauvegarde du peuple.
Alexis Secondat
Alors que les manifestations en Grande-Bretagne et en Allemagne ont été importantes, 25.000 manifestants sur Berlin et Frankfort et 35.000 selon la police(!) à Londres, les rassemblements de Genève et surtout de Paris ont été faibles.
400 personnes à Genève, 500 à 600 à Paris.
Il serait temps que les militants altermondialistes français se posent la question de la faiblesse de leur mobilisation en regard de ce que font leurs homologues allemands ou britanniques.
Force est de constater que les revendications pour les fortes mobilisations allemandes et britanniques sont moins économicistes, plus anticapitalistes et plus rassembleuses que celles de leurs homologues français.
Les mots d'ordre français sont centrés sur les paradis fiscaux, sur l'illégitimité du G20 et sur l'anti-libéralisme alors que dans les mots d'ordre vus en Allemagne et à Londres, la remise en cause du capitalisme lui-même est plus fréquente.
Ceci est à mettre également au débit de la perte d'audience d'ATTAC France qui a fondu de près des deux tiers de ses adhérents alors que son homologue allemand est devenu le mouvement ATTAC le plus important d'Europe. En dernier lieu, la stratégie à front large est plus utilisée chez les initiateurs en Allemagne et en Grand-Bretagne qu'en France. Il faut se rappeler que la plupart des actuels dirigeants d'ATTAC France a fait partie du comité de soutien à la présidentielle de José Bové qui a défendu une forme d'écosocialisme tout à fait compatible avec le capitalisme. Ce même José Bové qui aujourd'hui est allié à Daniel Cohn-Bendit, le chantre du oui au traité de Lisbonne.
Aujourd'hui avec cette ligne politique, il n'est capable de s'allier qu'avec les organisations de la gauche chrétienne et non avec les autres sensibilités de la gauche de transformation sociale.
Jérôme Manouchian
(éditions La Découverte, 2009)
Parmi tant de livres sur la crise, qui se vendent comme des petits pains (voilà au moins un produit qui marche bien), celui-ci tranche avec les autres. Outre le fait qu’il est écrit de manière limpide (malgré le vocabulaire un peu technique, vous comprenez tout sans effort) et qu’il a l’avantage de souligner l’originalité de la crise en inscrivant les phénomènes actuels dans le temps (on n’a jamais vu, par exemple, tel taux depuis telle date), il a le grand mérite d’inscrire cette dernière dans l’histoire longue du capitalisme.
Résumons : le capitalisme est marqué par une instabilité foncière. Pendant longtemps les crises ont été amorties par le fait qu’une grande partie de la production lui échappait, se faisant encore sous d’anciens modes de production. Avec le grand essor de la mondialisation (surtout celle du capital), les crises gagnent en extension et en profondeur. Elles ont été contenues pendant les « Trente glorieuses » par le régime « fordiste », avec son compromis social et toute sa panoplie keynesienne de moyens d’intervention, mais aussi sa conséquence, la baisse des profits, qui sont le moteur du système. Le nouveau régime qui s’instaure au début des années 1980 repose sur un tout autre modèle : « de moins en moins d’épargne, de plus en plus de dettes ». Mouvement qui prend toute son ampleur aux Etats-Unis (qu’Isaac Johsua a particulièrement étudiés) : le taux d’épargne des ménages américains devient nul, le taux de consommation (70 % du PIB) y est plus élevé que partout ailleurs - ceci n’étant possible que parce que les Etats-Unis, autrefois créanciers du reste du monde, en deviennent débiteurs (en particulier vis-à-vis des pays émergents) et qu’ils jouissent du privilège du dollar. Ce qu’il reste de la politique économique, susceptible de contrecarrer les crises, se résume à une politique monétaire expansive : le pilotage par les taux d’intérêts (bas), qui décourage l’épargne mais encourage la création monétaire par les banques, alimente l’endettement et stimule la consommation. La bulle immobilière américaine n’est que le dernier avatar de cette politique.. Toute l’histoire économique des trente dernières années est ainsi celle d’une fuite en avant : dès que le ralentissement de la demande se profile, on la relance par le crédit, surtout au sein de la « locomotive mondiale ».
L’économie est inondée de liquidités par le laxisme de la banque centrale américaine, ceci jusqu’à ce que la pyramide de l’endettement s’écroule. Il a fallu inventer une nouvelle finance qui permette de répondre aux sollicitations de taux d’intérêt poussés au plancher, par exemple avec la titrisation des créances, qui a permis aux banques d’accorder bien plus de crédits qu’elles n’auraient dû.
Sur cette base, la théorie de la crise est à revoir. Ce n’est pas une crise des débouchés, puisque la part de la consommation (surtout privée) ne cesse de progresser. Il faut simplement voir que c’est la consommation des riches qui se porte le mieux (contrairement au passé, ils épargnent relativement de moins en moins), celle des pauvres se faisant, elle, dans des conditions de crédit de plus en plus périlleuses. Ce n’est pas une crise de l’investissement, la part de celui-ci dans la répartition du profit étant resté à peu près stable. La crise est en fait essentiellement une crise de suraccumulation, c’est-à-dire « une accumulation de capital qui s’accomplit à un rythme tel qu’elle ne peut maintenir dans la durée le taux de profit escompté par les apporteurs de capitaux », dans un emballement comparable à la fièvre de l’or. Une suraccumulation dont on trouve de nombreux exemples dans le passé, mais qui a pris une ampleur nouvelle et a été manifeste lors de la crise de la « nouvelle économie » (la net-économie), crise dont la crise actuelle n’est que le prolongement. Rien d’étonnant à ce que cette dernière se traduise par une immense destruction de capitaux, l’ensemble des capitaux « fictifs » (les titres) revenant sur terre.
