Extrême gauche, extrême droite : pas d’équivalence mais différence de nature

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Il est un poncif largement répandu dans tout le pays et véhiculé par la majorité des médias : les extrêmes se rejoindraient. Autrement dit, dans les déclarations de nombre de dirigeants politiques, notamment dans une partie de la macronie et de la droite, il faudrait faire barrage aux extrêmes, minimisant de la sorte le danger réel pour la République que représente l’arrivée au pouvoir du RN et de ses alliés, au profit d’une menace factice d’une extrême de gauche. Il est indispensable de bien préciser les choses.

 

Précisons qu’il paraît injustifié de considérer le Nouveau Front Populaire, y compris LFI, d’extrême. Le programme du NFP n’est pas extrême et moins avant-gardiste que celui proposé par le programme commun de l’Union de la Gauche et des 100 propositions du candidat Mitterrand en 1981. Personne ne s’aventurerait à qualifier F. Mitterrand et ses proches d’extrémistes.

Qu’est-ce que l’extrémisme en politique ?

Il est un poncif qui affirme que les extrêmes se rejoignent. Ce genre de stéréotype existe depuis la Révolution française. Réaliser la Révolution ne serait qu’un retour à la case départ. Ce type d’affirmation s’appuie sur la science qui évoque la Révolution de la Terre autour du Soleil.

En politique, cela ne fonctionne pas. Réaliser la Révolution revient à changer de base, à modifier radicalement le fonctionnement d’une société à un moment donné. C’est au moment de la Révolution française que les partisans d’une République élitaire ont propagé ce type d’analyse d’équivalence pour que rien ne change fondamentalement.

Les médias répandent ou reproduisent complaisamment les idées d’un barrage aux extrêmes, qui sont mis dans le même sac comme quoi ils seraient opposés aux valeurs de la République sans préciser ce qu’ils sont.

L’extrême droite présente un programme qui, clairement, diffuse une idéologie appelant à la violence, la haine, la discrimination envers des personnes en raison de leur origine, leur ethnie, leur religion réelles ou supposées. Cette idéologie est fondamentalement opposée aux valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et au principe de laïcité qu’elle oriente contre une seule religion, hier contre les juifs, aujourd’hui contre les musulmans.

L’extrême gauche, supposément LFI, est présentée comme opposée aux valeurs de la République pour justifier le non-désistement. Son programme et encore plus celui du Nouveau Front Populaire sont bien en deçà des orientations de l’Union de la Gauche de 1981.

C’est souvent oublié : une partie du Centre relève de l’extrême centre en raison de son inféodation à l’Atlantisme et au programme ultra libéral de l’Union européenne. Cela conduit à sacrifier les services publics en particulier et le bien commun en général. Ces secteurs supposent une gestion publique dans laquelle l’intérêt général prime sur les intérêts égoïstes qui dominent, pas toujours, dans le privé.

Différence de nature

Dans la période de la « Guerre froide » opposant le bloc soviétique au bloc occidental a émergé une confusion entre tous les totalitarismes, établissant une égalité entre le fascisme en général, l’hitlérisme en particulier et les régimes dits socialistes soviétiques et chinois. Or, il existe une différence de nature entre les deux systèmes. Les objectifs affirmés du fascisme conduisent à la destruction, la déstabilisation de l’être humain. Ce n’est clairement pas la finalité des pseudo régimes socialo-communistes. Il est évident que le goulag, l’extermination des opposants à la ligne du parti, le refus de la démocratie dite formelle et bourgeoise, le refus de la liberté de conscience contredisent les objectifs humanistes et émancipateurs de la pensée socialiste marxiste, de Jean Jaurès. Jean Jaurès, que les partisans d’une nouvelle société devraient relire, n’opposait pas liberté formelle et bourgeoise et socialisme. Bien au contraire, il établissait un lien fécond entre libertés formelles, bourgeoises et individuelles et libertés collectives.

