PLFSS 2025, le scandale demanderait une mobilisation générale

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Après le projet de loi de Finances (PLF 2025) actuellement en débat parlementaire, sera débattu le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2025). Vu son montant, cette loi impacte fortement notre vie quotidienne quant à ses répercussions sociales. Contrairement au mantra véhiculé par le gouvernement et relayé par les médias d’après lequel un effort équitable est demandé, il s’avère bien que ce sont les couches populaires et les couches moyennes en plein appauvrissement qui sont les principaux sollicités.

Il est à noter que la loi de financement de la sécurité sociale 2024 (votée l’année dernière en 2023) est d’un poids financier supérieur de 150 milliards à celui du budget de l’État, soit 30 % plus élevé (la LF2024 était de 492 milliards d’euros, la LFSS 2024 de 641 milliards d’euros). Cela en fait le premier budget humain pour notre pays. Rappelons que la Sécurité sociale comporte 5 branches (Santé-Assurance maladie, Retraites, Famille, Autonomie et accidents du travail et maladies professionnelles) et disons que la Sécurité sociale finance des dizaines de services publics. Elle représente un budget 10 fois plus élevé que le plus important budget de l’État : le ministère de l’Éducation nationale.

Il est à noter, en outre, que nous ne connaissons pas encore l’ensemble des annexes et des notes des 5 caisses nationales avoir une vision exhaustive de l’entièreté des impacts sur les ménages et les entreprises.

Rappel historique depuis 1945

Nous rappelons que la Sécurité sociale à ses débuts (1945-1947) comportait quatre conditions émancipatrices révolutionnaires dont trois et demi n’existent plus, car détruites par le capitalisme néolibéral. Le capitalisme ne peut supporter une institution anticapitaliste née dans une circonstance exceptionnelle à l’intérieur du capitalisme lui-même. Elle était gérée par les représentants élus des assurés sociaux et non par l’État. Elle appliquait le principe de solidarité (à chacun selon des besoins, financés par chacun selon ses moyens) et non celui de charité (déconnecté des besoins et sous condition de ressources). Elle fonctionnait en une caisse unique gérant tous les « risques ». Ces trois conditions n’existent plus : c’est comme Capri, c’est fini. La quatrième condition révolutionnaire était son financement par la cotisation sociale, part du salaire socialisé directement transmis à la Sécurité sociale dès la création de richesses (au grand dam du patronat), créant un droit social. Cette condition n’existe aujourd’hui plus qu’à 50 % environ depuis le déclenchement du processus patronal de fiscalisation de la Sécurité sociale.

D’une gestion par les assurés sociaux à une mainmise étatique

Aujourd’hui, la Sécurité sociale est entièrement étatisée, ce qui permet à l’État de pratiquer l’austérité aussi bien sur le budget de l’État que sur celui de la Sécurité sociale, son ambition ultime depuis les années 1997 étant la fusion du PLFSS et du PLF. Rappelons que le projet des concepteurs de la Sécu de 1945-47 séparait un ensemble géré par les représentants élus des assurés sociaux avec une élection dédiée à la Sécurité sociale et un autre ensemble sur le reste des activités géré par le gouvernement et le Parlement. Et bien sûr, la Sécurité sociale était mieux défendue par les assurés sociaux que par l’État tout simplement parce que cette gestion n’était pas réalisée sur des principes et des institutions capitalistes ! Voilà pourquoi notre courant politique est en fait favorable au retour des quatre conditions émancipatrices révolutionnaires de la Sécurité sociale comme de 1945 à 1967, date à laquelle le Général de Gaulle a démarré le processus de destruction de la Sécurité sociale installée par le Conseil national de la Résistance.

Le PLFSS de 2025, austérité ++ de l’union de droites

Le PLFSS 2025 est proposé par le gouvernement Macron-Barnier-Le Pen avec un déficit de 16 milliards par manque de recettes assumé. Cela ne fait que 12 % du déficit du budget de l’État.

Pour la santé-assurance-maladie

L’objectif national des dépenses d’Assurance-maladie (ONDAM) passe de 3,3 % à 2,8 % au lieu de 10 % pour répondre aux besoins nécessaires et ceci avec une inflation de 1,8 % soit une augmentation en volume de 1 %. La hausse de l’Ondam des établissements de santé sera de 3,1 % (1,3 % en volume) contre le minimum demandé par la Fédération hospitalière de France de 6 %. Heureusement que Frédéric Valletoux, ex-président de la FHF, a été ministre de la Santé !

