Mesdames, messieurs les représentants syndicaux : Philippe Martinez, Yves Veyrier, Benoît Teste, Cécile Gondard-Lalanne, Eric Beynel et consorts…
Souvenez-vous, à la dernière présidentielle, Macron ne pèse que 18 % des inscrits ! Au second tour, impossible de savoir ce qu’il pèse vraiment. Et bien aujourd’hui, vous le constatez comme moi, avec seulement 18 % des inscrits il vient de flinguer un peu plus notre système de retraite par répartition.
Son gouvernement dégaine le 49-3 pour faire passer sa réforme sur les retraites. Ce n’est pas une surprise. Vous vous en doutiez. Il veut aller vite, éviter le débat à l’Assemblée et il profite du coronavirus qui inquiète les Français pour faire un bras d’honneur au parlement et aux syndicats.
Il ne tient aucun compte des manifestations « saute-mouton » d’une seule journée. Il ne tient aucun compte des grèves, organisées uniquement le jour des manifestations sans doute pour aussi faire des randonnées pédestres. Et ainsi de suite toutes les semaines, puis tous les 15 jours, puis 40 jours dans la dernière séquence, avec cette pantalonnade syndicale d’un appel au 31 mars !
Dans ce contexte, la solution était connue. Elle était de préparer sérieusement le mouvement du 5 décembre pour obtenir un blocage total et non-violent de l’économie, en coordonnant, en même temps, l’ensemble des mouvements (RATP, Sncf, raffineries pétrolières, ports en docks, avocats, personnels hospitaliers, hommes et femmes de la culture et de l’éducation…) en bloquant des ronds-points à la manière des gilets jaunes et en proposant via vos structures interprofessionnelles, à celles et ceux qui ne peuvent pas faire grève ou bloquer, un gigantesque soutien financier destiné à obtenir les dizaines de millions d’euros nécessaires pour tenir des grèves reconductibles. N’aviez-vous pas le temps entre le 13 septembre, date du blocage complet de la RATP, et le 5 décembre, pour organiser cela ?
Qu’avez-vous fait au contraire ? Vous avez laissé chaque profession agir seule. Vous avez continué de participer à des pseudo-concertations alors que la majorité de Français qui ne veut pas de cette réforme est devenue lasse de vous voir, derrière le mot de retrait, proposer des amendements au projet inamendable du mouvement réformateur néolibéral.
Cela a permis à ce mouvement réformateur néolibéral de monter les Français les uns contre les autres, à jouer sur la jalousie et l’envie, à continuer à opposer public et privé, à ouvrir grand la porte au système de retraite par capitalisation et à mentir sur les conséquences de cette réforme pour les femmes et les hommes.
Pourtant, vous le savez bien, la France n’a jamais été aussi riche. Son PIB n’a jamais été aussi important.
Malgré cela, la France continue à s’enfoncer sur le chemin de la régression sociale. Adieu depuis longtemps à la retraite à 60 ans, adieu la Sécu. Vive la mort au travail, vive la précarité !
Certains d’entre nous ont dit non à la régression sociale. Ces derniers mois, des salariés, des étudiants, des chômeurs, des précaires, des retraités ont continué à espérer dans le militantisme. Ils ont aussi dit non aux anciennes méthodes où il suffisait de montrer son mécontentement pour obtenir un mieux-être.
Après les manifestations et les grèves d’un jour ou deux par semaine de 1993, 2003, 2008, 2010, 2014 qui n’ont rien obtenu, comment avez-vous fait pour ne pas comprendre en 2020 que nous ne sommes plus dans cet ancien monde des « Trente glorieuses » et qu’il fallait changer de ligne stratégique ?
Pourtant, cette fois-ci, les salariés de la RATP et de la SNCF ont montré la voie grâce à une stratégie d’auto-organisation salariale pour bloquer l’économie de façon non violente.
Qu’avez-vous fait pour coordonner et étendre le blocage non-violent ? Rien.
N’est-ce pourtant pas le rôle d’une confédération et/ou d’une union syndicale ?
Pour organiser la riposte, votre réponse de direction syndicale est toujours restée la même : la participation à des concertations bidons et toujours la sempiternelle manifestation « saute-mouton » d’un seul jour, en attendant la suivante, qui a pour conséquence de lasser les travailleurs. Et qu’avez-vous obtenu ainsi ? Nada !
C’est évident, vos formes d’actions syndicales ne fonctionnent plus. Les gouvernements ne les craignent pas. Pire, ils y sont presque indifférents.
Comment s’en étonner puisqu’aux méthodes radicales et sécuritaires des gouvernements vous répondez par la musique et les flashmobs
Messieurs Martinez, Veyrier, Gondard-Lalanne, Beynel, Teste et autres, devant ce 7ème échec, comment mobiliserez-vous lorsqu’il s’agira de lutter contre les futures atteintes aux acquis sociaux ?
Vos méthodes et stratégies seraient bien entendu idéales dans un climat de dialogue social. Elles auraient tout leur sens si les gouvernements prenaient en considération la masse mobilisée. Mais voilà, vous le constatez mieux que moi, il n’en est rien depuis des années.
Allez-vous continuer à accompagner la prochaine défaite sociale ?
Allez-vous enfin prendre la mesure de vos responsabilités d’organisateurs ? Allez-vous enfin proposer une mobilisation générale à tous les travailleurs, gilets jaunes compris ?
Finissons-en avec ces modes d’action méprisées par les gouvernements.
Devant le déni démocratique à tous les étages, devant le mépris de l’oligarchie, devant cette violence d’État, il va falloir que vous arrêtiez de produire de la résignation. Trop c’est trop. Réveillez-vous !
Ce siècle, vous le voyez bien, est celui des luttes sociales et écologiques. C’est aussi celui d’une éducation populaire refondée pour gagner la bataille au service d’une nouvelle hégémonie culturelle.
Voilà pourquoi le rôle des unions syndicales et des confédérations est de transformer les révoltes sociales et écologiques en action organisée pour la victoire sociale et écologique. Leur rôle n’est pas d’accompagner les défaites successives.
Si vous ne remettez pas en cause vos lignes stratégiques, nous perdrons sans doute beaucoup de temps mais vous perdrez, vous, définitivement, votre honneur de syndicaliste.
Très cordialement,
Le 3 mars 2020.