Il est clairement très difficile pour le gouvernement de défendre cette réforme comme en attestent les brusques changements dans les éléments de langage que nous servent ses commerciaux en service commandé, de la Première ministre au moindre député en passant par une kyrielle de ministres qui ont du mal à accorder leurs violons.
La réforme « juste », « favorable » aux femmes avant que Franck Riester ne reconnaisse le contraire ; absolument indispensable pour sauver le régime par répartition avant que le président du COR n’explique qu’il n’y avait pas le feu au lac concernant l’équilibre financier du système ; aussi indispensable que l’était celle, bien différente, qu’Emmanuel Macron avait dû remiser lors de son premier quinquennat et pour laquelle il avait expliqué que le recul de l’âge était inutile ; demandée par les Françaises et les Français en votant pour lui après avoir dit lors de son investiture qu’il savait que nombre de votants l’avaient choisi par défaut et pas pour son programme… On n’en finirait pas d’allonger la liste des volte-faces, où le gouvernement s’embrouille, se contredit, et ment, que ce soit sur le sens général de la réforme ou sur une mesure particulière donnée (comme la pénibilité, la retraite assurée à 1200 euros pour une petite minorité, mais vendue comme une mesure pour tous, l’emploi des seniors laissé au bon vouloir des entreprises, l’allongement de la durée de cotisations qui va surtout frapper les plus pauvres…).
Et l’argument classique du manque de « pédagogie », qui expliquerait la difficulté des Françaises et des Français à ne pas applaudir des deux mains le courage de ces élus qui ne veulent que notre bien, manque singulièrement de force quand on voit l’ampleur des protestations avec près de 80 % d’entre eux exprimant leur rejet de cette réforme et la montée en puissance des manifestations. Car de deux choses l’une, soit le gouvernement est vraiment nul pour ne pas être capable d’expliquer correctement une réforme si juste, indispensable, et porteuse de progrès, soit le peuple est congénitalement idiot pour ne pas s’apercevoir de son bien-fondé.
C’est pourtant un des projets auxquels le gouvernement tient le plus si on en juge par son insistance à vouloir le mettre en œuvre. Déjà au programme du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, il a fallu la crise du Covid pour qu’il soit retardé. Le voilà aujourd’hui relancé sous de nouveaux atours, dans un contexte politique où le gouvernement n’a pas une Assemblée nationale sous contrôle, même s’il peut compter sur les voix LR pour l’imposer, mais sans doute au prix de baisses de pensions encore plus importantes.
Des « éléments de langage » qui ne prouvent rien
Pour justifier la nécessité de cette réforme, il avance trois arguments dont la répétition n’implique pas la justesse.
Le premier est celui de l’équilibre du système qui serait menacé d’un déficit insupportable pour les générations futures, qui sont ici opportunément convoquées bien que le gouvernement se soucie beaucoup moins d’elles pour le réchauffement climatique. Mais l’analyse du rapport du COR, organisme indépendant, montre qu’il n’y a en réalité pas de problème insoluble de déficit du système des retraites, d’autant que le gouvernement a retenu le scénario le moins favorable pour justifier l’existence d’un déficit qui serait autour de 0,5 à 0,8 point de PIB à partir de 2032 selon les diverses hypothèses retenues, soit rien de dramatique. Sans compter les multiples alternatives qui permettraient de trouver les ressources manquantes, comme la suppression des exonérations de cotisations sociales patronales sur les bas salaires (15,7 milliards d’euros) ou l’annulation de la suppression de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en 2023 et 2024, soit 8 milliards d’euros, qui pourraient monter jusqu’à 16 en revenant également sur l’allègement de 50 % appliqué depuis 2021 (voir les propositions d’Attac pour d’autres pistes).
Le deuxième c’est l’argument, présenté comme une évidence, qu’avec une espérance de vie croissante, il est « normal » de travailler plus longtemps. À cette « évidence », on peut faire remarquer, d’une part, que faire travailler plus longtemps ceux qui ont déjà du travail tout en acceptant un faible taux d’emploi des seniors et un chômage important c’est épuiser les uns et désocialiser les autres, et, surtout, que jamais n’est posé le sens et le contenu de ce travail supplémentaire qui serait indispensable. Pour le gouvernement, ce qui compte c’est juste le temps qu’on passe à travailler, quoi qu’on y fasse. C’est d’ailleurs ce qui explique le refus syndical qui ne parle pas du temps passé au travail, mais des conditions concrètes dans lesquelles il s’effectue et des rémunérations correspondantes. D’où un dialogue de sourds qui ne risque pas de s’améliorer si le gouvernement ne fait que ressasser ces pauvres arguments.