Austérité accrue pour les assurés

L’austérité continue de plus belle puisque le ticket modérateur à la charge de l’assuré social passerait de 30 à 40 % (baisse de remboursement de 1,1 milliard d’euros). Cela augmentera les coûts des complémentaires santé d’un coefficient multiplicateur supplémentaire puisque les frais de gestion des complémentaires santé sont nettement plus élevés que celles de la Sécurité sociale (aux alentours de 5 % pour la Sécu contre 15 à 25 % pour les complémentaires santé). Le tarif de la consultation médicale serait augmenté de 13,2 % à 30 euros pour répondre à la mobilisation des médecins libéraux, notamment sa frange la plus radicalisée. Le plafond des indemnités journalières baisserait de 28,6 % (équivalent au plus à 1,4 SMIC au lieu de 1,8 SMIC). La mobilisation des travailleurs est insuffisante pour défendre la Sécurité sociale alors que cela correspond à 600 millions d’euros de perte. Le postulat : les salariés sont des fainéants qui « abusent » des arrêts-maladie. Le 6 novembre prochain sort le prochain film de Gilles Perret et François Ruffin Au boulot qui nous fournit un florilège drôle et émouvant des poncifs que la Sécurité sociale véhicule depuis sa naissance).

Rupture dans la chaîne d’approvisionnement et un nouvel Alstom avec Sanofi : l’introuvable « souveraineté sanitaire »

Notons qu’il y a eu en 2023 plus de 5000 ruptures de médicaments déclarées soit 30 % de plus qu’en 2018. Constatons que le pôle « médicaments » sans ordonnance de Sanofi (Doliprane, Lisopaïne, etc.), société française, est dans un processus de vente pour 15 milliards à un fonds d’investissement américain (Rappelez-vous la vente d’Alstom à General Electric sous le chantage de l’État américain et de son droit extraterritorial !). Et ce que vous ne savez peut-être pas, c’est qu’une partie du rachat pourrait avoir lieu par LBO(1)Le « Leveraged buy-out (LBO) » ou rachat avec effet de levier, lequel est un montage financier permettant le rachat d’une entreprise via une société holding. Cette procédure avait été bien expliquée dans la fiction de Gilles Perret Reprise en main (Voir notre précédent article : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-culture/reprise-en-main-premier-film-social-rejouissant-de-gilles-perret/7432341). Le financement de ce montage financier est réalisé pour tout ou partie en développant un management autoritaire et austéritaire. Ce sont en fait les salariés qui, pressurisés, vivent une austérité renforcée permettant aux nouveaux acquéreurs de ne pas financer tout ou partie du prix d’acquisition. On dit vulgairement que les nouveaux acquéreurs « se paient sur la bête » ou dit autrement que « les acquéreurs achètent sans dépenser ».

Déficits en perspective

Cela va entraîner une pression sur l’emploi. La baisse de remboursement des médicaments est de 1,2 milliard. La caisse de retraite des versants hospitaliers et territoriaux de la fonction publique, la CNRACL, va accroître ses déficits à cause notamment du recrutement de contractuels et d’intérimaires qui cotisent à la CNAV et à l’IRCANTEC et de la stagnation des traitements au profit des primes et de la non-revalorisation du point d’indice. Le déficit attendu est de 3,7 milliards d’euros. D’après la CGT, la CNRACL concentrera le problème de financement du régime de retraite. Le gouvernement active la possibilité offerte par la LFSS 2024 de transfert des réserves des régimes spéciaux dont l’équilibre financier est désormais assuré par le régime général et non plus par l’État.

Retraités pénalisés et boucs émissaires

Pour les retraites décalage de 6 mois (1er juillet) de la revalorisation des pensions à hauteur de l’inflation les ponctionnera de près de 4 milliards d’euros.

Branche autonomie

L’augmentation des dépenses pour les établissements et services pour personnes âgées et en situation de handicap de 4,7 % est ridicule tant cela est éloigné des besoins. On comprend pourquoi l’extrême centre hier et l’union des droites extrêmes aujourd’hui sont hostiles à une loi de programmation grand âge et handicap.

AT/MP (Accident du travail et Maladie professionnelle)

Pas d’augmentation des rentes dans le PLFSS2025. C’est renvoyé sans assurance vers le réglementaire.

