Depuis quelques années le phénomène de retour à la terre semble gagner en importance avec ceux que l’on appelle désormais les néo-ruraux(1)Écouter à ce sujet l’émission de France culture « Néo-ruraux : pour le meilleur ou pour le pire », 19/01/2021, 57 min. https://www.franceculture.fr/emissions/de-cause-a-effets-le-magazine-de-lenvironnement/de-cause-a-effets-du-mardi-19-janvier-2021. Si le mouvement n’est pour l’instant pas précisément quantifiable, il y a bien une tendance de fond et les exemples de reconversions spectaculaire foisonnent dans la presse, à l’instar de la journaliste Laure Noualhat qui a quitté Paris pour s’installer dans l’Yonne pour y faire du maraîchage biologique (cité dans le numéro de Socialter « Les cadres se rebiffent », juillet-août 2021). Mais cette bifurcation ne se fait pas sans mal, la transition offre son lot de joies et de déceptions.
Dans De la neige pour Suzanne (publié en 2021 aux éditions Tana), Clément Osé raconte son expérience de découverte de la vie à la campagne. Aujourd’hui âge de trente ans, l’auteur a grandi en banlieue parisienne avant de poursuivre des études à Sciences-Po. Après une expérience professionnelle dans la coopération internationale en Mauritanie et un voyage, il décide de changer radicalement de vie pour mener une existence plus en conformité avec ses idées et ses envies. Plus ambitieux qu’un changement d’orientation, il choisit aussi de changer de mode de vie en rejoignant en 2018 une ferme qui se veut un éco-lieu collectif. Ainsi, en plus de l’apprentissage du travail agricole et manuel, c’est aussi la vie en communauté avec différentes générations qu’il expérimente avec ses outils spécifiques : une charte, la répartition des tâches, des réunions où chacun expose sa météo intérieure pour tenter de désamorcer les conflits… Dans ce récit agréable et très sincère, l’auteur y relate les difficultés qu’il a rencontrées dans sa démarche (des caractères qui ne s’accordent pas toujours et le désert sentimental que peut représenter la campagne notamment), mais aussi la plénitude qu’il a gagnée en menant une existence beaucoup plus détachée du matériel. Lui et ses colocataires, inspirés par les théories de la collapsologie, sont à la recherche du maximum d’autonomie possible, tout en essayant de créer du lien social au sein du village et en participant à des luttes collectives.
On peut être admiratif de toute l’énergie déployée par ces néo-ruraux pour apprendre des savoir-faire : bâtir le lieu, produire ses légumes, faire son pain, etc. Mais quand l’on apprend qu’avec tous ces efforts ces Français décroissants parviennent à un niveau de consommation d’énergie et de ressources et de pollution proche de celui des Cubains, inférieur de six fois à celui du Français moyen, c’est-à-dire tout juste le seuil soutenable pour la Terre, on se dire que le chemin est encore bien long pour le reste de la société… Outre le caractère intéressant de l’expérimentation, la lecture de ce témoignage, au travers des réflexions de l’auteur, est aussi très instructive sur les motivations d’une certaine jeunesse qui n’a plus envie de faire de compromis.
Pour les curieux qui voudraient en savoir plus, à défaut de lire ce témoignage, il est possible d’écouter la série de podcasts du même Clément Osé intitulée « Un aller pour la Terre » (http://www.clementose.art/un-aller-pour-la-terre/)
Notes de bas de page
↑1 | Écouter à ce sujet l’émission de France culture « Néo-ruraux : pour le meilleur ou pour le pire », 19/01/2021, 57 min. https://www.franceculture.fr/emissions/de-cause-a-effets-le-magazine-de-lenvironnement/de-cause-a-effets-du-mardi-19-janvier-2021 |
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