A cette analyse extrêmement convaincante, je n’ajouterai que quelques commentaires. On voit bien que toutes les tentatives de « régulation de la sphère financière » ne feront qu’élever des digues qui seront bientôt emportées, car la source du mal est ailleurs : dans l’inflation de crédit qui la nourrit. Et, quant on pense aux centaines de milliards qui vont être dépensées dans l’économie américaine pour racheter aux frais du contribuable (c’est-à-dire en alourdissant la dette publique) les mauvaises dettes privées, en faisant fonctionner en dernier ressort la planche à billets (la création monétaire par la FED), on se dit qu’on ne recule que pour mieux sauter. En tout état de cause ce ne sont pas des « plans de relance » conjoncturels qui peuvent redresser la situation. La seule solution d’une sortie de crise serait un retour à la planification et à une véritable politique économique, qui encadrerait les marchés, et qui répondrait aussi à l’urgence économique autrement que par des mécanismes marchands (le marché des droits à polluer) qui sont devenus une nouvelle source de spéculation. C’est bien ce que suggère Isaac Johsua à la fin de son livre. Je ne peux aussi qu’être d’accord avec lui, lorsqu’il pose la question : « On nationalise des banques pour sauver les profits : au nom de quoi refuserait-on de nationaliser des entreprises pour sauver des salariés ? ».
Deuxième observation : la relance de la demande, n’en déplaise à la gauche, n’est pas non plus le remède miracle. Il faudrait bien au contraire freiner la consommation des riches, car c’est elle qui a fait dériver tout le système, ces derniers manifestant une avidité sans limites, qui pousse précisément à la suraccumulation pour générer des profits exorbitants au regard des possibilités réelles. Mais c’est peut-être là une faiblesse de l’analyse de Joshua : le mécanisme pour extraire une telle plus-value a reposé sur un développement si énorme et si parasitaire de la finance de marché (celle des actions, des titres de créance et des produits dérivés) que celui-ci a fini par peser sur le profit lui-même, d’où la suraccumulation. Non seulement la finance s’est autonomisée, mais elle a pompé une grande partie de la richesse réelle (qu’on songe seulement au détournement de profit opéré pour le compte des dirigeants d’entreprise et des traders). Ensuite le prélèvement opéré pour la consommation des super-riches a eu un effet dramatique sur le modèle de développement en suscitant aussi le consumérisme gaspilleur des autres classes sociales, par effet d’imitation, comme Veblen l’avait déjà si bien vu il y a plus d’un siècle (lire à ce propos Hervé Kempf : « Comment les riches détruisent la planète »). Dès lors limiter ou taxer lourdement les hauts revenus et les patrimoines n’est plus seulement une affaire de « justice sociale » ou de « décence » (moraliser le capitalisme, dit-on), mais une question de salut public pour l’humanité toute entière, qui vit dans une planète finie et terriblement fragilisée.
Tony Andréani Professeur émérite de sciences politiques à l'Université de Paris 8
Mayotte a voté à oui 95,2 % pour devenir le 5ème DOM et le 101 ème département français.
C'est un enjeu important pour un territoire qui a un PIB 3 fois inférieur à l'Ile de la réunion, mais 9 fois supérieur au reste des Comores. Ces derniers s'enfoncent dans la misère et la pauvreté en ayant suivi les indépendantistes qui n'ont aucun plan d'avenir en dehors de l'indépendance et de l'obscurantisme.
C'est une bonne nouvelle pour Mayotte qui va leur faire bénéficier de la solidairité nationale. Mais pourquoi avoir prévu un délai de 20 ans pour faire les rattrapages institutionnels et sociaux? Dommage! Tout ce qui peut contribuer à développer les territoires du Sud par des décisions démocratiques est bon à prendre.
Il est à noter également que la départementalisation évitera la mise en place de dispositifs anti-républicains comme la remise en cause du droit du sol pour Mayotte[1] souhaitée par François Baroin, ministre français de l’Outre-mer, en 2005.
[1] pour lutter contre l'immigration clandestine
Jérôme Manouchian
La gauche de la gauche est malheureusement incapable de s'unir. Elle est atteinte par une maladie infantile qui a comme conséquence que l'on peut faire l'unité que si on est d'accord à 100%. C'est idiot car si on était d'accord à 100%, on serait tous dans la même organisation.
Déjà à la présidentielle, 4 candidats du non de gauche se sont présentés aux élections. Cette fois-ci José Bové qui était l'un d'entre eux a décidé d'être sur la liste de Daniel Cohn-Bendit , oui-ouiste notoire !
D'abord différentes petites organisations regroupés dans la Fédération se sont exclues d'elles-mêmes car elles ont acceptées que des opposants à la direction du PCF (les communistes "unitaires"), mais toujours membres du PCF soit intégrés dans la Fédération. Comment le PC peut accepter d'avoir les mêmes opposants dans le PCF et de les retrouver dans le Front de gauche dans une autre organisation.
Puis, LO et le NPA ont chacun décidé de faire cavalier seul.
Quant aux alternatifs et au MRC, ils ont décidé de ne pas participer aux élections, ce qui est quand même problématique pour des partis politiques.
Le Front de gauche partira donc aux élections avec trois composantes: le PCF, le Parti de gauche et la Gauche unitaire.
Cette dernière organisation crée par Christian Piquet et Michèle Ernis est pour l'instant peu abondée par les anciens partisans de Christian Piquet au sein de la LCR. Par contre, certains non organisés sont en train de discuter avec Christian Piquet pour intégrer le Front de gauche via la Gauche unitaire.
Nous sommes donc loin des espérances que nous avions de voir un Front du non de gauche!
Malgré cela, nous avons des motifs de satisfaction. D'abord, près de 4.000 adhérents se sont retrouvés dans le Parti de gauche dont beaucoup n'étaient pas organisés préalablement. De ce point de vue, cela augmente le nombre d'adhérents dans les partis politiques de gauche et cela est positif.
Par ailleurs, le fait de faire une campagne électorale avec trois composantes obligent des camarades qui ne se connaissaient pas à travailler ensemble. C'est bon pour la stratégie à front large. Là, où des réunions du Front de gauche ont lieu, une bonne assistance est venue. Malheureusement, il y a de nombreux départements où les réunions du Front de gauche n'ont toujours pas démarré.
En dernier lieu, il n'y a que dans le Front de gauche que l'on verra se développer le discours laïque, social et républicain de gauche, indispensable pour reconquérir les couches populaires (ouvriers, employés) qui représentent 50% des ménages selon l'INSEE.