Cette opposition entre l’accent mis uniquement sur le temps et celui mis sur ce qu’on en fait explique d’ailleurs ce que le gouvernement appelle pudiquement des « métiers en tension », comme pour les agents d’entretien, les aides-soignants, les aides à domicile, la restauration, les ouvriers non qualifiés ou les agents de sécurité, caractérisés par de bas salaires et de mauvaises conditions de travail (horaires décalés, travail de nuit). Plutôt que de « réformer » le système des retraites et de durcir les conditions de l’assurance chômage, c’est l’ensemble de la production qu’il faudrait transformer. D’autant qu’il n’est pas du tout sûr que les conditions environnementales (ressources disponibles, externalités négatives) permettent la poursuite de notre mode de production actuel.
Le dernier argument, c’est celui de la création de richesses qu’une augmentation du temps de travail permettrait de financer, même si, on vient de le voir, la nature de cette « richesse » reste bien floue puisqu’on ne nous explique pas à quoi servirait ce temps supplémentaire passé à travailler.
Mais que l’on constate une dégradation inquiétante de biens publics, comme la santé ou l’enseignement, doit davantage à des politiques publiques qui les mettent dans l’incapacité de fonctionner correctement, entretenant la grogne des usagers et la justification d’un recours au privé, censé par hypothèse être plus performant.
Expliquer au bon peuple qu’il faut travailler plus quand, dans le même temps, on octroie sans condition plus de cent milliards d’euros par an aux (grandes) entreprises, vient sérieusement relativiser la crédibilité de cet argument. Derrière ce faux problème des moyens qui manquent (alors que la pénurie est soigneusement organisée), il y a la répartition des richesses et leur contenu. Que l’on sache, les actionnaires n’ont pas vraiment souffert et Piketty, citant le rapport mondial sur les inégalités, révèle que de 2010 à 2022, les 500 plus grandes fortunes de France sont passées de 200 à 1 000 milliards d’euros. De 10 % du PIB à 50 %, soit le double de ce que possèdent les 50 % les plus pauvres.
Expliquer au bon peuple qu’il faut travailler plus quand, dans le même temps, on octroie sans condition plus de cent milliards d’euros par an aux (grandes) entreprises, vient sérieusement relativiser la crédibilité de cet argument. Derrière ce faux problème des moyens qui manquent (alors que la pénurie est soigneusement organisée), il y a la répartition des richesses et leur contenu. Que l’on sache, les actionnaires n’ont pas vraiment souffert et Piketty, citant le rapport mondial sur les inégalités, révèle que de 2010 à 2022, les 500 plus grandes fortunes de France sont passées de 200 à 1000 milliards d’euros. De 10 % du PIB à 50 %, soit le double de ce que possèdent les 50 % les plus pauvres.
En réalité, cette réforme proclamée si nécessaire n’a pour objectif que d’étatiser la protection sociale en dépossédant les partenaires sociaux de leur pouvoir de gestion, acquis après la Seconde Guerre mondiale et progressivement réduit de réforme en réforme. De cette façon, l’État pourra continuer sa politique au service des actionnaires en diminuant les impôts des entreprises et au prix d’une baisse sensible de nombre de retraites, au contraire de ce qu’il s’évertue à proclamer.
De la part d’un gouvernement qui compte 19 millionnaires, il n’y a pas lieu de quoi être surpris, mais il y a d’excellentes raisons de résister.
Mais il me semble qu’au-delà des débats techniques sur tel ou tel aspect de cette réforme irréformable, il est nécessaire d’en examiner la nature profonde.
Pourquoi faut-il travailler plus longtemps ?
Peu importe ici les inégalités flagrantes qu’implique l’augmentation du temps de travail que cette réforme veut imposer. Il est exact que ce sont surtout les moins diplômés, les femmes, majoritaires à avoir une carrière incomplète, donc les plus pauvres, qui vont devoir partir plus tard quand les cadres diplômés ne verront pas de changement, obligés qu’ils sont d’aller à 67 ans pour avoir une retraite sans décote. Il est aussi exact que ces travailleurs occupant les métiers les plus pénibles atteindront la retraite (s’ils sont encore en vie), avec une espérance de vie réduite par rapport à celle qu’ils auraient eue en partant plus tôt. Passons également sur la question de ceux qui doivent travailler plus longtemps. Pourquoi demander à ceux qui ont déjà un travail à temps plein usant de le continuer deux ans de plus quand tant d’autres n’en ont pas ou sont à temps partiel contraints ?
