Catherine Perret, secrétaire confédérale de la CGT
Jusqu’au retrait du projet de retraite gouvernemental !
Avec plus de 2 millions de manifestants et des innombrables appels à la grève souvent largement suivis sur les lieux de travail, tant dans le privé que dans le public, la CGT se félicite de la réussite de la journée d’action unitaire qui constitue une première étape décisive dans la poursuite du processus cadencé de la mobilisation interprofessionnelle.
Cette formidable réussite des grèves et des manifestations contre la réforme des retraites du gouvernement s’explique bien sûr par l’énergie des militants syndicaux qui ont depuis des mois informés, débattus et construits avec leurs collègues les modes d’action nécessaires.
C’est avant tout un premier succès du syndicalisme interprofessionnel. Pour la CGT, qui les a souvent impulsées seules, les mobilisations souvent victorieuses pour l’augmentation générale des salaires nombreuses depuis plusieurs mois ont aussi contribué à cette journée du 19 janvier. Ces luttes salariales ont non seulement donné confiance dans nombreuses entreprises du privé, mais ont également contribué à faire le lien entre salaires, cotisations sociales et financement des retraites.
Le 19 janvier d’ailleurs, les salariés se sont aussi mobilisés sur les questions de salaires, d’emploi mais aussi de travail, son organisation, son sens et sa finalité.
C’est par ce processus de construction qui lie le sujet des retraites avec les préoccupations immédiates des salariés que nous gagnerons la transformation sociale.
D autre part, bien évidemment, l’unité syndicale totale dans la lutte donne confiance au monde du travail. C’est à mettre au crédit de la CGT qui en juin 2022 a créé les conditions d’une première intersyndicale avec les 8 organisations syndicales de salariés et les 5 organisations de jeunesse. Cela a scellé un engagement contre tout allongement de l’âge de la retraite, que ce soit en reculant l’âge légal ou en allongeant le nombre de trimestres nécessaires pour sa pension.
Aujourd’hui nous sommes bien au-delà de la protestation, mais bien pour un autre choix de société plus juste et solidaire.
La réussite de cette journée interprofessionnelle et unitaire que nul n’a pu contester, tant au niveau des politiques que des médias est un puissant levier pour renforcer et élargir la participation des travailleurs et travailleuses dans la durée. Le recensement des grévistes montre que les résultats sont à la hauteur même si, au-delà de l’éducation nationale très massivement en grève, il y a encore des marges de progression dans la fonction publique.
La CGT va continuer à déployer le processus de construction des mobilisations dans les lieux de travail. C’est cette stratégie d’ancrage dans les entreprises et les services qui permettra d’élargir la durée les grèves le 31 janvier prochain dans l’ensemble des secteurs publics et privés et au-delà si le gouvernement ne cède pas.
Nous pensons qu’il faut dès le 23 janvier favoriser l’articulation entre les appels à la grève professionnelle là où ils sont ou seront lancés, les différentes initiatives larges de la population (rassemblements, débats publics, retraites aux flambeaux, touts initiatives inventives et visibles…) et le 31 janvier, journée interprofessionnelle de grève et de manifestation. Ce processus de mobilisation prend en compte les réalités du monde du travail et la nécessité d’impliquer tous les salariés dans le mouvement afin de continuer à élever le rapport de force.
Parallèlement à cette puissante première journée de mobilisation, la pétition intersyndicale atteint près de 700 000 signatures. Nous invitons tout le monde à en amplifier la signature ; cette pétition intersyndicale ne remplace pas la mobilisation par la grève et les manifestations mais est un élément qui la favorise. Le monde du travail a enclenché une dynamique que l’on n’a pas connue depuis longtemps, l’unité syndicale est solide, toutes les conditions sont réunies pour gagner le retrait de ce projet injuste, injustifié et brutal et imposer un autre projet de société notamment en matière de protection sociale.