Jérôme Manouchian
La Voix du Nord indiquait récemment que le 13 mars avait lieu la pose d’une première pierre d’un “centre cultuel et culturel” en présence du Consul d’Algérie, des maires de Louvroil (PCF) et de Maubeuge (PS) et d’un dirigeant d’association cultuelle particulièrement intolérant puisqu’il refusa de parler à une journaliste qui le sollicitait en motivant son refus en invoquant un article publié où la journaliste n’aurait accordé que deux lignes à la religion et trop de place à l’aspect festif.
Le terrain pour construire cette mosquée a été cédé par la ville de Maubeuge. Dans une région sinistrée comme le bassin de la sambre, où des quartiers entiers ont été totalement sinistrés après la tornade de cet été, que les sinistrés ne parviennent pas à être dédommagés et que les impôts locaux sont régulièrement augmentés pour éponger les résultats de gestions hasardeuses, l’investissement d’une municipalité dans un lieu de culte parait indécent.
En effet, lorsque M. Sarkozy était ministre de l’intérieur, il avait mis sur pied une commission, la commission Machelon, qui avait remis un rapport proposant une révision de la loi de 1905. On révisait notamment l’article 2, en réintroduisant l’idée qu’il pourrait y avoir un financement public plus ou moins indirect des associations cultuelles, en brouillant la frontière pourtant claire entre associations culturelles et associations cultuelles.
Évidemment, cela était fait pour de très beaux prétextes afin de mettre au même niveau toutes les religions, par exemple de permettre aux musulmans qui avaient très peu de mosquées à l’époque de bénéficier d’un patrimoine architectural dont seuls les catholiques bénéficient… On met toujours en avant un joli prétexte d’égalité. Pourtant en République, l’égalité doit s’entendre de toutes les options spirituelles. Si jamais on dit qu’il faut permettre aux musulmans de financer des mosquées sur fonds publics, évidemment toutes les autres religions vont demander le même financement, car en République aucune loi n’est sélective. Pourquoi pas les athées ne pourraient-ils alors pas demander le financement, sur fonds publics, de maisons du peuple où on enseignerait l’humanisme ; les francs-maçons le financement de temples maçonniques ?
Il ne faut pas rentrer dans cette logique, car c’est une logique de communautarisation de l’argent public. L’argent public doit rester intégralement dévolu à ce qui est d’intérêt commun. Aujourd’hui, c’est très important de le rappeler. Il est absolument scandaleux d’imaginer que l’État n’ait plus assez d’argent pour financer une recherche médicale d’intérêt commun, alors qu’il se découvrirait assez riche pour financer la religion qui n’engage que les croyants ! Je trouve qu’il y a là quelque chose qui est littéralement antirépublicain, puisque l’État se replie de ses missions sociales traditionnelles, notamment financer l’accès au soins santé pour tous, il se réinvestirait dans un subventionnement public de la croyance religieuse. Il faut alerter les citoyens, leur demander s’ils ne trouvent pas absolument scandaleux que ce qui est d’intérêt commun soit délaissé alors que ce qui est d’intérêt particulier serait promu'' ».
La loi de 1905 est très claire. Elle stipule que le patrimoine des églises qui est légué par l’histoire, environ 35 000 ou 38 000 églises et cathédrales construites avant 1905, et qui appartient à l’État depuis la Révolution française, continuera à être entretenu en tant que patrimoine artistique et national, mais que cet entretien n’incombera pas à l’État lorsqu’il s’agira d’édifices postérieurs à 1905, car aucune loi n’est rétroactive.
Les édifices religieux construits après le 9 décembre 1905, plus exactement à partir du 1er janvier 1906 (date d’effet de la loi) étant propriété privée des autorités religieuses, devront être entretenus par elles. La règle est absolument claire. Le fait qu’on entretienne un patrimoine historique ne signifie pas qu’on ait à financer de nouveaux édifices religieux. Ceux qui prétendent le contraire sont de mauvaise foi. Il y a eu pour le législateur, pour Aristide Briand et Jean Jaurès, à régler deux problèmes distincts : le problème de savoir ce qu’on faisait du patrimoine, et le problème de savoir qu’elle allait être la nouvelle norme. Or, la nouvelle norme est dite sans ambiguïté par l’article 2 : « L’État ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». On ne peut pas assimiler à une subvention, l’entretien d’un patrimoine architectural légué par l’histoire. Ceux qui font une telle assimilation sont de mauvaise foi.
Il faut aussi remarquer qu’un certain nombre de lois antilaïques existent encore :
Il existe donc tout un arsenal juridique qui détourne la loi mais également des pratiques, usages et coutumes qui permettent à certains politiques de mettre à leur profit les organisations communautaires :
Les municipalités de Louvroil et Maubeuge ont donc décidé d’utiliser ces artifices pour contenter les musulmans organisés de leurs secteurs.
Pendant ce temps, les usines ferment et certains entrepreneurs peinent à obtenir les permis de construire pour développer leurs activités. C’est vrai que de nos jours une Mosquée ça dure plus longtemps qu’une entreprise !
Nicolas Pomiès
EUROPE ET MEDITERANNEE : LES ENJEUX DE LA LAICITE
Samedi 4 et dimanche 5 avril 2009 à la Bourse du Travail de Saint-Denis (93200), 9-11, rue Genin (entrée rue Bobby Sands) Entrée libre
Une femme aussi emblématique de la lutte contre l’intégrisme que Taslima Nasreen, des intellectuels aussi rigoureux que Catherine Kintzler et Henri Peña-Ruiz, des militants de terrain de plusieurs pays, des élus et des représentants des courants les plus engagés du combat laïque et social… seront présents pour cette 2e édition des RLI.
En 2007, les Rencontres de Montreuil se séparaient sur un appel : « La laïcité, dans ses fondements les plus profonds, est un principe universel. La séparation du religieux et du politique représente un progrès de l’humanité vers le respect de l’individu, de ses libres choix. C’est aussi la condition incontournable du vivre ensemble. La laïcité se voit attaquée à la fois par tous les fanatismes religieux et les fanatiques d’une dérégulation du monde qui, sous couvert de loi du marché, vise à asservir les plus faibles. » Où en est-on en 2009 ?