Non pas que ce ne soit pas important, c’est même au cœur du rejet de la réforme, mais ce n’en est que la conséquence, que le gouvernement cherche justement à passer sous silence en mettant l’accent sur cette nécessité qu’il y aurait à travailler plus longtemps (reconnaissant ainsi, évidemment sans en tirer la leçon, que sans le travail de tous ces sans grades qui doivent rester actifs, une société ne crée pas de richesses).
Ce qui nous renvoie à notre question : Pourquoi faut-il travailler plus longtemps ? Quelles sont ces richesses supplémentaires dont nous manquerions cruellement ?
Avons-nous vraiment besoin de ces grosses SUV gourmandes en matériaux rares ? Faut-il d’urgence faire travailler nos ingénieurs sur des logiciels truqueurs comme chez Volkswagen ? L’industrie agro-alimentaire est-elle en manque d’adjuvants toxiques ? N’avons-nous pas assez de produits financiers pourris ?(1)Il faut d’ailleurs noter que dans tous ces exemples, il s’agit de travailleurs hautement qualifiés, ayant fait de longues études, le plus souvent aux frais des contribuables et qu’on emploie non pour trouver des solutions aux questions d’aujourd’hui (climat, biodiversité, économie circulaire, urbanisme repensé…), mais bien pour les aggraver. Un gâchis d’intelligence au service d’intérêts très privés.
En revanche, qu’il nous faille davantage d’enseignants, de soignants, d’inspecteurs du travail(2)Je laisse au lecteur le soin d’ajouter tous les métiers qu’il juge vraiment utiles pour tous. certainement, mais pas en obligeant ceux qui le sont déjà à travailler deux ans de plus à un âge où ils aspirent à vivre autre chose, mais en en engageant des nouveaux, en en formant en masse.
Mais je pense qu’il faut faire un pas de plus pour comprendre l’insistance du gouvernement à ne raisonner qu’en fonction de la durée du travail et non de ce que l’on en fait, au point de passer en force, en toute déraison démocratique contre l’opinion publique, rarement aussi unanime dans le refus et aussi méprisée dans cet entêtement à vouloir cette réforme « indispensable ». Au risque évident de fournir un boulevard au Rassemblement national à la prochaine élection présidentielle, car la « discipline républicaine » risque fort d’être peu attractive en cas de nouvel affrontement droite/extrême droite.
Une des caractéristiques majeures du contexte économique actuel, c’est la baisse de la productivité du travail limitant la rentabilité des capitaux cherchant à s’investir. C’est un fait bien documenté(3)Voir par exemple « Productivité et compétitivité : où en est la France dans la zone euro ? » Conseil national de la productivité, 2019, strategie.gouv.fr, p. 31.. La productivité horaire du travail dans les pays de l’OCDE est en baisse relativement à celle des États-Unis pris comme référence, celle-ci étant elle-même sur une pente descendante depuis les années 2000. En France, depuis au moins la crise de 2007, elle est autour de 1 % quand elle était de 5 à 6 % entre 1945 et le début des années 1970.
Ces gains de productivité décroissants se traduisent par une redistribution favorable aux capitaux plutôt qu’au travail, conduisant à un spectaculaire accroissement des inégalités. Mais cette situation n’est pas stable et si le rapport de forces est aujourd’hui en faveur du capital et lui permet ce partage de la valeur ajoutée à son avantage, il n’en reste pas moins que la rentabilité du capital total dépend d’abord de la productivité du travail, seul créateur de valeur.
Pour sortir de cette impasse où sa recherche sans fin de profits l’a conduit, le capital n’a que quatre solutions. La première est la financiarisation croissante de l’économie qui revient à reporter vers l’avenir les espoirs de profits, mais au prix d’une augmentation des crises dues à l’éclatement des bulles quand elles se révèlent improductives. La deuxième est l’extension géographique vers des territoires encore peu développés. Il ne reste guère que l’Afrique qui est encore dans ce cas et qui est, pour cette raison, un champ d’affrontement entre le capitalisme occidental et le capitalisme chinois. La troisième est l’ouverture de nouveaux secteurs d’activités qui ne faisaient pas encore l’objet d’un développement (trop) capitaliste, dont les plus importants sont ceux des loisirs (permettant de rentabiliser un temps qui, jusqu’ici, échappait à la mise en valeur du capital), celui du vivant (brevetage des gènes, vaccins, big pharma,…) et celui des données personnelles où la guerre entre les Gafam fait rage(4)Ces trois secteurs ne sont d’ailleurs pas indépendants, notamment grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) qui les irriguent tous. Voir mon texte Les NTIC sauveront-elles le capitalisme ? dans un livre à paraître prochainement..