Branche famille

Toujours rien de plus pour la petite enfance alors que le manque de crèches collectives et familiales est l’une des raisons de la dégringolade dangereuse du taux de fécondité des femmes en âge de procréer (il est passé de 2,04 à 1,68 en quinze ans). Par ailleurs, il y a quelques années, nombre de travaux insistaient sur la nécessité d’« investir dans la petite enfance » pour éviter la montée des inégalités de toutes sortes (pas seulement scolaires, mais aussi sanitaires, psychologiques, etc.). On sait que l’espérance de vie dépend des conditions sociales et économiques dans les premières années de la vie. Ces travaux sont partis apparemment à la poubelle. Ce gouvernement sacrifie cyniquement l’avenir des enfants des classes populaires et moyennes. Toujours rien de plus pour l’animation sociale, pour les aides au logement, pour l’allocation familiale au premier enfant, etc.

Décisions sur l’outil de financement de l’entité qui collecte et centralise les financements, L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (l’ACOSS)

Pour faire face au déficit annoncé, cette agence voit son plafond d’emprunt passé de 45 milliards à 65 milliards. La durée maximale de l’emprunt passe de 12 mois à 24 mois. Le gouvernement ne prévoit pas de transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ce qui dénature une fois de plus l’architecture de la Sécurité sociale. Est-ce à dire que le gouvernement, comme le capitalisme dont il est le fondé de pouvoir, renvoie la résolution des problèmes aux prochaines générations déjà sacrifiées pour le Covid et la précarisation de l’emploi ?

Par ailleurs, la réduction de la compensation des exonérations et autres est prévue en conséquence des économies générées sur ces exonérations compensées à hauteur 650 millions. Si leur réduction est une bonne chose, la baisse de la compensation est contestable dans la mesure où chaque année plus 2,5 milliards d’euros à la Sécurité sociale ne sont pas compensés d’après la CGT.

Focus sur les fraudes sociales, mais sur les fraudes des employeurs

Le dossier de presse annonce le recrutement 1000 agents de lutte contre les fraudes sociales, mais pas sur les fraudes des employeurs, bien plus importantes. Alors que rien n’est fait contre le taux de non-recours au RSA de 34 %, 3 milliards d’euros ne sont pas versés à des personnes pourtant éligibles, ce qui équivaut à 2 fois le montant estimé de la fraude sociale. Pour le secteur agricole, la FNSEA, la Coordination rurale, les jeunes agriculteurs ont imposé au gouvernement de diminuer le salaire socialisé qui finance la Sécurité sociale.

Cela donne pour le PLFSS 2025 (en milliards d’euros) :

Recettes DépensesSolde
Maladie  247,4                   260,8                -13,4
ATMP                                   17,1                     17                     0,2
Vieillesse297,1                   300,2                – 3,1
Famille  59,759,7                  0
Autonomie  42                         42,4                  -0,4
Toutes branches (hors transfert)644,4                    661,1               -16,7
Toutes branches avec Fonds de solidarité vieillesse645,4                    661,5                -16

Notons aussi que l’ensemble des politiques publiques (qualité de l’alimentation, de l’emploi, du logement, etc.) ont des effets sur la santé et que le PLF aura lui aussi de graves répercussions sur les indicateurs de santé publique.

Ce gouvernement malgré les effets d’annonce frappe en priorité les plus modestes et égratigne à peine les grandes fortunes, les gros patrimoines, les grands actionnaires qui pratiquent l’évasion fiscale. Il fait ce pour quoi il a été nommé : rentrer dans les clous de l’ordolibéralisme européen sous hégémonie allemande. Cela nous donne une nouvelle séquence de dramatisation de la dette publique (alors qu’il y a deux acheteurs pour un bon du Trésor) et de clochardisation de la Sécurité sociale et donc aussi de l’hôpital. Les seuls à tirer les marrons du feu sont toujours la même : les médecins libéraux, fervent soutien du bloc des droites.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Le « Leveraged buy-out (LBO) » ou rachat avec effet de levier, lequel est un montage financier permettant le rachat d’une entreprise via une société holding. Cette procédure avait été bien expliquée dans la fiction de Gilles Perret Reprise en main (Voir notre précédent article : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-culture/reprise-en-main-premier-film-social-rejouissant-de-gilles-perret/7432341).