NDLR : Nous reproduisons ce texte en parallèle à celui du collectif Abolition 2012 car leur juxtaposition illustre bien le clivage qui, depuis longtemps, traverse l’opinion et le mouvement féministe plus particulièrement. Le point central étant bien sûr la façon de considérer le client de la prostitution et son éventuelle pénalisation. Or ce débat existe aussi au sein de la rédaction de ReSPUBLICA, une majorité d’entre nous privilégiant cependant la position du Planning Familial. Nous tenions à le dire à nos lecteurs en leur livrant les moyens de forger leurs propres choix.
Communiqué de presse du 28 juin 2012
Le discours abolitionniste qui prévaut aujourd’hui, largement repris dans la presse, ne signifie plus l’abolition de la réglementation de la prostitution mais la suppression pure et simple de la prostitution. Or ce discours hautement symbolique n’apporte aucune réponse ni aux causes du système prostitueur ni aux personnes en situation de prostitution. Au contraire, et l’on ne peut purement et simplement décréter du jour au lendemain la fin de la prostitution ! La prostitution se développe aujourd’hui du fait des conditions d’injustices économiques croissantes, notamment l’écart croissant entre riches et pauvres, et de l’impact désastreux sur les conditions de vie des femmes, toujours en première ligne. La prostitution est l’un des aspects de cette injustice économique sur la forme exaspérée du terreau des rapports de domination du masculin sur le féminin.
Les politiques successives mises en place pour enrayer les systèmes d’exploitation sexuelle ne protègent pas les victimes voire les fragilisent un peu plus : très peu de condamnations de proxénètes, surexposition des personnes prostituées… Et si les femmes sont incitées à dénoncer leur proxénète, elles ne bénéficient pas des protections et des droits promis en échange.
La répression par le délit de racolage passif, rétabli dans le cadre de la loi de sécurité intérieure de 2003 a fait la preuve de ses effets délétères sur les conditions de vie des personnes qu’elle est censée protéger. Leur relégation loin des centres villes, leur exposition plus grande aux violences, l’augmentation des risques de contracter des maladies infectieuses faute d’accès aux associations et aux outils de prévention ne met absolument pas en péril les réseaux de proxénétisme.
La pénalisation des clients procède de cette même illusion. Comment peut-on imaginer régler par la répression des situations qui relèvent des conditions économiques et des rapports sociaux de sexe ? Tout au plus, parvient-on à invisibiliser le phénomène ou à le déplacer géographiquement.
Le Planning Familial, en tant que mouvement féministe, replace la prostitution dans ce continuum de la domination masculine et à ce titre, lutte contre les violences de genre. Les alternatives qu’il propose visent, dans toute la société, à prendre en compte les rapports de domination, à lutter contre les inégalités femmes/hommes et à développer l’éducation sexualisée pour construire d’autres représentations du masculin et du féminin. Fidèle à son engagement de mouvement d’éducation populaire, il agit pour que la parole des personnes concernées soit prise en compte pour, avec elles, refuser la discrimination subie dans l’application des lois sur les violences sexuelles, d’agression, de voies de fait et de harcèlement.
L’Etat doit sortir de la posture répressive qui est la sienne depuis trop longtemps pour jouer son rôle de protecteur en garantissant aux personnes en situation de prostitution, les droits sociaux communs à tous, en mettant en place des aides réelles pour celles qui veulent se sortir du système prostitutionnel. A ce jour, c’est loin d’être le cas !
Pour Le Planning Familial, cela n’épuise évidemment pas le travail global à mener contre ce système d’exploitation des êtres humains qu’est la prostitution pour peu que l’on sorte de l’opposition sclérosante entre abolitionnisme et réglementarisme, dans une impasse moralisante.
Tout au moins ouvrons ce débat en inscrivant, comme le suggère le sociologue Lilian Mathieu, la prostitution en tant que question sociale et économique.