Christophe Delecourt, secrétaire général CGT de l’Union fédérale des syndicats de l’État
Analyse du 19
N’en déplaise à celles et ceux qui gouvernent de même qu’aux organisations patronales et plus particulièrement le Medef, le 19 janvier est constitutif d’une irruption du monde du travail, par la grève et dans la manifestation, salariés du public et du privé, jeunes et retraités, privés d’emploi, à un niveau comparable aux mobilisations de 1995.
À l’image des sondages réalisés dans la dernière période, cela confirme qu’il n’y a pas adhésion du monde du travail au projet de la Macronie et du patronat.
Nous sommes au cœur d’un affrontement de classes qui pose l’exigence d’une autre appropriation des richesses produites par et pour le monde du travail, l’exigence de l’égalité, plus particulièrement entre les femmes et les hommes, et une reconquête solidaire du travail, de ses finalités, de ses contenus, de ses formes, au service du progrès social et de l’émancipation.
En signifiant par le slogan et sur des pancartes que « La retraite, elle est à nous ! », c’est la Sociale qui parle, c’est une exigence démocratique de gestion de la Sécurité sociale et de la protection sociale par le monde du travail lui-même !
Enfin, c’est la confirmation d’une aspiration du monde du travail à l’unité des organisations syndicales, un vecteur puissant de la mobilisation qui nous oblige, toutes organisations syndicales « confondues » dans les jours qui viennent.
N’en déplaise aux forces du capital, la société française ne s’ennuie pas et ne semble pas condamner à la résignation.
Quelle préparation pour le 31 janvier ?
Pour ce qui concerne l’Union fédérale des syndicats de l’État CGT, nous avons décidé d’une nouvelle séquence de mobilisation en nous inscrivant dans la manifestation de ce samedi 21 à l’appel des organisations de la jeunesse. Nous serons acteurs et disponibles pour des constructions unitaires dans le champ syndical et au-delà avec des associations, des partis et mouvements politiques, etc.
Dans la fonction publique, l’Union fédérale des syndicats de l’État CGT et plus largement la CGT fonction publique apporteront toutes leurs contributions aux indispensables constructions unitaires pour obtenir la mise en échec du projet Macron.
Entre et autour des mobilisations interprofessionnelles, nous construirons différents types de mobilisation.
Par différents moyens, la CGT mettra à disposition des personnels des outils de décryptage de ce dernier et un ensemble de propositions et de revendications pour un droit à la retraite à 60 ans et à taux plein pour toutes et tous, le maintien et l’amélioration de notre système de retraite par répartition, des régimes dits spéciaux, du Code des pensions civiles et militaires, etc. Nous entendons aussi apporter la démonstration qu’il n y a aucune difficulté pour financer de telles propositions.
In fine, par la mise en œuvre d’une démarche syndicale articulant la construction de l’unité la plus large et un processus d’éducation populaire tourné vers l’action, des mobilisations inscrites dans la durée, la reconduction de la grève partout où les salariés le décideront sans les assemblées générales, nous entendons participer à la construction d’une nouvelle et puissante journée interprofessionnelle de grève et de manifestations le 31 janvier prochain. Nous voulons obtenir le retrait du projet Macron et de nouvelles conquêtes sociales.
Evelyne Ngo,secrétaire nationale de Solidaires et chargée des retraites
Vous avez décidé une nouvelle journée de grèves et de manifestations le 31 janvier prochain, quelle est votre analyse actuelle du mouvement social déclenché le 19 janvier dernier ?
