Le projet de loi de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique, présenté le 6 septembre à l’Assemblée nationale, vise à faire sortir d’ici 2040 la France de l’ère du pétrole en « mettant fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures ». L’ambition est louable sur le papier. Quatre points émergent du projet de loi : mettre fin à la production d’hydrocarbures en France d’ici 2040, en finir à la même échéance avec les voitures à essence et diesel, lutter contre la précarité énergétique et réduire de 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici 2025.
Production d’hydrocarbures en France.
Cette production était de 0,8 million de tonnes (Mt) en 2016, chiffre bien modeste comparé à la production de la Russie (451 Mt) ou du Canada (215 Mt). La production française d’hydrocarbures ne représente que 1% de la consommation nationale. Malgré la portée symbolique du projet de loi au vu de l’urgence climatique, son décryptage par les associations Attac, 350.org, Les Amis de la Terre et le Collectif du Pays Fertois « Non au pétrole et au gaz de schiste » (http://www.amisdelaterre.org/Mettre-fin-aux-energies-fossiles-Decryptage-de-la-loi-Hulot.html) met en évidence le décalage entre la communication du gouvernement et ses effets d’annonce avec le contenu réel du projet.
Ainsi, les permis actuels d’exploration des hydrocarbures pourront être prolongés et donner lieu à de nouvelles concessions qui pourront être également prolongées jusqu’en 2040. Par ailleurs, le Code minier (qui n’est pas modifié dans le projet de loi) ne distingue pas les hydrocarbures conventionnels des hydrocarbures non conventionnels. Par conséquent, l’octroi d’une concession ouvre la possibilité à l’industriel qui la détient d’exploiter tout type d’hydrocarbures, à condition qu’il n’utilise pas la technique de fracturation hydraulique, technique qui n’est toujours pas définie par la loi. Dans le projet de Nicolas Hulot, ce qui est interdit est seulement la « prolongation d’une concession pour une durée dont l’échéance excède 2040 » (article 1). Ceci signifie que toutes les concessions actuelles pourront être prolongées. Seule la durée de cette prolongation variera : les concessions venant à échéance en 2020 pourront être prolongées de 20 ans, celles expirant en 2025 de 15 ans, etc. Et les concessions déjà octroyées pour une période excédant 2040 se poursuivront au-delà de cette date “butoir”, en raison de la non rétroactivité de la loi.
Nécessité d’une planification écologique et d’une cohérence politique.
Sortir de l’ère du pétrole nécessite pour la France d’adopter en premier lieu une position liée à ses importations de gaz et de pétrole qui représentent chaque année une facture énergétique de plus de 60 milliards d’euros (Mds €). Vouloir présenter un objectif à l’horizon 2040 signifie engager le pays dans le temps long, dans un processus nécessitant une planification écologique qui définit les priorités dans le domaine énergétique, mais également dans celui de la production et de la consommation des biens et des services. Le projet de loi de Nicolas Hulot ne prend pas cette direction puisqu’il n’engage aucun processus de transition énergétique d’ici 2040.
La sortie programmée des énergies fossiles doit évidemment commencer dès à présent et ne peut attendre cette date hypothétique de 2040, vu l’urgence écologique. Le changement climatique dont les effets se manifestent de plus en plus chaque année, montre que le modèle économique est insoutenable pour la planète, à la fois par le productivisme et le libre-échange. En mesurant l’empreinte écologique, on peut estimer le jour du « dépassement », date à laquelle les ressources renouvelables de la planète ont été consommées. Ce jour a été effectif au 2 août cette année au lieu du 1er octobre en l’an 2000. Au-delà de cette date et jusqu’à la fin de l’année, nous vivons « à crédit » de notre planète. Cette mesure globale cache évidemment les disparités qu’il y a entre les différentes régions du monde, entre les pays du Nord et du Sud.
Le projet de loi se devait de dépasser cette décision symbolique de stopper la production d’hydrocarbures en France qui n’est que marginale par rapport à la consommation nationale. C’est plutôt un grand débat sur la transition énergétique qui est attendu dans la société française autour de la sobriété et de l’efficacité énergétique, du développement des énergies renouvelables, de la place du nucléaire, et de prendre en compte l’objectif du pays à l’horizon 2050, c’est-à-dire diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre pour répondre aux engagements de la COP21. Dans un tel débat, le droit à l’accès à l’énergie est fondamental puisque 12 millions de personnes vivent aujourd’hui en situation de précarité énergétique. A ce stade, on ne peut se satisfaire de l’aide du gouvernement de proposer une aide (globalisée à 4 milliards €) pour porter un diagnostic de leur habitat, alors que c’est un vaste programme national de rénovation des logements pour les rendre conformes à la catégorie A des diagnostics de performance énergétique qui est attendu au niveau social et énergétique. Mais en réalité, c’est à l’opposé de cette direction que le gouvernement veut promouvoir l’habitat social, en adoptant un programme de construction de logements sociaux qui ne soit pas contraint par les normes sociales et environnementales.
Pour la part de réduction du nucléaire dans la production d’électricité (50 % en 2025), la décision de savoir quelles centrales fermer n’est toujours pas prise. L’objectif d’en finir avec la commercialisation des voitures roulant à l’essence ou au diesel d’ici 2040 reste flou, précisant que des efforts seraient faits sur les transports ferroviaires et fluviaux, ce qui souligne l’incohérence des décisions prises lors du quinquennat précédent par un ministre de l’Économie de l’époque, Emmanuel Macron, qui vantait les performances de l’industrie automobile française au diesel et le déplacement par bus pour les gens modestes.