La réforme de la masterisation des concours, que l’Ufal n’a cessé de dénoncer, est appliquée cette année. L’une des conséquences de cette réforme est la suppression de l’année de stage. Les fonctionnaires-stagiaires affectés dans le second degré ont donc écopé dès la rentrée d’un service à temps plein. A l’instar de leurs collègues chevronnés, les stagiaires certifiés doivent ainsi assurer 18h de cours par semaine, et les stagiaires agrégés, 15h. S’ajoutent à ces heures de cours des journées consacrées à la formation pédagogique, dont la répartition dépend du pilotage local, c’est-à-dire des dispositifs mis en place par les recteurs au niveau académique. Cette formation pédagogique, réduite à sa portion congrue, ne s’inscrit plus, en effet, dans un cadre national : certains recteurs ont opté par le « filage » (ces journées sont réparties sur toute l’année scolaire), d’autres pour le regroupement, ce qui oblige à recourir à des étudiants pour remplacer les stagiaires. Cette organisation du travail des stagiaires est en elle-même inique : quel temps leur reste-t-il pour préparer leurs cours, pour corriger les copies, pour observer leur tuteur faire la classe et échanger avec lui ? Tel est l’étrange paradoxe de cette contre-réforme : un jeune professeur a encore moins de temps qu’un professeur expérimenté pour faire face aux multiples tâches inhérentes au métier… Il y a là déjà de quoi dégoûter les meilleures volontés.
Mais il y a pire. Dans une circulaire adressée aux recteurs le 25 février 2010, le Ministre de l’éducation nationale précisait que le service des fonctionnaires-stagiaires ne pouvait excéder ce volume horaire. En d’autres termes, il n’était pas question qu’ils fassent des heures supplémentaires. Comment les choses se passent-elles sur le terrain ? De nombreux stagiaires ont découvert avec stupéfaction le jour de la pré-rentrée que leur service allait bien au-delà d’un temps plein. Certains se sont retrouvés avec des services allant jusqu’à 20h de cours par semaine. Dans certains établissements, l’administration a même usé de méthodes d’intimidation pour que ces jeunes professeurs acceptent leur service sans broncher, alors que le droit était pourtant de leur côté. Les chefs d’établissement peuvent en effet miser sur la docilité de stagiaires dont la titularisation dépend pour une grande part de leur avis. Certains d’entre eux ont, du reste, annoncé d’emblée la couleur en conseillant aux stagiaires de s’abstenir de faire grève cette année.
Les propos de Luc Chatel qui a récemment prétendu « ne pas lâcher les stagiaires » apparaissent, à la lumière de cette rentrée chaotique, presque comiques. Car nous avons désormais sous les yeux la vérité cyniquement comptable de cette contre-réforme, que la communication du ministre ne parvient plus à masquer : la masterisation des concours ne sert en définitive qu’à faire des économies de postes en se servant des stagiaires comme bouche-trous.