On n’oublie pas ses amis. L’UFAL a déjà fait connaître Asif Arif, militant communautariste membre d’une secte musulmane (ahmadiyya) qui encourage le voilement des petites filles dès 7 ans (plus tard, elles risquent de « se rebeller ») .
Avocat, il a commis un ouvrage sur la laïcité, certes approximatif, voire peu rigoureux (Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène en ont signé la préface : savaient-ils à qui ils avaient affaire ? On n’ose croire qu’ils partagent le communautarisme de l’auteur. On attend encore qu’ils s’en démarquent…), mais qui lui donne une apparence de respectabilité : ainsi, dans son tour de France pour la promotion du livre, il est accompagné de Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la Laïcité, apparemment peu gêné de ce qui ressemble à une infiltration communautariste.
Or dans Politis, le 20 avril 2018, Asif Arif vient de signer un article avec Madjid Messaoudène, élu de la municipalité de Saint-Denis « en charge de l’égalité femmes-hommes et de la lutte contre les discriminations ; militant pour l’égalité et contre les discriminations » (sic) : on va voir que les dyonisiennes ont du souci à se faire avec pareil « militant » ! Thème : « Le combat féministes et le combat laïque, s’ils peuvent s’articuler, sont fondamentalement distincts ».
Passons sur les arguments ahurissants justifiant pareille « distinction » : en 1905, figurez-vous, les femmes n’avaient pas le droit de vote, et d’ailleurs elles étaient majoritairement opposées à la séparation… Notre avocat a dû sécher ses cours de droit public, pour ignorer ainsi les principes de la démocratie représentative. Sa référence à l’étude du Conseil d’Etat antérieure à la loi de 2010 (dissimulation du visage dans l’espace public) n’est pas plus sérieuse : car depuis, la Cour européenne des droits de l’homme a statué différemment !
Quant à sa « lecture » de la loi de 1905, et plus généralement de la laïcité, elle est simplement inexacte et réductrice. Pour lui, la laïcité n’incombe qu’à l’Etat, et signifie sa neutralité (au sens de non intervention). Interdit donc aux pouvoirs publics de « militer » pour l’égalité hommes-femmes, par exemple : c’est au nom de tels principes qu’il s’en est pris à l’actuelle secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa.
Le « statut » religieux « de la femme » ? C’est simplement contraire à la Constitution, M. Arif !
Selon Arif et Messaoudène, les citoyens qui « confondent » « lutte pour l’égalité femmes-hommes et laïcité » s’immiscent dans « les positions internes » des religions « relatives au statut de la femme ». On croit rêver : dans une République laïque, les religions pourraient ne pas respecter le principe d’égalité entre les citoyens, et assigner aux femmes un statut spécifique, donc discriminatoire ? Et nos faux naïfs de poursuivre : « L’angle biaisé de la laïcité (…) peut rapidement devenir un prisme stigmatisant » (le mot est lâché : « islamophobe » n’est pas loin !).
Donc celles et ceux (dont nombre de musulman.e.s) qui dénoncent les pressions sur les femmes et les petites filles pour leur imposer de porter le voile pratiquent la « stigmatisation » des musulmans : touche pas à mon « statut (religieux) de la femme » ! Et c’est co-signé par un élu de Saint-Denis « en charge de l’égalité femmes-hommes »…
Rappelons une fois pour toutes que le principe de laïcité « [interdit] à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers » (Conseil constitutionnel, décision 2004-505 DC du 24 novembre 2004.). Parmi ces règles communes, figure le principe constitutionnel de l’égalité femmes-hommes ! Lequel est donc bien en rapport direct avec la laïcité. Alors pourquoi triturer ainsi le droit ?
C’est que les pratiques soutenues par Asif Arif et la secte ahmadiyya, au nom de leurs « croyances religieuses », bafouent directement, et l’égalité femmes-hommes, et la laïcité. Le voilement des petites filles dès 7 ans, c’est du mauvais traitement à enfant, et une négation de sa liberté de conscience (Convention internationale des droits de l’enfant, art. 14). Aller solliciter le droit républicain pour défendre ce genre de contrainte, ce n’est pas beau ! Surtout quand on ne connaît qu’approximativement ce droit… Au moins, grâce à l’UFAL, Asif Arif aura eu l’occasion de faire quelques révisions, et Madjid Messaoudène d’éclairer sa lanterne.
Annexe
LES APPROXIMATIONS JURIDIQUES D’ASIF ARIF SUR LA LOI DU 11 OCTOBRE 2010 « interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public »
Asif Arif se contente d’appuyer son argumentation sur une étude du Conseil d’Etat du 25 mars 2010, (avant l’élaboration de la loi du 11 octobre 2010), qui concluait « qu’une telle loi ne pouvait se fonder ni sur la laïcité, ni sur la dignité des femmes, ni même encore sur l’égalité femmes-hommes. »
C’est ignorer que la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), par un arrêt SAS c. France du 1er juillet 2014, s’est prononcée quelque peu différemment du CE français sur le sujet.
En effet, contrairement à ce que semble croire Maître Arif, et à ce que soutenait le Gouvernement français, la CEDH a considéré que la loi de 2010 restreignait bien la liberté de manifester sa religion et relevait de l’art. 9-2 de la Convention européenne des droits de l’Homme : celui justement qu’on invoque en matière de laïcité.
La Cour a certes écarté la quasi-totalité des arguments présentés par la France : la sûreté (ou sécurité) publique ; « le respect du socle minimal des valeurs d’une société démocratique et ouverte », à savoir : l’égalité entre les hommes et les femmes ; la dignité des personnes ; les exigences minimales de la vie en société. Elle a considéré notamment qu’aucune de ces trois valeurs ne correspondait explicitement aux « buts légitimes » motivant des restrictions aux libertés fondamentales admises par la Convention (art. 8-2 et 9-2).
Cependant, elle a admis que, « dans certaines conditions » (dont elle a vérifié la réalité) « les exigences minimales de la vie en société » (le « vivre ensemble », selon la France) « peuvent se rattacher au but légitime que constitue la « protection des droits et libertés d’autrui ». Au terme de son examen méthodique, la CEDH a conclu que « la restriction litigieuse » de la liberté de manifester sa religion « [pouvait] donc passer pour « nécessaire », « dans une société démocratique », et dit clairement qu’il n’y a pas eu violation de la Convention.
Ajoutons que la Cour a, depuis, encore élargi le contour de « la protection des droits et libertés d’autrui ou [de]la protection de l’ordre au sens de l’article 9 § 2 de la Convention ». Elle s’est en effet dite « prête à accepter » que la « valeur » de « l’égalité entre les sexes », puisse lui être rattachée (Affaire Osmanoğlu et Kocabaş c. Suisse, 10 janvier 2017). Du grain à moudre pour les militants de l’égalité femmes-hommes… donc de la laïcité !