Depuis ses débuts, la Confédération paysanne défend des valeurs sociales, de qualité d’alimentation, de préservation de l’environnement et bien entendu de défense des paysans.
La défense des paysans passe par l’acquisition d’un revenu pour toutes et tous, revenu provenant de la vente de nos productions à hauteur de prix rémunérateurs permettant de couvrir nos coûts de production. La rémunération paysanne donne également la possibilité de réfléchir à la transition des modèles vers plus d’agriculture paysanne : une agriculture où le paysan est remis au cœur du système, où l’environnement n’est pas subi mais choisi, où l’autonomie décisionnelle, technique et financière reprend une place prépondérante, où le lien au vivant animal et végétal est réhabilité, où les valeurs économiques sont présentes sans prendre toute la place. Finalement un projet agricole qui permet de redonner du sens à nos pratiques paysannes et de faire écho aux attentes sociétales en termes d’emploi, d’alimentation, de dynamiques territoriales et de transition environnementale.
Ce changement de modèle, cette transition que nous mettons à l’œuvre sur nos fermes, doit s’amplifier et s’accélérer en permettant à la fois de donner des perspectives économiques aux paysans et aussi de répondre à l’urgence climatique, environnementale et sociale.
C’était tout l’enjeu du projet de loi Agriculture et Alimentation, faisant suite aux états généraux de l’alimentation. Il devait redonner du revenu aux paysan-ne-s, sans faire peser cette augmentation sur le seul maillon « consommateur » et poser les bases d’un nouveau modèle agricole répondant mieux aux attentes citoyennes.
Aujourd’hui, ce projet de loi ne se donne ni les moyens d’arracher un revenu paysan aux crocodiles de l’agro-alimentaire et de la grande distribution, ni l’ambition d’acter un début de transition des systèmes pourtant à bout de souffle.
La Confédération paysanne réclame une loi contraignante où l’État reprendrait sa place d’arbitre des relations commerciales pour ainsi imposer la redistribution de valeur ajoutée : celle-ci est bien présente dans les filières, il n’y a qu’à voir l’enrichissement personnel de certains grands patrons d’industries !!
Cette meilleure répartition de valeur serait la première pierre de la transition agricole que nous voulons tous : sans revenu, les paysannes et les paysans resteront coincés dans des systèmes vides de sens pour tous. Systèmes que nous subissons par la mise en place de politiques publiques françaises et européennes qui nous poussent toutes et tous dans le mur du productivisme et de l’ultra libéralisme.
Ce gouvernement ne remet pas du tout cela en cause. Pire il fait croire à une évolution par des discours ambitieux mais renvoie la responsabilité de ce changement aux filières et aux acteurs agricoles qui sont depuis toujours tenus par le syndicalisme majoritaire lui aussi passé maître dans l’art du double langage, de la langue de bois et des fausses solutions.
Ne nous y trompons pas, en donnant les clés une fois encore aux tenants de l’immobilisme et du marché roi, ce gouvernement fait preuve non seulement d’aucune trace de caractère mais nous laisse à penser également que l’industrialisation de l’agriculture et toutes ses dérives ont encore malheureusement de beaux jours devant elles !!
Cette loi devait redonner du sens à nos pratiques en liant mieux les actes de production avec les attentes de la société, et par le fait faire mieux accepter le prix d’une alimentation de qualité, rémunérant le paysan et préservant l’environnement et le territoire. Non seulement elle sonne comme un échec, mais elle pourrait creuser davantage encore le fossé d’incompréhensions entre des citoyens en attente et des paysans et des paysannes perdus sur un chemin que plus personne ne maîtrise, ni nous, ni les politiques qui font là encore la preuve de leur incapacité à intervenir dans les rapports de force déséquilibrés.
Seul le marché et la recherche de rentabilité immédiate semblent guider ce développement et nous emportent tous dans une dérive de compétition qui nous fera mourir les uns après les autres et la planète avec.
La solution est là, pourtant, dans un système relocalisé, performant socialement et environnementalement, porteur de richesses et d’espoir pour les territoires et les Hommes. Mais il faut croire que l’urgence du moment ne suffit toujours pas à mobiliser les énergies et à surmonter les obstacles de l’argent-roi.
La Confédération paysanne reste mobilisée aujourd’hui, comme hier et encore demain pour faire entendre cette position de bon sens pour nous, nos enfants et pour la planète !
Nicolas Girod, secrétaire national de la Confédération paysanne