Face aux dangers qui pèsent sur le monde, et plus particulièrement dans le contexte des prochaines élections européennes, nous devons internationaliser le combat laïque et social pour créer le rapport de forces de demain.
Toutes les infos sur le site www.laicity.info
Le Collectif D'initiative Laïcity
c/o UFAL - 27, rue de la Réunion - 75020 PARIS - France
Tél. : 01.46.27.09.25
Par Malka Marcovich éd. Jacob-Duvernet, Paris, 2008
Malka Marcovich révèle, dans son livre, « les Nations désunies : comment l’ONU enterre les droits de l’homme », la multiplication des attaques de la part des régimes répressifs contre les valeurs humaines universelles et les droits des femmes, véhiculés par l’O. N. U ; ceci aux noms de la « diversité culturelle » et du relativisme culturel, ainsi que du respect des religions, de la lutte contre l’« islamophobie », etc.
Selon l’auteure, ces attaques sont menées principalement par les pays de l’Organisation de la conférence islamique (O.C.I), menés par l’Iran, le Pakistan, l’Arabie saoudite, la Libye, avec l’appui de la Chine, de la Russie, de Cuba, du Venezuela, et parfois la complicité active ou passive de pays occidentaux, tels que la Grande-Bretagne, la France, la Suisse…
Comment peut-il en être autrement, lorsque le nouveau Conseil des droits de l’homme est composé majoritairement de pays qui sont loin d’être des modèles en la matière. C’est pourquoi, l’examen de l’état des droits de l’Homme dans tel ou tel pays tourne souvent à la « parodie ». Un exemple surréaliste parmi beaucoup d’autres contenus dans ce livre : Cuba, le Venezuela et la Corée du Nord félicitent le Pakistan, président en exercice de l’O.C.I, d’avoir fait de cette organisation, la « cheville ouvrière » du Conseil des droits de l’Homme.
La Déclaration universelle des droits de l’homme et les conventions et résolutions, qui en découlent, ne sont pas épargnées, non plus. Ainsi, le président iranien, Ahmadinedjad, n’a-t-il pas, lors de la réunion du Mouvement des pays non alignés, tenu en septembre 2007, à Téhéran, réclamé l’adoption d’une nouvelle déclaration universelle des droits de l’homme au prétexte que les pays musulmans n’étaient pas suffisamment représentés lors de son adoption, en 1948. Cette réclamation est relayée le mois suivant par l’O.C.I à l’Assemblée générale de l’O.N.U.
Cuba aurait, elle aussi, proposé, une nouvelle charte des droits de l’homme et des peuples. Pour ce qui est de la Chine, les droits de l’Homme ne doivent pas contredire les : « traditions historiques, culturelles et religieuses des différents pays. »
Quant à la fameuse Alliance des civilisations, qui doit sa mise sur pied sur l’initiative de l’Iran, ses objectifs sont proclamés la prévention des conflits et la compréhension entre les civilisations. Elle a pour ce faire placé les trois religions monothéistes au cœur des cultures et civilisations, au détriment du politique. A cause entre autres de cette régression, elle légitime, les traditions rétrogrades et les atteintes aux droits de l’homme.
De même qu’elle a trouvé prétexte de la recrudescence de la musulmanophobie, après les attentats d’Al-Qaïda aux États-Unis d’Amérique, le 11 septembre 2001, pour assimiler la critique des dimensions misogyne et attentatoire aux droits humains de l’islam à du racisme et à l’intolérance religieuse. Il lui ait alors plus facile d’appeler, comme le font des pays de l’O.C.I. (ce sont pour la plupart les mêmes que ceux de l’Alliance), à remettre en cause le droit au blasphème et à la liberté d’expression. Cette Alliance a également stigmatisé, comme raciste, la loi laïque française, du 15 mars 2005, contre les signes religieux à l’école publique.
De même qu’un grand nombre d’ONG, dont certaines sont de pures créatures des régimes répressifs, sont, elles aussi, gangrenées par le relativisme culturel, qui leur fait défendre quelquefois des positions réactionnaires. C’est ainsi que sous la pression de l’industrie du sexe, des ONG telles que Antislavery International et Franciscain International, proche du Vatican, ont réussi à faire supprimer la Convention internationale pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui. Cette industrie a réussi aussi à faire occulter par l’ONU la dimension essentielle, qui est celle de l’« aliénation » de la victime, dans les mécanisme de domination et d’oppression, pour focaliser sur la « contrainte ». C’est alors la victime de prouver qu’elle a été contrainte de se prostituer, par exemple, et non plus au bourreau.
Quant à Lin Lean, de l’Organisation internationale du Travail, elle a proposé, dans un rapport sur la prostitution dans le sud-est asiatique, de transformer les prostituées en travailleuses du sexe et les proxénètes en honorables entrepreneurs du sexe, également, afin que ceux-ci participent à l’essor économique des pays cette région.
Les mêmes régimes répressifs, avec souvent les mêmes alliances, sont parvenus aussi à limiter la démocratie aux seules élections, ignorant ainsi les libertés d’expression et de conscience. La démocratie s’est vue aussi dépouillée, au cours du Sommet mondial sur ce thème, de 2005, de sa dimension universelle, en la présentant comme « diverse » et « soumise à la souveraineté » des États. Sur la même lancée, cette notion s’est vue relativisée par le Forum mondial sur la société civile, tenue en 2006 à Doha.
Le livre rappelle opportunément, comment la conférence de Durban, d’août 2001, s’est transformée en déferlement de violences antisémites, tant symboliques que physiques, et l’ignorance totale des droits des femmes.
Pour toutes ces raisons, Malka Marcovich, propose la création par les pays démocratiques d’une nouvelle ONU, fondée sur les valeurs des Lumières et les règles démocratiques. Ceci d’autant plus que les pays démocratiques assurent 90 % du budget de l’ONU et de ses agences spécialisées, en plus des fonds spécifiques, alors que les États antidémocratiques ou répressifs ne concourent qu’à un peu plus de 1 %.
