On s’achemine vers une nouvelle confrontation majeure contre le gouvernement solférinien et ses alliés néolibéraux (dont le FN).
Le nouveau code du travail proposé par le mouvement réformateur néolibéral suscite une forte réprobation. Plusieurs centaines de milliers de signatures en quelques jours sur une pétition, du jamais vu. Un début de mobilisation syndicale, des initiatives nouvelles des jeunes, des réseaux sociaux plus souvent utilisés pour la mobilisation. C’est la bataille centrale des mois qui viennent. Nous devons soutenir cela de toutes nos forces et pas nous éparpiller dans un activisme démobilisateur sur des milliers d’autres sujets. Il faut savoir cibler, à chaque période, la bataille centrale. Le report de 15 jours pour le passage au conseil des ministres est le temps nécessaire pour discuter avec les syndicats d’accompagnement du néolibéralisme. Notre mot d’ordre est le retrait du texte comme l’a été le retrait du CPE.
Où est la gauche de la gauche ? Est-ce que la gauche de gauche arrive ?
Bien sûr, nous ne sommes pas dans la meilleure des situations. La gauche de la gauche est en état de décomposition tout simplement parce que sa majorité n’a pas l’analyse concrète de la situation concrète, elle ne part du réel pour aller à l’idéal mais veut construire un idéal choisi par elle sans analyser le réel, parce qu’elle croit à l’altercapitalisme, parce qu’elle croit qu’un simple volontarisme suffit à changer les choses en négligeant les lois tendancielles du capitalisme, qu’elle développe dans sa majorité une sorte de projet de gauchissement du communautarisme anglo-saxon concordataire en se mettant à la remorque de l’obscurantisme et des intégrismes. A noter que les communautaristes de la gauche de la gauche utilisent, pour justifier leur soutien aux communautaristes et intégristes, la conception néolibérale de la liberté du « chacun doit pouvoir faire ce qu’il veut où il veut » alors que savons que cette phrase ne permet que « la liberté du renard dans le poulailler ». De ce fait, jamais, ils ne font leur la revendication, notamment des jeunes filles et jeunes femmes, de ne pas subir la pression des responsables de ces organisations communautaristes et intégristes puissamment subventionnés par les pouvoirs publics de tous bords. Ou encore la revendication des athées, des agnostiques et de nombreux croyants qui ne supportent plus le détournement de la loi de 1905, encouragé par les néolibéraux, comme les subventions cultuelles aux structures religieuses qui sont les seules que ne subissent pas l’austérité (exemple les subventions récentes mais abondantes à la cathédrale de Créteil allant bien au-delà de la cathédrale d’Evry). Ou encore des partisans de l’école publique de la République sociale qui voient aujourd’hui qu’il y a plus d’argent par tête d’élève pour l’école privée confessionnelle que pour l’école publique.
En fait, la direction du PC s’est alliée ici et là dans les élections de 2014 et 2015 avec les forces néolibérales solfériniennes, tandis que la majorité de la gauche de la gauche s’associe avec des forces communautaristes et intégristes qui sont alliées au mouvement réformateur néolibéral. Après, on s’étonne du manque de clarté et du fossé avec le peuple. Mais de ce point de vue, le peuple est en avance sur ceux qui se considèrent comme des élites politiques. Car toutes les études sérieuses (c’est-à-dire en dehors des études sociologiques qui refusent de confronter leurs travaux avec des approches anthropologiques, ethnologiques, philosophiques, économiques, sociales, etc.) concluent que le peuple français, comme dans le passé, ne peut entrevoir son avenir qu’avec le principe de laïcité. La dernière étude de l’INED de janvier 2016 intitulée « Trajectoires » a montré que les Français qui déclarent que la religion n’influe pas sur leur mode de vie sont 93 % ; pour les immigrés 79 % (d’origine turque 74 % et d’origine maghrébine 72 %).
Le mouvement réformateur néolibéral a définitivement gagné l’hégémonie culturelle… dans le capitalisme. Il est sorti des dernières crises économiques et financières du siècle en renforçant son pouvoir et en intensifiant les politiques d’austérité. Pour la prochaine, c’est mal parti tant la gauche de gauche tarde à se constituer.
Sur le plan idéologique, la majorité de la gauche de la gauche utilise souvent, soit des simplifications hâtives et abusives en les présentant comme des prééminences surplombantes qui ouvrent le paradis (telle que le revenu universel par exemple, mais il y a des dizaines de propositions de ce type qui ne sont que des propositions altercapitalistes au mieux et régressives au pire), soit des conceptions néolibérales comme on vient de le voir ci-dessus.
Une gauche de gauche doit au contraire travailler à un projet global démocratique, laïque, féministe, économique, social et écologique. Elle doit pour rassembler le peuple commencer par supprimer le fossé qui existe aujourd’hui avec les couches populaires ouvrières et employées. Alors, où sont les discours qui intéressent ces couches sociales majoritaires dans le pays et qui s’abstiennent aujourd’hui majoritairement ? Où sont les discours sur la protection sociale, les services publics, sur l’école, sur la laïcité, sur comment lutter contre le chômage, la misère, la pauvreté, la précarité, le pouvoir d’achat, la politique de la petite enfance, sur la République sociale ?
Une gauche de gauche doit tenir compte du réel d’aujourd’hui (les ravages contre l’écologie, l’offensive des communautarismes et des intégrismes dont l’islamisme contre les intérêts du peuple, l’UE et la zone euro comme carcans contre la possibilité des politiques progressistes, l’extrême éparpillement de la gauche dans son ensemble, les risques d’attentats du total-terrorisme, les besoins de sûreté et de sécurité, la nécessité de retrouver le chemin de nouveaux conquis sociaux, etc.) et donc prendre une ligne et des pratiques nouvelles. Elle doit rompre avec sa ligne volontariste, néokeynésienne et altercapitaliste, qui lui fait notamment croire (car il s’agit bien d’une croyance !) que l’euro et les traités européens peuvent devenir sociaux ou même des balivernes du genre : « il suffit de sortir demain matin à 8h 30 de l’euro et de transformer la monnaie unique en monnaie commune (on a déjà essayé ce principe avec le SME des années 80 qui fut un échec). Nous estimons que seul le plan C possède une crédibilité théorique et pratique à savoir que la sortie de l’euro ne pourra se faire que lors d’une crise paroxystique de type de celle de 2007-2008. Et là, il vaut mieux s’y préparer que d’être pris de court.
Que faire, sinon nos tâches !
Considérer que l’action syndicale et l’action politique sont indispensables, mais insuffisantes. Il manque le troisième pilier qu’est l’éducation populaire avec ses discours et ses pratiques. Sans l’ajout de ce dernier pilier, pas de victoire possible de la nouvelle hégémonie culturelle, l’une des conditions de la transformation culturelle, sociale et politique.
Travailler à la constitution large d’une gauche de gauche avec la perspective d’une rupture vers la République sociale.