La puissance du mouvement social puissant lancé le 19 janvier par une intersyndicale qui comprend toutes les organisations syndicales démontre la profondeur du rejet de la réforme du gouvernement. Cette réforme n’est pas anodine ; elle se base sur une politique gouvernementale libérale qui fait de l’humain une variable d’ajustement pour l’entreprise : travailler plus et plus longtemps pour de petites retraites. Les salariés sont descendus massivement dans la rue, pour se battre contre une réforme qui va à l’encontre du progrès social et des solidarités et va générer une paupérisation des salariés aux carrières heurtées, qui ont été frappés par le chômage, et des femmes qui recourent au temps partiel et au congé parental pour réussir à concilier vie personnelle et vie professionnelle. Les salariés sont de plus scandalisés par les flots de dividendes que les entreprises déversent dans les poches des actionnaires : 80 Mds€ en 2022, alors que les exonérations de cotisations sociales patronales atteignent 75 Mds€. C’est pourquoi Solidaires revendique un autre partage des richesses (remise en cause de ces exonérations, augmentation des cotisations sociales patronales, une cotisation sociale sur les dividendes affectée aux caisses de sécurité sociale) ; et le partage du travail : les 32 h sans perte de salaire ni flexibilité c’est du travail pour tout-es et des rentrées de cotisations sociales ! Le financement n’est pas un problème. Pour Solidaires, c’est possible de retrouver le progrès social avec la retraite à 60 ans.
Comment préparez-vous l’initiative du 31 janvier ?
Solidaires construit la mobilisation dans la durée avec les autres organisations syndicales. L’étape suivante, le 31 janvier, doit refléter l’ancrage de la profondeur de la mobilisation. Nous appelons à la tenue d’assemblées générales partout, dans les entreprises et administrations, à la diffusion de tracts, à la multiplication des débats publics, à l’interpellation des élus (hors extrême-droite), à des initiatives d’actions locales sur tout le territoire et sous toutes les formes : rassemblements, retraites aux flambeaux… Tout cela fera monter la mobilisation pour le 31 janvier. Et au-delà du 31, c’est aussi de la grève générale reconductible qu’il faudra débattre en assemblées générales de grévistes pour un rapport de force maximum pour gagner
Benoît Teste, secrétaire général de la FSU
Vous avez décidé une nouvelle journée de grèves et de manifestations le 31 janvier prochain, quelle est votre analyse actuelle du mouvement social déclenché le 19 janvier dernier ?
Ce mouvement est d’une grande puissance, cela fait beaucoup de bien à tout le monde. On avait presque oublié, ou jamais connu pour toute une génération militante, la force d’un mouvement unitaire : une foule pacifique (malgré quelques incidents à Paris mais très peu finalement) et déterminée qui défile partout en France, impressionnante à Paris et peut être encore plus dans des petites villes où la manifestation correspondait parfois à la moitié de la population ! Et des grévistes en nombre important. C’est un cinglant désaveu pour un gouvernement qui, en parlant d’« irresponsables », tentait de nous cantonner à la minorité agissante. C’est la démonstration que la bataille des retraites est centrale car elle est à la fois très concrète, met en jeu des sommes colossales consacrées soit aux solidarités soit à la rémunération du capital, et soulève donc toutes les questions ayant trait au travail : quelle rémunération pendant et après le travail, quel droit à profiter d’un « 3e âge » où l’on est plus dans une situation de subordination vis-à-vis d’un employeur, quel contenu du travail, etc. L’enjeu est d’élargir, élargir encore. Depuis le 19 janvier au soir, on sait désormais que nous pouvons gagner. Cela va donner du courage…
Comment préparez-vous l’initiative du 31 janvier ?
Pour monter en puissance, on a fait un pari en intersyndicale, celui de se donner du temps de préparation d’un nouveau temps fort. Pari, car bien sûr il y a toujours le risque, quand la deuxième date est 10 jours après, que le mouvement retombe. Mais je crois vraiment que c’est l’inverse qui va
se passer, la semaine prochaine va être consacrée à créer les conditions d’un mouvement encore plus gros le 31 et c’est déjà bien parti pour cela, il y a encore des gens qui ne sont pas venus le 19 mais sont d’accord avec nous : c’est le moment de les faire basculer dans l’action. Il faut donc organiser des actions visibles et fortes : rassemblements, distributions de tract, faire signer la pétition, etc. Nous allons essayer dès lundi 23, jour du conseil des ministres, de construire des rassemblements sur les places et devant les préfectures le soir, hors du temps de travail. Et des AG et réunions toute la semaine. Avec en perspective aussi l’idée de faire des manifs syndicales les samedis, pour permettre là aussi la participation du plus grand nombre.