Cependant, unique fausse note dans cet ouvrage : Israël et le sionisme sont présentés- systématiquement- comme victimes, tandis que l’évocation de la question palestinienne est -très souvent- présentée comme soit une diversion, soit une dérive ou au milieu des dérives au sein de l’ONU. Pire, elle déplore, dans un long développement, le fait que cette institution consacre, d’après elle, beaucoup d’énergie et de moyens, par rapport à d’autres causes, pour la résolution de cette question. Fort heureusement, ce soutien de l’auteure aussi inconditionnel que suicidaire sur le long terme pour l’existence d’Israël, n’altère en rien le caractère précieux de ce livre, à lire et à faire lire absoluement par le plus grand nombre, tant il révèle ce qui se trame sur les droits des peuples et des femmes du monde entier.
Hakim Arabdiou
Au Conseil des droits de l’homme, la palme du « deux poids deux mesures » revient à Jean Ziegler. L’ami de Castro et du colonel Kadhafi a fait une grande partie de sa carrière aux Nations Unies comme rapporteur contre la faim. Une casquette qu’il utilise pour signer des essais — parfois intéressants — contre les Etats-Unis, qu’il décrit comme l’« empire de la honte ».
La crise alimentaire lui donne raison d’être parti en guerre contre les biocarburants — qu’il qualifie de « crimes contre l’humanité » — et certaines politiques du FMI. Mais la vigilance de Jean Ziegler est tellement partiale et sélective, qu’elle finit par discréditer les plus nobles causes.
Ces dernière années, Jean Ziegler a critiqué les Etats-Unis dans 34 déclarations. Il accuse notamment la « dictature impérialiste » de commettre un « génocide » à Cuba. Mais, dans le même temps, ce rapporteur zélé a « omis » de traiter de l’alimentation dans 15 des 17 Etats censés être examinés. Le Brésil, principal producteur d’éthanol, est bizarrement épargné dans ses rapports. Trop occupé qu’il était sans doute à décrire Gaza comme « un camp de concentration ». En session, il n’hésite jamais à saluer ses amis du régime cubain. Dans la presse, il n’a aucun scrupule à vanter les mérites du président ivoirien, Laurent Gbagbo, un des « rares vrais hommes d’Etat de sa génération ».
Très proche de la famille Ramadan et du Centre islamique de Genève, Jean Ziegler et sa femme ont beaucoup fait pour mettre la gauche suisse en contact avec Tariq Ramadan. Au milieu des années 90, cette militante communiste en charge des affaires culturelles de la Ville de Genève a retiré la subvention prévue pour jouer une pièce de Voltaire sur Mahomet, comme le souhaitait « Frère Tariq ». Ce qui n’empêche pas Jean Ziegler d’avoir écrit une très belle lettre pour soutenir la liberté d’expression… du négationniste Roger Garaudy.
Bref, un parcours exemplaire. Qui mériterait bien de recevoir le "prix Kadhafi des droits de l’homme" — prix dont il a lui-même eu l’idée avec le colonel. Parmi les lauréats : Fidel Castro, Louis Farrakhan, Roger Garaudy… De toute cette liste, Jean Ziegler est le seul à prétendre être un expert indépendant au service des droits de l’homme. Après sept ans passés à politiser le combat contre la faim, il postule de nouveau au poste de rapporteur au Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
D’après un article paru dans Charlie Hebdo du 18/03/09
Voir cet article sur son site d'origine
Fiammetta Venner
Caroline Fourest carolinefourest.canalblog.com
Allocution de Jean ESTIVILL, Président de l’ARAC (Section de Savigny sur Orge) à l’occasion du cessez-le-feu de la guerre d’Algérie place du 19 mars
La guerre d’Algérie était une guerre coloniale et comme toutes les guerres coloniales on devait en connaître son issue : Il n’y a plus de colonie dans le monde.
Alors pourquoi tant de souffrances ? Pourquoi plus d’un million deux cents mille appelés, plongeant dans l’indescriptible angoisse ces centaines de milliers de familles françaises auxquelles à tout moment on pouvait apporter la terrible nouvelle ? Pourquoi ces sept cents mille algériens disparus pendant les huit années de cauchemar ? Pourquoi ce sort réservé aux Harkis ? Pourquoi ces centaines de villages brûlés ? Pourquoi ce million de déracinés d’origine européenne souvent mal compris en métropole ? Pourquoi ces trente mille jeunes conscrits qui ne reviendront jamais ? Pourquoi tant de blessés, de traumatisés, de centaines de milliers de combattants qui allaient comme ceux de 1914-1918 se murer dans le silence, imposé par l’horreur qu’ils ont vécue.
Oui les plaies sont encore vives. Il nous appartient peu à peu de les faire disparaître. Nous ne le ferons pas au prix du renoncement à la vérité historique et en cédant sur nos valeurs républicaines et humanistes.
Soyons des pédagogues, rappelons la mémoire de ceux qui se battirent pour un monde fraternel, un monde de paix et qui le payèrent de leur vie.
Évoquons aujourd’hui ces six algériens et français mêlés. Tous inspecteurs de l’Éducation nationale, réunis quatre jours avant le cessez-le-feu, voulu par le général De Gaulle et le peuple français, trois jours donc avant la signature des accords d’Evian à château royal dans le quartier del Biar près d’Alger. Parmi eux Max Marchand leur responsable, un normand passionné d’Algérie et Mouloud Feraoun, l’ami d’Emmanuel Robles qui l’encouragea, que dis-je, qui le somma d’écrire son journal qui nous apprend tout, nous dit tout, nous fait comprendre tout du drame algérien. « Le fils du pauvre kabyle » qui par son talent et grâce à l’école de la République se hisse à la hauteur des grands écrivains comme l’écrivait son ami Albert Camus.
Ces six hommes de bien dirigeaient les centres sociaux crées par Germaine Tillon, chef du réseau de résistance du Musée de l’Homme, déportée à Ravensbrück, avec une passion commune, le sauvetage de l’enfance algérienne par l’alphabétisation et la formation professionnelle pour apprendre à vivre ensemble un peu moins mal, pour que deux communautés, que les dirigeants politiques avaient depuis toujours laissées coexister l’une à coté de l’autre, ne s’ignorent plus.
