Nous serons tous d’accord à la CGT pour dénoncer le tournant de Macron. Sous prétexte de concurrencer le RN, celui-ci s’est lancé dans une politique inouïe d’attaques contre les immigrés. Ainsi ont été annoncées la restriction de l’accès à l’aide médicale d’État, l’ouverture de nouveaux centres de rétention, etc.
Reprenant les mots de Le Pen, Edouard Philippe affirme vouloir « reprendre le contrôle de notre politique migratoire » et Macron décide de s’exprimer dans le journal d’extrême droite Valeurs Actuelles… À ceci s’ajoutent les provocations ouvertement racistes des Républicains, du RN (Dijon…).
Aucune hésitation : cette politique doit être combattue, l’unité la plus large doit être construite pour mettre cette politique raciste en échec. Et la CGT a un rôle décisif à jouer dans la construction de ce rassemblement.
Unité antiraciste !
C’est dans ce contexte que l’appel « Stop à l’islamophobie » a été publié, dans la foulée de l’émotion suscitée par l’attaque de la mosquée de Bayonne par un lepéniste fanatisé.
Je constate que ce texte ne dit pas un mot de la politique de Macron rappelée ci-dessus. Pas un seul mot… C’est un premier désaccord.
Je constate aussi que ses initiateurs s’appuient sur ces événements dramatiques pour mettre en avant une « lutte » à mener contre l’islamophobie. Cette expression est largement rejetée, y compris à gauche en raison de ses ambiguïtés, parce qu’elle disqualifie le droit à la critique des religions. Je préfère dire qu’il faut combattre la discrimination antimusulmane, expression plus claire. Côtoyant moi-même de nombreux immigrés kurdes, je mesure combien l’hostilité à l’islam peut être légitime et ne peut en tout cas être assimilée à du racisme.
Enfin, ce texte dénonce des « loi liberticides » – on ne peut que comprendre qu’il s’agit de permettre la pénétration religieuse dans les établissements scolaires et donc d’un appel à abolir la loi du 15 mars 2004 portant interdiction des signes religieux à l’école. Or cette question fait l’objet d’un large débat à gauche (je suis pour ma part favorable à préserver l’école de toute pression religieuse). Choisir d’ouvrir ce débat dans un tel texte, c’était faire le choix de la division.
Bref, ce texte est une reprise des conceptions « indigénistes » et pour cette raison même ne peut être le socle du large rassemblement antiraciste, à l’évidence nécessaire.
La signature de ce texte par le secrétaire général de la CGT est donc une erreur manifeste. Elle ne peut qu’encourager la propagation de conceptions anti-laïques et divise les travailleurs selon leurs croyances.
On comprendra aussi, que dans ces conditions, je me suis abstenu de participer à la manifestation du 10 novembre. Le déroulement de cette manifestation, dont l’ampleur est restée limitée pour les raisons décrites ci-dessus, la reprise de thématiques que ne peut partager un cégétiste, confirment que l’appel à manifester de la part de la CGT était erroné.
Pour autant, un autre appel, strictement délimité sur les questions essentielles, celle du racisme dont est victime la population immigrée et les responsabilités de Macron, centré sur notre terrain traditionnel – celui des questions de classe comme la régularisation des salariés sans papiers, la défense et le renforcement de tous les services publics au service de tous – reste nécessaire.
Sur cette base, une grande initiative nationale antiraciste demeure possible, pourvu qu’elle soit réellement unitaire.
Ouvrons la discussion
Pour ma part, jusqu’ici, je me suis abstenu d’ouvrir la discussion sur ces questions dans mon organisation syndicale. Je souhaitais en effet préserver la CGT d’un motif de division.
La signature du texte « Stop à l’islamophobie » par notre secrétaire général, sa participation démonstrative à la manifestation du 10 novembre, l’absence de la moindre réserve quant aux propos qui ont pu y être tenus, modifient la situation.
Au même titre que l’antiracisme, le rejet de l’obscurantisme, la défense de la laïcité, de l’unité des salariés font partie des valeurs que porte la CGT.
Discutons-en désormais !