L’intensification du travail pour maintenir la rentabilité du capital
Enfin, le dernier moyen, et c’est celui-ci qui explique cette focalisation sur le temps de travail au cœur de cette réforme, injuste et inutile pour les raisons invoquées (équilibre financier, justice sociale, sauvegarde du régime de la répartition), mais pas du tout inutile pour la rentabilité du capital, c’est l’intensification du travail.
Celle-ci peut s’obtenir de deux façons différentes. La première c’est en augmentant le temps passé au travail, c’est exactement ce qui se passe avec la lutte contre les 35 heures, l’autorisation du travail le dimanche ou le recul de l’âge de la retraite. Dans le temps limité d’une année, il y a évidemment un temps maximum qui peut être consacré au travail visant à rentabiliser des capitaux. Il faut bien laisser les travailleurs récupérer, mais le temps global à allouer au travail reste indéterminé a priori, c’est pourquoi, comme le note Marx, « dans l’histoire de la production capitaliste, la réglementation de la journée de travail se présente comme une lutte pour les limites de la journée de travail ».(5)Karl Marx, Le Capital, Livre 1, p.262, Messidor/Éditions sociales, Paris, 1983.La seconde c’est, dans une durée du travail fixée, d’augmenter l’efficacité du travail, par exemple grâce à la robotisation, à l’informatique, aux NTIC, à la chasse aux temps morts…(6)On ne se pose pas ici la question de ce que devient la production supplémentaire. C’est la contrainte de réalisation qui oblige le capitaliste à trouver des acheteurs, sinon il aura produit pour rien. Du point de vue d’un capitaliste particulier, s’il produit c’est qu’il pense qu’il pourra écouler sa marchandise. Au niveau global la lutte pour l’augmentation du temps de travail existera toujours sous le capitalisme, quel que soit le destin d’un capitaliste particulier.
La première qui ne porte que sur la prolongation du temps de travail légal conduit à ce que Marx nomme « survaleur absolue »(7)Je retiens ici le terme de « survaleur » proposé par Jean-Pierre Lefebvre dans l’édition française de 1983 pour traduire mehrwert plutôt que « plus-value ». Voir dans cette édition les pages XLIII à XLVI de l’introduction de Jean-Pierre Lefebvre où il justifie ce choix de traduction. tandis que la seconde produit une « survaleur relative ». C’est celle-ci qui selon Marx « révolutionne de fond en comble les procès techniques du travail et les groupements sociaux ».(8)Karl Marx, Le Capital, Livre 1, p.571, Messidor/Éditions sociales, Paris, 1983.
Historiquement, la lutte pour la définition légale de la journée de travail montre deux choses. L’une c’est sa violence initiale que la lecture du chapitre VIII du Capital rend palpable. Ainsi la Loi sur les fabriques de 1833 en Angleterre « déclare que la journée de travail ordinaire dans une fabrique doit commencer à 5 heures et demie du matin et finir à 8 heures et demie du soir, et que dans les 15 heures contenues à l’intérieur de ces bornes, il est censément légal d’employer des adolescents (c’est-à-dire des personnes ayant entre 13 et 18 ans) à n’importe quel moment de la journée, en posant toujours qu’un même adolescent ne travaille pas plus de 12 heures dans une journée, à l’exception de certains cas spéciaux prévus. »(9)Karl Marx, Le Capital, Livre 1, p.311, Messidor/Éditions sociales, Paris, 1983.
Et l’autre c’est que cette lutte a conduit progressivement à une diminution de la durée légale, évidemment différenciée selon les pays et l’état des rapports de force entre les travailleurs et leurs employeurs, mais réelle et importante, jalonnée de conquêtes sociales précieuses comme les congés payés.
Il en est résulté une contrainte forte à l’augmentation de la survaleur absolue et une extension de la survaleur relative, marquée par l’automatisation, l’organisation scientifique du travail, le toyotisme, pour n’en citer que quelques signes.