« Un commando Delta des tueurs de l’OAS les déchiqueta à l’arme automatique ce jour là, comme des chiens dos au mur, pour qu’un dernier espoir s’éteigne. » comme l’écrivait Jean-Pierre Rioux. Alors ne laissons pas les nostalgiques de ceux qui tentèrent à de si nombreuses reprises d’assassiner le chef de la France libre revendiquer une quelconque place dans notre République, comme nous ne l’acceptons pas pour la guerre de 1939-1945, des tristes négationnistes. Laissons aux historiens le soin d’élaborer la vérité historique.
C’est d’elle que nous avons besoin. C’est leur mission. Nos universitaires en particulier ont la confiance de la Nation. Les anciens combattants et leurs associations sont à leur disposition pour leur apporter leur témoignage vivant et irremplaçable.
Certes l’histoire est toujours en construction. Elle ne sera jamais définitive et c’est bien ainsi ! Pas de dogme, de vérité révélée, d’histoire officielle. Non mais une quête apaisée de ce qui fut et qui permet aux républicains que nous sommes de confronter nos points de vue en toute sérénité, comme nous pouvons le faire maintenant depuis quelques années avec la seconde guerre mondiale, où chacun continue d’apporter sa pierre, le fait avec le confiance de l’autre, qui l’attend lui-même pour s’enrichir.
N’était-ce pas sur le plan de l’histoire, la démarche obstinée et constante de Jean Marsaudon qui pendant 25 ans, fidèle à ses convictions, fort de ses propres analyses mais ouvert et attentif au point de vue différent du sien, rassembla le monde ancien combattant pour qu’il œuvre en toute fraternité dans ce sens. Oui il faut être intransigeant sur l’essentiel : notre idéal républicain. A partir de là tout devient possible, les divergences ne sont plus un obstacle au nécessaire dialogue. Continuons d’être des hommes de bonne volonté comme nous le sommes aujourd’hui, tous réunis sur cette place du 19 mars.
Jean ESTIVILL
Le petit-fils de l'ancienne Premier ministre de l'Inde Indira Gandhi a été laissé en liberté vendredi par la justice, malgré le tollé soulevé par un discours antimusulman prononcé pour la campagne des élections législatives d'avril-mai.
Varun Gandhi petit-fils d’Indira Gandhi a déclenché une tempête politique depuis qu’une télévision a diffusé le 20 mars dernier des extraits d’un discours, où il affirmait que le BJP "couperait la tête des musulmans".
"Ceux-ci "portent des noms effrayants, comme "Karimullah" ou "Mazullah", si bien que quand vous les croisez la nuit, vous avez peur",
« Allez dans vos villages et faites passer le mot d’ordre suivant : tous les hindous doivent s’unir pour empêcher cette région de devenir un nouveau Pakistan », leur dit-il. Puis il s’en prend à son rival, un musulman, n’hésitant pas à le surnommer « Oussama Ben Laden ». « L’Amérique n’a pas réussi à attraper un Oussama, mais Varun Gandhi en attrapera beaucoup après les élections. » Tendant la main vers la foule, il poursuit : « Après les élections, cette main coupera la gorge de tous les circoncis (en Inde, il s’agit d’une allusion aux musulmans, NDLR). Vive Ram ! »
Varun Gandhi affirme pour sa part que ses déclarations ont été « tronquées » et qu’il est « victime d’une conspiration politique ». « Ce ne sont pas mes mots et ce n’est pas ma voix. Je n’ai jamais fait de discours communautariste ; je n’ai aucun grief contre une communauté, quelle qu’elle soit », s’est-il défendu.
La commission électorale a ordonné une enquête et la police régionale a porté plainte. Un laboratoire spécialisé est en train d’analyser l’enregistrement vidéo. Mais comme le soulignent nombre d’observateurs, cela prouve qu’il y a dans ce pays une volonté de remonter les deux principales communautés, musulmane et hindoue, l’une contre l’autre.
Varun Gandhi se bat pour une circonscription tenue jusqu’ici par sa mère, Maneka Gandhi, la veuve de Sanjay Gandhi, le plus jeune fils d’Indira Gandhi.
La Commission électorale avait exigé des "poursuites criminelles", pour avoir alimenté les tensions inter-communautaire s. Un avertissement a aussi été transmis à son parti. Varun Gandhi assure que ses propos ont été tronqués et qu’il n’a voulu provoquer personne.
Le BJP s’est désolidarisé de son jeune candidat, un mois avant le début des élections législatives du 16 avril au 13 mai, à l’issue desquelles le parti espère revenir au pouvoir.
La Haute cour de Delhi a ordonné à la police de ne pas appréhender Varun Gandhi, mais a sommé le candidat à la députation du parti nationaliste hindou (Bharatiya Janata Party, BJP ou Parti du peuple indien) de s’acquitter d’une caution de 50.000 roupies (1.000 dollars), selon Press Trust of India.
Moruni Turlot
Le mouvement d’Algérie – Djezaïr a été crée, en 2008, en France, par des natifs d’Algérie. Qu’ils soient d’origine "afro-berbère, judéo-berbère, arabo-berbère ou bien issus de toutes les origines euroméditerranéennes" ; qu’ils vivent actuellement en Algérie, en France ou dans un autre pays ; qu’ils jouissent de la nationalité algérienne, française ou autres, ils n’estiment pas moins que l’Algérie est également leur pays. Il se considèrent aussi "Unis par la conception moderne et républicaine de la nationalité fondée sur le sol, et non sur le sang."
Du fait de l’histoire, notamment de l’indépendance de l’Algérie, mettant fin au système colonial, la quasi-totalité des Algériennes et des Algériens d’origine européenne ou juive a dû s'exiler. Beaucoup d'autres suivront plus tard le même chemin à cause du terrorisme islamiste.
C'est pourquoi, les intéressés ont joint leurs efforts pour créer le Mouvement d’Algérie-Djazaï r sur des "valeurs humanistes", afin de contribuer à faire reculer les "étroitesses identitaires" , à transmettre un "message d’universalité" , à reconstituer la "fraternité" et la "réconcialiation" entre tous les natifs d’Algérie, montrant ainsi "que la haine n’est pas une fatalité de l’Histoire."
