On ne saurait pas mieux dire que : ce film permet, par l’histoire qu’il nous conte, d’accéder à un large débat vers l’éducation populaire, de ses fondements aux actions que nous menons…
Le film documentaire commence en 1947 avec Jeanne Laurent, sous-directrice des spectacles et de la musique au département Arts et Lettres du ministère de l’Éducation nationale, qui va organiser cette décentralisation, projet qui prit naissance sous la Résistance avec pour base le projet de Jean Zay de faire coopérer action éducative et action culturelle créatrice.
Le théâtre de la IIIe République était essentiellement parisien et les troupes faisaient des tournées en province. Sous la IVe République, avec cette décentralisation que nous conte le film, des troupes de théâtre pionnières se sont installées en province en suivant l’exemple de Copeau en Bourgogne ou de Charles Dullin.
C’est ainsi que Joffre Dumazedier évoque les comédiens routiers qui, malgré la précarité de leur condition, développent une extraordinaire créativité, rallient de nouveaux publics et mêlent éducation populaire et démocratisation d’un art encore inconnu d’une partie de la population.
Sous la Ve République jusqu’en 1968 se développe la politique culturelle d’André Malraux. Ce sont les cathédrales culturelles qui vont amener l’ère des créateurs de renom.
Les troupes théâtrales se diluent. L’esprit coopératif disparaît provoquant la séparation entre éducation populaire et culture au nom de l’excellence artistique. À travers cette politique, c’est l’accès à la culture pour le peuple et le principe éducatif par l’amateurisme développé par les comédiens routiers qui est mis en cause.
C’est la théorie du choc culturel reposant sur la confrontation entre public et une œuvre d’art la plus parfaite possible développée par Emile Biazini, cet ancien administrateur colonial devenu en décembre 1961 directeur du Théâtre, de la Musique et de l’Action culturelle au ministère des Affaires culturelles qui triomphe.
Nous pouvons rajouter (ce que ne dit pas le film qui n’en reste qu’aux effets sans en rechercher la cause) que le modèle politique néolibéral qui devient dominant en 1983 accentue ce phénomène tout en augmentant le nombre des centres dramatiques nationaux à 38.
Fort heureusement ; la manière de populariser le théâtre dans la lignée de Jean Dasté ou Jean Vigo pour le cinéma va être reprise dans les banlieues rouges prolongeant sous une autre forme le lien entre l’art théâtral et l’éducation populaire.
Ce film nous permet de porter un regard sur les enjeux institutionnels et politique de l’action culturelle car aujourd’hui encore – et cela malgré quelques tentatives –, l’art théâtral décentralisé apparaît comme déconnecté de l’éducation populaire. Notre Réseau se fixe comme tâche aujourd’hui d’alerter et de recréer ce lien entre l’éducation populaire « refondée » et l’ensemble des arts (dont le théâtre, le cinéma, etc.) ainsi que de populariser d’autres formes d’utilisation de la scène comme les débats-théâtraux, conférences gesticulées, théâtre-forum, théâtre de l’opprimé, théâtre-images etc.
Ce film ne peut que nous aider.