Et cette augmentation s’est faite grâce à celle de l’intensification du travail conduisant à la perte de sens de nombreuses tâches, à la croissance du mal-être, à l’apparition de nombreuses maladies physiques et psychiques dont certaines poussaient au suicide (quand ce n’étaient pas les techniques modernes de management qui s’en chargeaient comme à France Télécom), bref, à une dégradation des conditions générales de nombre de métiers qui crée une aspiration d’autant plus forte à espérer une retraite enrichissante sur le plan personnel (ce qui peut se mesurer par le rôle social que jouent tant de retraités dans les associations ou dans le cadre familial).
Mais cette augmentation de la survaleur relative atteint aussi ses limites comme le montre la baisse des gains de productivité. Malgré l’informatisation, la robotisation, une technologie de plus en plus performante, la productivité stagne. C’est le paradoxe de Solow énoncé en 1987 : « On voit des ordinateurs partout, sauf dans les statistiques de la productivité ».
Dès lors, c’est la relance de la recherche de survaleur absolue en cherchant à allonger la durée légale du travail, comme on le voit actuellement en France avec ce point d’orgue qu’est la réforme des retraites où l’âge de départ à 64 ans n’est soi-disant pas négociable.
On peut voir cela de deux manières. L’une c’est que bien qu’aux abois, le rapport de force est encore suffisamment favorable au capital pour qu’il tente d’imposer cette réforme des retraites. Et l’autre c’est que la crise du capitalisme s’approfondit pour qu’il en soit réduit à réactiver cette lutte pour la durée légale du travail qui a plutôt marqué le 19e siècle alors qu’elle s’était relativement mise en sommeil après la Seconde Guerre mondiale.(10)Bien entendu elle ne s’est jamais complètement arrêtée, comme l’ont montré en France la bataille des 35 heures ou le débat sur le travail le dimanche, mais c’était sur une tendance de fond d’une diminution tendancielle.
Ce faisant, cette réforme qui réactive la lutte sur l’allongement du temps de travail avec une intensité qu’on n’avait pas connu depuis longtemps montre, au sens propre, son caractère fondamentalement réactionnaire.
Notes de bas de page
↑1 | Il faut d’ailleurs noter que dans tous ces exemples, il s’agit de travailleurs hautement qualifiés, ayant fait de longues études, le plus souvent aux frais des contribuables et qu’on emploie non pour trouver des solutions aux questions d’aujourd’hui (climat, biodiversité, économie circulaire, urbanisme repensé…), mais bien pour les aggraver. Un gâchis d’intelligence au service d’intérêts très privés. |
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↑2 | Je laisse au lecteur le soin d’ajouter tous les métiers qu’il juge vraiment utiles pour tous. |
↑3 | Voir par exemple « Productivité et compétitivité : où en est la France dans la zone euro ? » Conseil national de la productivité, 2019, strategie.gouv.fr, p. 31. |
↑4 | Ces trois secteurs ne sont d’ailleurs pas indépendants, notamment grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) qui les irriguent tous. Voir mon texte Les NTIC sauveront-elles le capitalisme ? dans un livre à paraître prochainement. |
↑5 | Karl Marx, Le Capital, Livre 1, p.262, Messidor/Éditions sociales, Paris, 1983. |
↑6 | On ne se pose pas ici la question de ce que devient la production supplémentaire. C’est la contrainte de réalisation qui oblige le capitaliste à trouver des acheteurs, sinon il aura produit pour rien. Du point de vue d’un capitaliste particulier, s’il produit c’est qu’il pense qu’il pourra écouler sa marchandise. Au niveau global la lutte pour l’augmentation du temps de travail existera toujours sous le capitalisme, quel que soit le destin d’un capitaliste particulier. |
↑7 | Je retiens ici le terme de « survaleur » proposé par Jean-Pierre Lefebvre dans l’édition française de 1983 pour traduire mehrwert plutôt que « plus-value ». Voir dans cette édition les pages XLIII à XLVI de l’introduction de Jean-Pierre Lefebvre où il justifie ce choix de traduction. |
↑8 | Karl Marx, Le Capital, Livre 1, p.571, Messidor/Éditions sociales, Paris, 1983. |
↑9 | Karl Marx, Le Capital, Livre 1, p.311, Messidor/Éditions sociales, Paris, 1983. |
↑10 | Bien entendu elle ne s’est jamais complètement arrêtée, comme l’ont montré en France la bataille des 35 heures ou le débat sur le travail le dimanche, mais c’était sur une tendance de fond d’une diminution tendancielle. |