Vous lirez ci-dessous le communiqué de ce Mouvement qui a été envoyé au président de la République algérienne lui demandant l'octroi de droit la nationalité algérienne à tous les natifs d’Algérie. Ce communiqué a également été envoyé à tous les candidats à l’élection présidentielle en Algérie, à la presse et à la société civile en Algérie.
Vous lirez également le texte fondateur et ses signataires en cliquant ici
Hakim Arabdiou
Les conditions dramatiques d’accession de l’Algérie à l’Indépendance ont eu notamment pour effet l’exode de la quasi-totalité de la population non musulmane.
Le 1er Code de la Nationalité adopté par la Première Assemblée Nationale, juste après la Constitution, en novembre 1962, stipulant que seuls les citoyens musulmans sont automatiquement Algériens, contrairement aux déclarations du FLN et du GPRA adressées, quelques années plus tôt, aux « Européens et aux Juifs » les considérant comme « Algériens », a très vite transformé pour tous les natifs non musulmans, ainsi que pour leurs descendants, l’arrachement à leur terre natale en exclusion définitive.
Eu égard à notre vision humaniste, et considérant :
Nous, signataires du Mouvement D’Algérie-Djezaïr, tous natifs d’Algérie ou descendants de natifs, demandons à Monsieur le Président de la République algérienne de bien vouloir entamer une procédure législative qui mettrait fin à cette injustice en rétablissant automatiquement et collectivement tous les natifs d’Algérie, et leurs descendants, dans leur droit d’être aussi Algériens de nationalité.
Hakim Arabdiou
Les récentes élections au Salvador ont comme un goût de jamais vu. Le FMLN (Front Farabundo Martí de libération nationale) représenté par Mauricio Funes a gagné avec 51, 3 % des suffrages, ce dimanche 15 mars 2009, les élections présidentielles face au parti ultra conservateur ARENA (Alliance républicaine nationaliste) dirigée par Rodrigo Avila, l’ancien chef de la police nationale formée par le FBI dans les années 80.
Ce petit pays d’Amérique n’est guère évoqué dans les livres d’Histoire. El Salvador au nom hérité de la conquête évangélisatrice du XVIème siècle a toujours connu l’enfer de la dictature et son histoire regorge de coups d’états et de guerres civiles. État indépendant depuis 1821, l’implantation du café en a fait une véritable « république caféière » laissant le champ libre à la concentration des terres cultivables par l’oligarchie composée d’une dizaine de famille : les fameuses « 14 familles ».
Le coup d’État de 1931 du général Maximiliano Hernandez Martinez qui va l’asseoir au pouvoir jusqu’à la grève générale de 1944. La crise de 1929 a eu, entre autres conséquences, une influence directe sur la chute du prix du café répercuté sur le semblant de salaire que percevait les paysans et ouvriers. Cela a conduit à la révolte paysanne de 1931 dont l’ampleur n’a eu d’égale que la répression qui s’en est suivi, des milliers de paysans furent tués et l’un de ses meneurs fut sauvagement assassiné : il s’appelait Farabundo Martí.
Parler d’insécurité au Salvador touche à l’euphémisme, la guerre civile et son lot de massacres n’a jamais connu de trêve depuis que les États-Unis en ont fait une position stratégique dans l’échiquier de la guerre froide. Les gouvernements anti-communistes et les juntes militaires qui se sont succédés au pouvoir jusqu’en 1979 servaient de point d’ancrage aux bases militaires nord-américaine et devaient servir de poison-remède à la « contagion communiste » en Amérique latine.
Le nom de Martí fut repris en 1980 par des hommes bien décidés à en finir avec le néo-libéralisme et l’extrême droite et qui, en jetant les base du FMLN, se rassemblèrent sur un front. Le FMLN constituait une résistance à la pérennité du pouvoir oligarchique et un rempart au risque de coup d’État de la part du parti d’extrême droite, l’ARENA (Alliance pour la république et le nationalisme), le FMLN dut affronter une guerre autant psychologique qu’armée surtout à partir des élections de 1981 d’une droite conservatrice et répressive déguisée en social-démocratie.
Le triomphe du FMLN, au delà de sa symbolique et de l’hommage qu’il rend à la mémoire des luttes menées contre les paramilitaires, marque un tournant historique et s’inscrit en plein dans le virage à gauche des pays d’Amérique-centrale. Après la victoire du FSLN au Nicaragua, la défaite de la droite supra-conservatrice au Guatemala, l’entrée du Honduras dans l’ALBA et les protestations massives qui se sont exprimées contre le TLC (Traité de Libre Commerce) au Costa Rica.
Les accords de Chapultepec de 1992 marquèrent la fin très officielle de l’abominable guerre civile qui en 12 ans a fait plus de 75. 000 morts, ils visaient à condamner les exactions commises par l’armée régulière, interdisaient la formation de groupes paramilitaires et reconnaissait le FMLN comme parti politique.
Ces accords prônaient une redéfinition du rôle de l’armée et un retour progressif d’une partie de ses effectifs à la société civile :
« En tant qu’institution politique de l’État, l’armée n’a qu’un caractère instrumental, sans aucun pouvoir de décision dans le champ politique. »
Le texte de 1992 annonçait également la fin de l’enrôlement forcé :
« Toute forme de recrutement forcé sera suspendue dès la fin de l’affrontement armé »[1].
Le journal de droite le plus vendu du pays El Diario de hoy spécule sur les divergences d’orientation du FMLN depuis sa création en 1980, rappelle l’assassinat du poète Roque Dalton, membre du FPL (Forces populaires de libération, une des branches du FMLN) en l’attribuant aux divisions internes alors même que les circonstances de sa mort demeurent très floues. Le manichéisme médiatique tend à présenter le FMLN comme une bouillie politique où se distingue, en résumé, une branche radicale dite « orthodoxe » et une autre aspirant à une social-démocratie.
