Samedi 1er octobre 2011, 15h30 environ, Catherine Tasca monte à la tribune du Sénat sous les acclamations de ses pairs. L’instant est historique. Pour la première fois, une femme vient d’être élue Présidente de la Haute Assemblée.
Seulement voilà, en France en 2011, ce scénario est envisageable au cinéma, peut-être même dans un téléfilm, vous pourriez le découvrir dans un roman mais il n’est pas question qu’il se produise dans la réalité!
Média et politiques, dans un même élan à l’unanimité suspecte, se sont chargés de l’enterrer à la minute même où il est devenu possible.
Il est déjà pitoyable d’en être réduit, aujourd’hui encore, à mesurer la portée historique que revêtirait une telle éventualité, mais la radiographie de notre représentation politique est encore plus implacable.
La candidature d’une femme, pourtant hautement qualifiée au regard de ses concurrents (vice-présidente du Sénat, plusieurs fois ministres, présidente de la Commission des Lois de l’Assemblée…), sous le jeu des pressions plus ou moins amicales, au fil des défections de ses soutiens légitimes n’a même pas dépassé le cadre des déclarations d’intentions.
L’argument de la compétence n’est pas recevable ici, qu’importe! On agite le chiffon rouge de la division, le parti en danger! On campe artificiellement la droite en prestidigitateur rusé, capable d’escamoter une majorité qu’elle n’a pas su conserver dans le plus fortifié de ses bastions.
Démontez une excuse, on vous en opposera aussitôt une autre. On multipliera les explications techniques, les justifications conjoncturelles pour affirmer qu’il n’y a rien de sexiste dans ces choix.
Le combat s’apparente à une guérilla de tous les instants. Les résistances à l’égalité réelle sont si profondes que s’en remettre à la patience est un leurre. Car à y regarder de près, ce n’est jamais le bon moment. La parité, c’est ce qu’on fera demain. C’est promis.
En 2001, le Sénat comptait dans ses rangs près de 30% de femmes. En 2011 cette proportion n’atteint plus que 22,13%. 77 sénatrices siègeront à la prochaine session soit 3 de moins qu’aujourd’hui. Victoire historique de la gauche, nous dit-on. Certes.
Vague dommage collatéral, ce recul de la parité, vite expédié au rang des sacrifices nécessaires n’est évoqué qu’à titre d’anecdote. Et les femmes renvoyées aussitôt à la place que toutes les promesses non tenues leur réservent : dans l’ombre.
Dans ce domaine, il n’est plus question de renouvellement, de modernisation du fonctionnement du Sénat, d’une assemblée réellement représentative, de la fin d’une anomalie démocratique!
Au moment de choisir son candidat à la Présidence du Sénat, la gauche tenait une occasion historique d’accorder son discours et ses actes et de mettre un terme à cette autre anomalie démocratique. Il ne relevait que de sa volonté de faire élire une femme à la tête de la Haute assemblée.
Mais une fois de plus, il a été demandé aux femmes de passer leur tour. Depuis 1958, cinq hommes se sont succédé à la présidence du Sénat, un sixième s’apprête à prendre leur suite sans qu’aucun acteur, observateur, et commentateur politiques ne s’offusque. Cinq présidents mais il n’est toujours pas temps qu’une femme dirige le Sénat!
L’alternance demeure ce qu’elle est invariablement : masculine.
Les femmes au Sénat comme dans les entreprises, dans les conseils d’administration, dans la fonction publique ne sont-elles tolérées qu’à des postes de responsabilité subalternes?
En France, la vice-présidence serait-elle l’échelon ultime accessible aux femmes? Le cache-sexe du chef, le vrai!
Alors pour 2012, on peut d’ores et déjà parier que le candidat du PS à la Présidentielle sera masculin. Pourquoi? Parce que cette fois, il pourrait gagner.