Les lignes éditoriales majoritaires, les propos de certains politiques définissent l’ « arc républicain » entre ceux qui respectent les valeurs républicaines excluant d’office de celui-ci LFI. Certes, certains, au sein de ce mouvement, font preuve de dérives à notre sens mortifères. La preuve en est la difficulté à affirmer clairement que le Hamas est un mouvement terroriste, à ne se focaliser que sur la condamnation de l’intervention armée d’Israël en oubliant les otages Israéliens. La preuve en est la participation à des manifestations organisées par les Frères musulmans, les réserves pour condamner clairement les contraintes diverses et particulières faites aux femmes et jeunes filles dans certains quartiers, le patriarcat.

Entre ces dérives que nous condamnons et qui sont contraires à l’esprit humaniste et émancipateur du programme du nouveau Front de Gauche en général et de LFI en particulier et le projet de l’extrême droite clairement discriminatoire, il n’y a pas correspondance, mais différence de nature. Evidemment, les attitudes provocatrices de certains, les invectives en lieu et place du discours argumenté desservent les causes censées être défendues. Adeptes de l’éducation populaire, nous ne nous résignons pas à ce que certains emploient une telle méthode et nous nous y refusons.

Barrage à l’extrême droite

Les élus de droite, du centre macroniste et du Modem qui ont refusé le désistement du candidat placé en 3e position dans une triangulaire dans laquelle le RN risque d’être élu portent une lourde responsabilité dans la domination de ce mouvement.

Evidemment, les porteurs d’une politique d’austérité, de remise en cause des droits des travailleurs, des droits sociaux, de destruction des services publics sont les ferments de la montée du RN qui organise l’opposition factice entre les travailleurs selon leur origine. Le rapport de classe, la domination des possesseurs de capitaux sont généraux, quelle que soit la religion, l’origine, l’ethnie.

L’école de la République, comme l’ensemble des services publics, dans le viseur

Le RN s’est engouffré dans la brèche créée par le Gouvernement Macron/Attal au travers du « bloc des savoirs » qu’il applaudit des deux mains. Ce « bloc des savoirs » aggrave la situation de système éducatif en organisant le tri, la discrimination. Ainsi,

l’école où l’on apprend les savoirs requis pour s’émanciper et où l’on découvre les comportements qui permettent de « faire société » laisse définitivement la place à une école du tri… un tri qu’effectuait déjà le clivage « privé / public » et qui va devenir le mode de fonctionnement officiel, sans retenue ni culpabilité, de tout le système.

Tribune signée par Philippe Meirieu dans « Café pédagogique », intitulée « Il fait noir au pays des Lumières ».

Pour la République indivisible, laïque, sociale, démocratique : prolonger la dynamique

Il s’agit d’instaurer un réseau d’éducation populaire, dans lequel il n’y ni sachants ni ignorants, mais un travail collectif, de mettre en place des collectifs pour assumer la double besogne afin d’améliorer la situation matérielle des travailleurs dans le système existant et poser les jalons d’une nouvelle société comme l’entendait Jean Jaurès, à savoir la montée en puissance de la participation des ouvriers et employés sur leur lieu de travail et la montée en puissance des sociétés de services et de productions gérés par les salariés.

Il n’est pas étonnant que de nombreux politiques attachés au système ultralibéral qualifient d’extrême une partie de la gauche de sorte à discréditer les mouvements qui participent de cette volonté émancipatrice.

Une sorte de rebond est observé après le renoncement qui semblait se dessiner suite au formidable mouvement opposé à la contre-réforme des retraites. Il s’agit de le prolonger et de faire en sorte que le sursaut électoral à gauche grâce au Nouveau Front Populaire se concrétise en donnant envie aux citoyens et citoyennes de se mobiliser afin de dessiner une alternative de gauche fondée sur la justice sociale et le refus d’inégalités nuisibles à la société. C’est la seule façon de parvenir à des relations apaisées dont nous avons tous besoin sans négliger les débats de fonds.

Agissons pour continuer, ainsi que l’exprimait Louis Aragon dans un de ses poèmes, à « croire au soleil quand tombe l’eau ».