Or, dès sa création, le FMLN avait dans l’idée de mettre en place un processus révolutionnaire et démocratique en réunissant toutes les forces de gauche, le PCS (Partido comunista du Salvador), l’ERP (Armée révolutionnaire du peuple), le RN (Résistance nationale) et le PRTC (Parti révolutionnaire des travailleurs d’Amérique centrale), en témoigne la formation du FDR (Front démocratique révolutionnaire) et sa fusion avec le FMLN en 1985.
Malheureusement, l’armée régulière financée à hauteur de 6 milliards de dollars par les États-Unis dans les années 80, la guerre menée par les factions paramilitaires et la terreur semée par les lâches « escadrons de la mort » en décidèrent autrement.
Certes, la formation du parti politique du FMLN fut laborieuse et ce n’est qu’après la défaite aux élections de 1994 que fut réellement décidé d’« avancer d’un pas ferme vers une unification du FMLN pour en faire un parti démocratique, révolutionnaire et pluraliste », autrement dit d’en faire un parti de tendance plutôt qu’un « parti de partis ». Cette décision fut payante aux élections législatives et municipales de 1997, le FMLN commençait alors à acquérir une légitimité démocratique ainsi que la confiance d’un peuple meurtri par 70 ans de guérillas et soudé par 70 ans de résistance.
Alors que l’histoire politique du Salvador est jonchée d’arnaques électorales et que depuis 29 ans les élections ont été volées par les gouvernements successifs de droite, cette victoire de la gauche ne fait aucun doute. Dans un message officiel, le président du TSE (Tribunal suprême électoral) Walter Araujo a déclaré : « Nous avons vécu un processus électoral transparent, tranquille et massif », cette victoire du FMLN vient confirmer l’assise politique que le parti avait obtenue aux élections législatives du 18 janvier.
Rodrigo Avila et derrière lui l’ARENA joue encore la carte pathétique du « danger communiste » et fait penser à ces anciens du Viet Nam qui se croient encore au front, à la différence près qu’il ne s’agit pas là d’une folie post-traumatique mais des restes de la politique de Washington fossilisé depuis 70 ans au Salvador. En marge de la campagne électorale, deux militants du FMLN ont été assassinés dans la commune de Nepaja, près de la capitale du Salvador, un signe supplémentaire de la violence électorale qui a sévit dans le pays jusqu’à ce jour.
Autant dire que tout n’est pas joué et que l’opposition va tout faire pour enrayer le processus mis en place par la gauche, y compris par des moyens les moins démocratiques qui soient. L’ARENA ne disparaît pas, loin sen faut, du champ politique et conserve 34 députés à l’Assemblée contre 37 pour le FMLN
Le fer de lance du FMLN sera ce qu’il appelle une « économie sociale de marché » pour en finir avec cette paupérisation qui, depuis la désastreuse dollarisation de l’économie, n’a cessé de s’accélérer, (60 à 70 % des Salvadoriens survivent en dessous du seuil de pauvreté).
La lutte contre la corruption et le crime organisé est un des axes majeurs du programme du FMLN. La violence des bandes (les Maras par exemple) qui, jusque-là, a servi de prétexte à une politique répressive (le plan Super Mano dura) devra être tuée dans l’œuf en trouvant qui les finance, selon Aida Luz Santos (juge au tribunal des mineurs et conseillère de M. Funes) :
« El Salvador est le pays le plus violent d’Amérique Latine, avec un taux de 67 homicides pour 100 000 habitants. Lorsque Tony Saca le président sortant est arrivé au pouvoir en 2004, il y avait entre 6 et 8 homicides par jour…il y en a deux fois plus aujourd’hui ».
Ce soutien populaire massif et proprement historique s’explique aussi par la volonté exprimée du FMLN de mettre un terme à l’impunité concernant la guerre civile des années 80 et de rendre ainsi justice aux 75. 000 morts et 7000 disparus. Les médias présentent la chose de telle manière qu’ils laissent entendre que le parti récemment élu de Funes a encore les armes à la main, comme si venait d’avoir lieu un simili coup d’État donnant les rênes du pouvoir à ces enfants guérilleros dont parlait J. P Sartre à propos de Cuba en 1963.
S’il est vrai que le FMLN est une ancienne guérilla, il est légitime de se demander pourquoi les médias ne nous ont jamais parlé des complicités qui existaient dans les années 80 entre le fondateur de l’ARENA, Roberto d’Aubuisson, et les « escadrons de la mort ».
Rappelons pour finir que le président M. Funes n’a jamais été guérillero, il est plutôt un homme de plume qu’un homme en arme, en revanche son vice-président, Salvador Sánchez Ceren était un commandant de la guérilla. Ensemble, malgré des parcours différents, ils ont put être assez opiniâtres pour cibler un ennemi commun, ils ont montré qu’une révolution a d’autant moins de masques qu’elle peut avoir plusieurs visages. Le FMLN est vraisemblablement parvenu à une maturité politique suffisante pour fédérer les forces de gauche et redonner de l’espoir aux salvadoriens là où ne subsistait plus que la peur. De quoi gonfler, peut-être, de courage d’autres combats, en d’autres contextes.
[ Voir le discours sur Youtube.|http://www.youtube.com/watch?v=JqHL7P4uAUc]
Traduction :
« ''Chers compatriotes,
nous avons réussi mes amis. Aujourd’hui nous réalisons nos rêves de justice et de démocratie. Aujourd’hui, nous initions une des tâches les plus importantes de ces dernières années. Nous allons reconstruire notre pays. À partir de maintenant, l’ARENA devient un parti d’opposition comme nous l’avons été pendant si longtemps.
Maintenant est venu le tour de l’offensé-e, de l’exclu-e, de tous ceux que l’on a marginalisés. Aujourd’hui est venu le tour de ceux qui sont authentiquement démocrates, de ceux qui veulent, pour tous, hommes et femmes, une justice sociale.
Je veux dédier cette victoire à un saint qui nous éclaire, à notre Farabundo Martí (…) qui déjà réclamait cette justice sociale.
Nos armes se résument à la Constitution de la République de ce pays pour la construction d’un État social et démocratique…'' »
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Guillaume Beaulande